4.5.2. Sur la récidive des participants aux groupes :

Nous ne disposons pas de données françaises sur l’arrêt des violences physiques après la participation d’auteurs de violences conjugales à des groupes de prévention.

Seuls, Broué et Guèvremont (1999) indiquent qu’a contrario pour 30 % des individus violents la sanction suffirait à faire cesser la violence physique et que par ailleurs ils ont constaté dans les groupes québécois un arrêt des violences physiques de six mois après la fin des groupes. Ce résultat appelle plusieurs remarques, d’une part ce délai paraît très court, d’autre part l’arrêt des violences physiques est insuffisant pour la victime ; souvent les violences verbales – chantage, menaces, insultes…- peuvent continuer voire s’amplifier.

M. Vacheret & M. Cousineau (2005) font une évaluation du risque de récidive au sein du système canadien. A la base de ce système, il y a la notion de prédiction du risque de récidive. Cette prédiction est fondée sur des calculs probabilistes, qui se veulent objectifs et fiables. Les contrevenants sont classés en fonction d’un score statistique. Différentes échelles sont mises en œuvre pour évaluer le niveau de risque. Parallèlement à cette évaluation, un parcours formel du détenu est fixé en fonction du parcours-type comprenant des temps de permissions, un examen d’admissibilité en libération conditionnelle, une échéance de libération d’office. Ces temps planifiés sont revus selon le comportement du détenu. Les auteurs ont étudié le parcours de 570 personnes qui ont été libérées et ont interviewé 36 d’entre eux sur les raisons pour lesquelles ils avaient considérés comme « à risque élevé » et quels étaient les facteurs qui les avaient amenés à ne pas récidiver. Les anciens détenus évoquaient la volonté d’une motivation, l’envie de changer de vie, les aides institutionnelle et familiale, l’accès à un travail… Pour au moins ces 36 anciens détenus et la majorité des 570, la prédiction s’était avérée fausse.

En fait, selon les deux chercheurs canadiens, le critère le plus important dans l’acceptation d’une libération anticipée est le niveau de gravité du délit (op. cit. p. 388) et non pas les échelles de probabilité. Ce niveau de gravité va influer sur le niveau de prédiction et le classement de ces personnes dans la catégorie « à risque élevé ». Ainsi, le temps de détention va s’accroître, diminuant d’autant les chances d’une bonne réinsertion sociale.

Pour notre part, nous avons fait un constat similaire : les personnes condamnées et récidivistes ont un parcours social très différent de celui des personnes condamnées avec un sursis. Les différences de parcours ne sont pas dues uniquement à la gravité des actes mais aussi à cause du vécu stigmatisant de détenu et de la progressive désocialisation qu’il va induire.

Cette recherche canadienne met en avant les limites de l’approche statistique de la dangerosité et des capacités de réinsertion du détenu. Ce modèle probabiliste que nous analyserons plus loin dans ses paradigmes, devrait être complété par l’approche sociale et clinique. Il s’agit bien de penser les approches en terme de complémentarité car l’une serait de nature à exclure naturellement l’autre : les experts en statistiques déresponsabilisant les cliniciens. Un pouvoir peu apparent pourrait se mettre en place, laissant aux données quantitatives le choix de l’avenir du détenu qui n’aura plus en face de lui un interlocuteur. Nous rapprocherions une telle situation de ce qui se passe lors de la mise en place de nouveaux moyens technologiques, tel que le bracelet électronique. Ce moyen – privilégié dans le projet de loi sur les violences conjugales de février 2010 – sert d’unique « interlocuteur » pour le condamné. En fait, la technologie obéit à la programmation faite par la Police qui devient totalement absente du rapport entre le condamné et son bracelet (Lianos M. & Douglas M., 2001).