4.3.1.5. La cinquième séance

Le plan de cette cinquième séance est le suivant :

Les photos choisies montrent une femme particulière : C'est la femme au milieu de la nature, de la vie, le soleil qui réchauffe, c'est aussi la femme moderne pour laquelle on n'a pas à s'inquiéter, la cuisinière, la mère des enfants. Pas l’image d’une femme dégradée. Une photo n’est pas choisie bien que proposée, celle de la femme sexuée, belle, séductrice. Notre hypothèse est que cette femme est objet… (Sujet…) de peur pour les participants. Nous rejoignons l’analyse de J. Cournut. Pour beaucoup des participants, la femme représente un pouvoir qu’ils n’ont pas : elles sont le pouvoir dont parle G. Neyrand, elles sont proches des enfants, une famille qui les entoure, une force de décision : souvent elles ont déclaré leur volonté de partir. Globalement un participant sur deux est en procédure de divorce, divorce dont I. Théry écrit qu’il devient « l’apothéose paradoxale de la famille puisqu’elle résiste à tout, même à la séparation, même à la décohabitation » (1993, p. 17). La situation de séparation est abordée fréquemment. Les séances de groupe aident les participants à réfléchir à ces situations, à mieux analyser l’enjeu de telles situations de rupture. Les relations avec les enfants sont aussi beaucoup discutées. Certains sont prêts à tourner définitivement la page et à rompre avec leurs enfants, d’autres s’accrochent désespérément à ce dernier lien. Pour tous, la question de la paternité est essentielle, même si les réponses s’avèrent opposées. Le rôle des groupes sur cette question est primordial.

On imagine ces hommes fortement dépendants de leur conjointe : une dépendance d’abord affective, une dépendance matérielle enfin. Pour nombre d’entre eux, une rupture professionnelle - licenciement, disputes, accident du travail, changement de boulot - va entraîner un conflit et fragiliser le couple.

Les animateurs constatent que les participants face au conflit ont spontanément adopté un comportement d’évitement : « Je vais faire un tour, dès que le ton monte ». Pour ceux qui sont passés devant le Tribunal, la sanction sursitaire leur empêche tout comportement violent mais ne leur indique pas quel autre comportement adopter.

Dans ces séances, nous ne travaillons pas sur les faits eux-mêmes. Nous travaillons sur ce qu’en disent ou en rapportent les acteurs ou les témoins. Ce que disent les acteurs est-il la réalité, ou leur vérité ? Qu’est-ce qu’une donnée objective ? La modalité choisie de son recueil ira influencer son expression. Où placer l’objectivité de faits rapportés ? Est-ce qu’un empirisme radical préviendrait de tout écart ? En fait à un moment de la recherche, il faut passer à l’étape de la problématique qui sera forcément sélective, généralisatrice et partisane.

L’empirisme pourrait nous engluer dans le fait, le significatif, l’évident.

Michel Foucault dans l’Ordre du discours (1975) parle de l’évènement qui, regardé pour lui-même, est clos; dès que le regard s’en dégage et accepte le risque de la hauteur, l’évènement se révèle multiple, complexe, et fécond. A l’opposé, la théorie construite de l’auteur de violences soumis à l’humiliation sociale, au malheur conjugal et au dégoût de lui-même est-elle réalité ?

Ce participant en pleurs est-il ce dominateur asseyant son pouvoir sur une lente et terrible emprise ?

Est-ce cet homme à l’insupportable faiblesse qui frappe pour ne pas la voir ? Est-ce ce désespéré qui menace et bat pour être enfin arrêté ?

Notre travail se caractérise par une analyse de la liaison entre des données objectives et par le récit qui est fait des violences, de données retenues comme essentielles. Nous cherchons une répétition de ces données comme validation de facteurs de causalité.