4.3. Les objectifs et le cadre des groupes VIRAGE :

Avant d’aborder le déroulement concret des séances de groupe, il nous semble nécessaire de préciser les objectifs et le cadre clinique des groupes. Le nombre important de groupes réalisés nous permettent actuellement de stabiliser tous ces éléments. Nous formulerions ainsi les cinq objectifs de notre dispositif :

Tableau 25 – Les cinq objectifs des groupes.
Objectif 1  Permettre la reconnaissance des faits de violence et le développement de la responsabilisation.
Objectif 2 Aider à la prise de conscience de ses propres représentations, de sa vision du couple et des représentations de la femme.
Objectif 3  Favoriser l’expression et la gestion d’une problématique interne liée au passé et aux relations parentales.
Objectif 4  Permettre le développement de nouveaux modes de communication avec le (la) conjoint(e).
Objectif 5
(Objectif transversal) 
Faciliter une reprise de l’expression de soi et de l’estime de soi.

Source : Document interne – VIRAGE – 2004 –

Les quatre premiers objectifs correspondent à une ou plusieurs thématiques, le cinquième est un objectif transversal dont l’application est présente dans la démarche pédagogique mise en œuvre dans toutes les séances. Ces objectifs serviront plus loin comme indicateurs d’évaluation des effets des séances de groupe sur certains participants. Ils constitueront de même le contenu du séquencement des séances de groupe.

Le dispositif VIRAGE dont la finalité est la prévention de la répétition d’actes de violences conjugales est adossé à la loi. Il suppose une reconnaissance judiciaire des actes violents concrétisée d’une part par des poursuites consécutives à la plainte, d’autre part par la convocation aux séances de groupe adressée par le Parquet pour les personnes après leur condamnation et pour les personnes intégrées dans un classement sous conditions.

Ce dispositif n’est pas un moyen de punir ou de sanctionner : les animateurs ne recherchent pas l’aveu de culpabilité ni la véracité des faits. Ce qui est recherché est d’une part l’affirmation de l’interdit de violences par la perception de cette violence, de ses mécanismes, des émotions qui lui sont intimement liées, et d’autre part l’apprentissage de nouveaux comportements face au conflit, autres que l’évitement et l’impulsivité.

Notre conviction - et nous empruntons à J.C. Kaufmann la formulation qu’il en donne dans son dernier ouvrage – est que « l’individu est tout le contraire d’un bloc, stable et homogène, qu’il est au cœur d’un mouvement continuel… Nous ne sommes rien sans les institutions qui nous portent et les contextes qui nous entourent » (2008, p. 7). C’est dire que l’on ne peut séparer l’individu et le contexte.

Les objectifs déclinés ci-dessus visent à induire un ou des changements chez les participants. On pourra ainsi parler de groupes intentionnels à visée de changement, ce qui pourrait les différencier de l’approche des groupes de parole où une attitude non-directive est suffisante. Quel est ou quels sont les changements souhaités ? Quelle est la nature ou le fondement de cette intention ? Cette intention est-elle légitime ? Comment la mettre en œuvre ? Selon quelle méthodologie ? A quelle référence épistémologique pourrions-nous rattacher notre approche ? Si « le soi n’est pas une chose que l’on posséderait en soi; il est un processus en travail, fondé sur la représentation de soi » (J.C. Kaufmann, op. cit. p. 15), alors le changement est aussi ce travail à plusieurs niveaux étroitement complémentaires. Comment définir ce travail ? « L’individu se fabrique jour après jour par ses choix, et redéfinit continuellement la totalité – changeante – qui donne sens à sa vie. » (op. cit. p. 19). Ce travail au quotidien rencontre parfois des impasses dont l’individu doit se sortir par des solutions différentes de celles qu’il a essayées jusqu’alors. Si la répétition conduit au même, la solution est de changer de niveau.

Le changement principal serait-il, pour les auteurs de violences conjugales, de trouver une identité unifiée, une totalité signifiante, où viendrait s’ajouter un pan entier, actuellement manquant, celui du rôle conjugal ?