4.5. Les effets des séances de groupe
‘« Il faut vivre la défaite d’une position de l’existence pour qu’une autre apparaisse » F. Roustang, 2009, Le secret de Socrate, Editions Editions Editions O. Jacob.’
Le groupe aide les participants dans la prévention du renouvellement d’acte de violence car :
- Il permet à ceux-ci de nouer des liens de cordialité permettant l’expression des émotions et des situations
- Il permet par un effet de miroir entre eux de diminuer la culpabilité, d’exprimer la responsabilité de ses actes et le développement de l’estime de soi.
- Il permet l’expression de soi, de ses émotions …
- Il permet par un étayage groupal, l’abandon de certaines attitudes et le développement sécurisé de nouvelles compétences communicationnelles.
- Il permet enfin l’abord objectif de problèmes chargés émotionnellement, créant ainsi des perspectives.
Nous pouvons par de nombreux exemples démontrer les effets importants de ces groupes. Ces effets sont cependant limités : ils agiraient pour certains73 sur l’arrêt des violences physiques. Nous pensons que d’autres effets non mesurés actuellement sont à l’œuvre notamment :
- La restauration de liens familiaux (lien du père avec les enfants). Nous avons de nombreux exemples illustrant la reprise de tels liens. En effet, nombreux sont les participants qui, devant les difficultés à rencontrer leurs enfants régulièrement après la séparation conjugale, par lassitude ou par manque de volonté, se font progressivement à l’idée d’une rupture avec eux. Ils expriment alors dans les séances de groupe cette difficulté qui provient d’une communication conflictuelle voire impossible avec leur ex-conjointe. Notre travail consiste à réfléchir avec eux la meilleure façon de maintenir voire de re-créer des liens paternels. Cette réflexion est essentielle car elle touche à un sentiment identitaire. Souvent nous entendons ce doute : mes enfants vont-ils m’aimer malgré la séparation ? Ce que j’ai fait va-t-il les amener à ne plus vouloir me parler ? Que leur dit leur mère sur moi ? Lorsque ce doute est exprimé lors de plusieurs séances consécutives, la discussion s’installe entre les participants et chacun peut apporter des solutions et éclairer sous un autre versant, le problème.
- Et encore l’apaisement du lien post-conjugal (notamment en cas de divorce). Chaque participant en ce domaine en est à un stade différent. L’apaisement suppose l’abandon d’une position de rivalité, de vengeance. Il suppose non seulement un lâcher-prise mais aussi l’acceptation d’une certaine défaite. Nous allons expliciter ce terme de défaite. C’est un terme guerrier qui représente une position reconnaissant la réalité de la victoire du camp adverse. C’est à la reconnaissance de cette réalité que nous œuvrons. Comment cela se présente-t-il ? Dans la totalité des cas rencontrés dans nos groupes, la conjointe a porté plainte, elle a avec elle le soutien de la Police, elle a avec elle ses enfants, elle est soutenu par des associations. Pour le conjoint, la situation est différente, voire opposée. Le soutien repose essentiellement pour la plupart sur leur conviction que c’est leur conjointe qui est responsable de ce qui s’est passé. Nous allons dans les groupes travailler sur cette conviction. La possibilité de renouer une certaine communication entre les deux partenaires suppose la diminution de cette colère, colère qui en fait cache une certaine culpabilisation, culpabilisation qui est compensée par la force du sentiment d’avoir raison. Plus le conjoint sera capable d’accepter ce qu’il a fait et d’en évaluer la gravité, plus il pourra accepter de tourner la page et de présenter une image plus positive de lui-même. C’est l’essentiel ici de notre travail de groupe pour les couples séparés.
- Il est une deuxième situation qui concerne environ la moitié des participants,74 celle où les deux conjoints maintiennent leur vie commune même après le jugement. La situation est complexe : Monsieur a été condamné souvent à une peine de prison avec sursis. Sa vie a été portée sur la place publique. Il est prêt à recommencer une vie conjugale mais subsistent toujours des points de conflits. Comment les régler ? La dispute est risquée : elle peut conduire chacun à un escalade imprévisible avec de lourdes conséquences. L’évitement des conflits est la solution adoptée par beaucoup lors qu’ils évoquent cette situation. La question posée est d’aborder un conflit par la négociation et le respect de l’autre. Si nous travaillons cet aspect dans les groupes, cela n’est pas suffisant car il manque l’autre partenaire. Aussi nous semble-t-il essentiel de proposer aux couples dans cette situation, un suivi spécifique après les groupes, suivi que nous exposerons dans notre dernière partie sur les jalons d’une prévention.
Les participants dans les groupes passent d’un vécu morcelé à une expérience sociale où cette dernière, dans la confrontation avec d’autres permet l’unification des différents moments. La présence d’autres décentre chacun de son propre vécu personnel. Les épreuves individuelles deviennent vécus collectifs sans qu’ils soient similaires. Les questions se posent différemment. Les solutions apparaissent possibles et réelles. La mauvaise foi s’estompe disqualifiée par la transparence de la réalité et l’approbation des autres.
Notes
73.
Nous verrons plus loin les résultats de l’étude sur la récidive chez 54 participants.
74.
Nous ne pouvons généraliser cette donnée. Nous n’avons aucune référence pour affirmer que la moitié des couples où la conjointe a porté plainte pour violences conjugales se maintiendront après la fin des groupes. Nous avons constaté seulement que pendant les groupes, la moitié des participants étaient encore en cohabitation avec leur conjointe.