Introduction

Ingénierie territoriale et développement territorial

Les 15 et 16 décembre 2005, l’Assemblée régionale de Rhône-Alpes réunie en séance plénière adopte la délibération Études et actions structurantes d’aménagement du territoire 1. Elle pose les premiers jalons de la structuration de « l’ingénierie territoriale en Rhône-Alpes dédiée au développement territorial ». Il s’agit de gérer un réseau régional composé de vingt sept partenaires et de deux clusters de recherches2, organismes publics et associations reconnus pour la maîtrise d’une compétence technique et professionnelle incontournable au développement et à l’aménagement du territoire.

Le 27 janvier 2006, la commission permanente du Conseil régional décide d’apporter son soutien financier à « l’ingénierie territoriale généraliste »3 nécessaire à l’animation des Contrats de Développement en Rhône-Alpes (CDRA). Considérant que la qualité de ces contrats d’action publique territoriale passés entre la Région et un regroupement infra régional d’Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) « repose en particulier sur la qualité de l’animation qui est consacrée », la Région souhaite « préciser les missions et compétences principales qui sont attendues des animateurs qu’elle finance au regard de la politique des Contrats de Développement en Rhône-Alpes et des articulations avec les politiques territorialisées ».

La création, au sein de la Direction des Politiques Territoriales de la Région du service « Ingénierie territoriale, Planification spatiale, et Grands Projets » au début de l’année 2007 est le complément organisationnel de ce dispositif.

Dans le même temps, au niveau central, la Délégation Interministérielle à l’Aménagement et à la Compétitivité du Territoire (DIACT)4 qui définit le volet territorial des nouveaux contrats de projet État Région5 2007-2013 cherche à coordonner et mutualiser les moyens publics au sein du maelström territorial. Elle fait du « remembrement de l’ingénierie territoriale » un outil de rationalisation de la dépense publique dans des espaces d’une « dimension suffisante »6.

Dans un contexte de recomposition de l’architecture institutionnelle locale7 qui devrait déboucher sur une réorganisation des compétences d’attribution et une redistribution de l’expertise, la mise en regard de ces deux conceptions de l’ingénierie territoriale, savoirs et savoir faire au service de l’animation territoriale pour la Région et les EPCI et instrument de rationalisation de la dépense publique pour l’État, reflète les relations compliquées qu’entretiennent le centre et la périphérie en matière de gestion publique territoriale8.

Aussi l’ingénierie territoriale, toujours plus présente dans les mots, rarement définie est-elle un révélateur des interdépendances et contradictions qui structurent l’action publique territoriale. Sa genèse, sa composition, son action et les usages qui en sont faits guideront notre enquête dans les étapes de l’institutionnalisation des deux Contrats de Développement des Pays Beaujolais et Roannais en Rhône-Alpes et des dispositifs territoriaux qui leur sont liés. En effet, la manière dont Rhône-Alpes fait émerger ces « territoires de projet »9 infra régionaux, mais aussi les objectifs qu’elle poursuit en les mobilisant mettent en lumière, à la fois, les enjeux de contrôle et de coordination de l’action publique territoriale et la portée des instruments, savoirs et savoirs faire professionnels utilisés par une ingénierie territoriale qui se structure au fil des générations de contrats.

Notes
1.

Délibération du Conseil régional n° 05 07 922 des 15 et 16 décembre 2005 sur les études et actions structurantes d’aménagement du territoire sur www.rhonealpes.fr .

2.

Délibération n° 05.03.269 du 8 avril 2005, sur le schéma régional de l’enseignement supérieur et de la recherche sur www.rhonealpes.fr

3.

Délibération du Conseil régional n° 06 07 47 du 27 janvier 2006 relative aux actions générales des contrats de développement.

4.

Le 1er janvier 2006, la Délégation Interministérielle à l’Aménagement et à la Compétitivité du Territoire (DIACT) créé par le Décret n°2005-1791 du 31 décembre 2005 s’est substituée à la Délégation à l’Aménagement du Territoire et l’Action Régionale (DATAR).

5.

Lors du CIACT du 6 mars 2006 les Contrats de Plan État Région ont été modifiés en Contrats de Projets État Région pour prendre effet au 1er janvier 2007 jusqu’à fin 2013. En cohérence avec les objectifs de l’Union Européenne définis à Lisbonne et Göteborg, ils limitent leurs interventions à la compétitivité du territoire, le développement durable et la cohésion sociale territoriale. Les procédures sont calées sur le calendrier des fonds européens. Les modalités de leur mise en œuvre sont définies par la Circulaire du 6 mars 2006 n° 5137/SG du Premier Ministre sur la préparation des Contrats de Projets État Région 2007-2013 et l’élaboration de la stratégie de l’État.

6.

Circulaire du 23 janvier 2007 du délégué interministériel à l’aménagement et à la compétitivité des territoires sur l’ingénierie territoriale dans les contrats de projet.

7.

Comité pour la reforme des collectivités locales « Il est temps de décider. Rapport au Président de la République le 5 mars 2009. 174 p., www.reformesdescollectivitésterritoriales.fr

8.

DURAN P, THOENIG J.C. « L’État et la gestion publique territoriale », Revue Française de Science Politique, vol 46, n°4 Août 1996, p 580-623.

9.

L’intitulé territoire de projet n’est pas employé ici comme une catégorie de l’analyse mais comme le terme générique utilisé par les acteurs du développement. C’est un espace institutionnel au sein duquel est mis en œuvre un dispositif d’action publique.