4.5.4.5. Comment caractériser les effets des groupes sur les participants ?

Il nous semble au vu du déroulement des séances, et des résultats du questionnaire que l’effet premier réside dans l’expérience du parler. C’est d’ailleurs ainsi que nous avons intitulé le premier exposé (2003) rendant compte de l’expérience de VIRAGE, exposé figurant en annexe. Pour reprendre l’expression de L. Daligand, si les auteurs de violences conjugales sont infirmes de la parole, s’ils préfèrent la mise en acte plutôt que la mise en mots, le groupe leur permet d’expérimenter le risque de la parole. Pour eux, c’est un risque de dévoilement, de montrer une part d’eux-mêmes qui est celle de la fragilité. Ces paroles sont suscitées, encouragées par les co-animateurs, par une attitude empreinte de neutralité et de bienveillance.

Dans ce mouvement du parler, les participants élaborent leur ressenti, élaborent leurs propres souvenirs, expriment leurs représentations. Les récits de l’événement de violence prennent forme au fil des séances. Les commentaires et les explications suscités dans les séances de photo-langage se font plus longs, plus détaillés, plus aisés. Au détour d’une phrase, l’on découvrira un passé de maltraitance, des souvenirs douloureux, des images de père tyrannique ou au contraire complètement absent, des images de mère présente mais peu affectueuse…

Parfois, certains n’arrivent pas à formuler ce qu’ils ressentent, d’autres participants alors viennent mettre des mots sur ces silences. Ils parlent pour eux, comme eux. Cela constitue comme une forme d’apprentissage sécurisé, sécurisé car ces mots qui sont dits par d’autres peuvent l’être par tous.

Les groupes accompagnent les participants dans une période de crise où ceux-ci sont souvent seuls face à des problèmes concrets : où vais-je habiter ? Vais-je supporter ma nouvelle solitude ? Comment entrer en contact avec mon ex-conjointe ? Comment revoir mes enfants ? Comment va se passer la séance du Tribunal ? Vais-je avoir une amende, de la prison ? Toutes ces questions sont posées au cours des séances de groupe. Les uns font part de leur expérience. Les autres écoutent attentivement. Tous prennent conscience qu’ils sont amenés à faire des choix personnels. Les groupes sont adossés à la loi : c’est la loi qui scande ces périodes : l’avant du jugement, le pendant et l’après. Une directrice du SPIP vient leur dire que la loi sanctionne mais aussi est un moyen pour rebondir. La sanction leur permet de tourner la page.

L’effet d’apprentissage de comportements nouveaux est plus complexe : on ne pourrait en quelques heures permettre l’installation chez des individus de comportements nouveaux pérennes. Ils expérimentent certaines attitudes mais ne les assimilent pas définitivement. Les exercices que nous leur proposons sont trop limités pour avoir un effet à long terme. Ils se rendent compte que le comportement d’évitement est négatif, que le dialogue même difficile est le meilleur choix pour continuer la vie commune.

Nous allons aborder notre troisième partie pour revoir et discuter nos hypothèses.