Le développement territorial en Rhône-Alpes

Les Contrats Globaux de Développement (1992-2000)

Dans une ambiance réformatrice marquée par la Loi relative à l’Administration Territoriale de la République du 6 février 1992 (ATR) et la Loi d'Orientation pour l'Aménagement et le Développement du Territoire du 4 février 1995 (LOADT) qui fait référence au Pays comme instrument de rationalisation de l’action publique10, la Région Rhône-Alpes, présidée par Charles MILLON (Démocratie Libérale), adopte le 30 octobre 1992 son premier Schéma régional d’aménagement et de développement du territoire. Le 23 juillet 1993, l’Assemblée plénière approuve une politique contractuelle de développement territorial dont le Contrat Global de Développement (CGD), en appui sur l’intercommunalité fédérative11, est l’un des principaux outils12. L’idée est de faire émerger des « espaces du quotidien, des territoires à géographie souple, qui correspondent à des réalités vécues de façon non sectorielle, mais autour de tous les déplacements et actions du quotidien : un périmètre où les hommes vivent les mêmes problèmes et les mêmes contraintes pour imaginer des investissements publics communs »13. Les premiers CGD voient le jour en 1995 pour une durée de cinq ans. Au total quarante neuf conventions couvriront Rhône-Alpes. Une partie de ces conventions seront inscrites au Contrat de Plan État Région du XIème plan (1994-1998) au titre de l’aide aux espaces ruraux fragiles. A l’exception des agglomérations de Lyon, Grenoble et Saint Etienne, objets d’un partenariat spécifique avec la Région, tout l’espace régional est couvert de ces dispositifs.

Dans ce contexte de réforme territoriale, la Région Rhône-Alpes, tout en rationalisant son aide financière, cherche à asseoir son autorité, dans un espace politique où les Départements, soucieux de préserver leurs prérogatives, se montrent des partenaires récalcitrants à tout empiètement du pouvoir régional sur leur champ de compétences14. Se met en branle un processus qui part de la mise en place d’une doctrine régionale du territoire infrarégional pour être relayé par la négociation politique des périmètres « des territoires de projets » à l’échelle de plusieurs cantons15. Selon les termes de Martin VANIER, « la fabrication de territoires »16 résulte de la combinaison de plusieurs facteurs : « des mythes scientifiques », par exemple la vision réticulaire de la région, la mobilité, la rapidité et l’échange ; des critères d’objectivation socio spatiale comme les bassins de vie ou d’emplois dont les contours sont liés aux seuils statistiques définis par l’INSEE, des jeux d’acteurs locaux, se traduisant par la création de postes politiques honorifiques comme celui de président de territoire de projet.

Les Contrats de Développement en Rhône-Alpes (2000-2008)

En 2000, les CGD évoluent. Ils sont renommés Contrats de Développement de Rhône-Alpes (CDRA)17. Sous la présidence d’Anne Marie COMPARINI (UDF), la Région ajoute un appui méthodologique, logistique et technique aux actions de développement élaborées par les EPCI sur une période de cinq ans. Quand cette procédure s’associe à la politique nationale des Pays issus de la Loi d’Orientation et d’Aménagement et de Développement Durable du Territoire du 25 juin 199918 (LOADDT), elle se nomme Contrats de Développement de Pays de Rhône-Alpes (CDPRA)19. Aussi lors des négociations du Contrat de Plan État Région pour la période 2000-2006, le Préfet de Région accepte-t-il la coexistence des deux procédures sur le territoire rhônalpin. Il ouvre ainsi la possibilité aux anciens CGD de se fondre dans un Contrat de Développement de Pays en Rhône-Alpes et de constituer le volet territorial du Contrat de Plan État Région. On dénombre quarante six CDRA et CDPRA.

Ils s’inscrivent dans la montée en puissance des nouvelles formes d’intercommunalité fédérative issues de la Loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale20.

Procédure de reconnaissance des pays. Document DATAR.
    Les communes et les groupements de communes préparent un dossier adressé au Préfet de région.
     
Phase 1
Détermination des périmètres d’étude
  La région et le (les) département(s) formulent un avis simple sur les périmètres d’étude. Le Préfet demande également l’avis de la Commission Départementale de Coopération Intercommunale.
     
    La Conférence Régionale d’Aménagement et de Développement du Territoire donne son avis sur le projet de périmètre. Si son avis est conforme, le Préfet de Région arrête le périmètre d’études.
 
    Le pays organise les modalités de la concertation et de la coopération locale.
Un conseil de développement est créé par les communes et groupements du périmètre d’étude.
Phase 2 :
Elaboration et validation du projet de pays (charte)
 
  Le pays élabore sa charte de développement en association avec le conseil de développement , le(s) département(s) et la région.
La charte comprend : un diagnostic, un document stratégique, des supports cartographique, des annexes (bilan des actions passées, modes d’organisation du pays, moyens d’ingénierie).
 
 
  Les communes ou les EPCI (si les compétences en matière d’aménagement de l’espace ou développement économique leur ont été transférées) approuvent par délibération la charte.
Phase 3
Validation de la charte et du périmètre définitif
 
 
  La région et le(s) département(s) expriment un avis simple sur la charte.
Le Préfet demande l’avis de la Commission Départementale de Coopération Intercommunale.
 
 
La CRADT reconnaît (avis conforme) le périmètre définitif du pays (arrêté du Préfet de région)
 
  Création de la structure du pays : syndicat mixte ou GIP de développement local ;si le pays est recouvert de communautés, ces dernières peuvent s’organiser sans obligation de structure nouvelle
Phase 4 :
Constitution de la structure et contractualisation
 
Négociation et signature du contrat de pays avec l’Etat, la région et les départements dans le cadre du volet territorial du contrat de plan Etat-région
 

Rhône-Alpes affiche l’ambition de faire converger la majorité de ses programmes d’action vers un périmètre territorial commun 21 . On observe alors l’application des volets sectoriels de contrats généralistes dans des dispositifs territorialisés22. Ainsi en matière d’emploi-formation, le 5 juillet 2005, la région Rhône-Alpes, présidée par Jean-Jack QUEYRANNE (PS), en vertu de ses compétences d’attribution et l’État, au titre du plan de cohésion sociale de 2004, adopte le principe des Contrats Territoriaux Emploi Formation (CTEF), qui non seulement sont couplés aux programmes d’action des CDRA/CDPRA mais doivent aussi s’appliquer à leur échelle territoriale23.

Les Contrats de Développement Durable en Rhône-Alpes (2008-horizon 2015)

Poursuivant l’objectif d’intégration territoriale des dispositifs qu’il met en œuvre, le 10 juillet 2008, le Conseil régional institue une troisième génération de contrats d’une durée de six ans : les Contrats de Développement Durable de Rhône-Alpes (CDDRA)24. La Région Rhône-Alpes poursuit la territorialisation de la politique emploi formation en renforçant son articulation avec les CDDRA. Elle y intègre également les Plans Climat Énergie Territoriaux. Jusque là en retrait sur les Schémas de Cohérence Territoriale (SCOT) parce que la loi de Solidarité et de Renouvellement Urbains du 13 décembre 2000 n’en fait pas un décideur mais une personne publique associée a minima sur l’enquête publique nécessaire à la définition du périmètre, elle veut davantage peser dans leur imbrication avec les CDDRA pour lesquels la gestion foncière, l’habitat et le transport prennent une importance grandissante. L’ingénierie territoriale, la maîtrise de compétences techniques et organisationnelles constituant une ressource incontournable dans l’intégration de ces dispositifs, elle cherche toujours plus à la structurer notamment en revendiquant le droit à sélectionner et embaucher les animateurs de ces dispositifs.

Aussi, par delà les changements de majorités politiques régionales, qui n’influencent qu’à la marge la trajectoire et le contenu des trois générations de contrats, c’est d’abord le renforcement de la capacité politique de la Région Rhône Alpes qui est visée par les majorités successives. C’est dans ce cadre politique et institutionnel que s’inscrivent les Pays Beaujolais et Roannais à partir lesquels nous étudierons l’ingénierie territoriale en action.

Notes
10.

Initialement très ambitieuse, la LOADT propose, dans le cadre d’un schéma national d'aménagement et de développement du territoire, une organisation du territoire fondée sur les notions de « bassins de vie » -article 2-. Elle envisage aussi qu'un Pays puisse être formé « lorsqu'un territoire présente une cohésion géographique, culturelle, économique ou sociale » -article 22-, après consultation de la Commission Départementale de la Coopération Intercommunale créée par la loi relative à l’Administration Territoriale de la République (ATR) du 6 février 1992. Or ledit schéma national d'aménagement et de développement du territoire, connaîtra de telles vicissitudes d'élaboration que le gouvernement BALLADUR renoncera à le valider. Il ne sera pas soumis au vote du Parlement. La réorganisation-modernisation des services publics prévue à l’échelle des pays dans le cadre des schémas départementaux des services publics -articles 25 à 31- restera lettre morte.

11.

La Direction Générale des Collectivités Locales établit cette différence essentielle qui marque des niveaux différents d’intégration entre les communes. Elle les définit de la manière suivante :

La forme associative, la plus répandue, dont le mode de financement est constitué des contributions budgétaires et/ou fiscalisées communales, comprend les syndicats à vocation unique (SIVU), les syndicats à vocation multiple (SIVOM) et les syndicats mixtes. C’est un EPCI relativement spécialisé dans une ou quelques missions, peu intégré.

La forme fédérative dont le financement provient des 4 taxes locales (taxes professionnelle, d'habitation, sur le foncier bâti et sur le foncier non bâti regroupe les communautés urbaines (CU), les districts jusqu'en 2001, les syndicats d'agglomération nouvelle (SAN), les communautés de communes (CC), les communautés de villes (CV) jusqu'en 2000, et, depuis 2000, les communautés d'agglomération (CA). C’est un EPCI à «  spécialisation très large » puisqu’il peut bénéficier du transfert de blocs de compétences. Ses modalités de financements, notamment la fiscalité propre avec Taxe Professionnelle Unique renforcent sa forme intégrée.

12.

P.V. de l’assemblée plénière du Conseil régional de Rhône-Alpes du vendredi 24 novembre 2000 intitulé Les contrats de développement en Rhône-Alpes

13.

RIVOIR M., directeur de l’Agence régionale d’Aménagement et développement du territoire, Entretien donné à Revue de Géographie de Lyon Vol 70/2/1995 p 159.

14.

C’est un point que Pierre JAMET, Directeur général des services du Département du Rhône aborde sans détour lors de son discours introductif aux des troisièmes rencontres juridiques sur l’état du département organisées par la Faculté des sciences juridiques de l’Université Lumière Lyon 2 et le Conseil général du Rhône.

Il précise : « Il faudra peut être que les spécialistes du droit de la concurrence s’interrogent sur la concurrence entre collectivités locales, concurrence pas toujours très saine – i l faut bien le reconnaître entre les territoires, entre les institutions, notamment dans le domaine des activités économiques ». Acte des troisièmes rencontres juridiques sur l’état du département. 1999 p 1.

15.

Il faut rappeler que la loi ATR du 6/02/1992 ne produit pas les effets escomptés en matière d’intégration intercommunale. On reste dans une logique d’intercommunalité de tuyaux mêmes si ces coopérations contribueront à la vague intercommunale issue de la Loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.

16.

VANIER M. « La petite fabrique de territoires, en Rhône-Alpes : acteurs, mythes et pratiques », Revue de géographie de Lyon, vol 70 n°2, 1995, p 93-103. Sur le plan institutionnel, il faut préciser que cet article est écrit en 1995, année du vote de la LOADT qui institue le Pays, procédure d’origine législative et étatique faisant intervenir la Commission Départementale de la Coopération Intercommunale alors que le CGD est une procédure contractuelle qui relève de la seule initiative régionale sans passer par l’avis de la dite commission.

17.

Délibération n° 00.07.832 du Conseil régional des 23 et 24 novembre 2000. Les contrats de développement en Rhône-Alpes. Délibération sur sur www.rhonealpes.fr

18.

Loi n°99-533 du 25 juin 1999 d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi n°95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire.

19.

C’est la raison pour laquelle, dans notre rédaction, nous utiliserons indifféremment le terme Pays ou le terme Contrat de Développement de Pays en Rhône-Alpes

20.

Dès 2005 l’ensemble du territoire régional est couvert d’Établissements Publics de Coopération Intercommunale à fiscalité intégrée.

21.

Délibération n° 05.02.161 plan régional pour l’emploi : modalités de mise en œuvre du contrat territorial emploi-formation sur www.rhonalpes.fr .

Rapport n° 05.02.505 plan régional pour l’emploi : modalités de mise en œuvre du contrat territorial emploi-formation sur www.rhonalpes.fr

La région a également adopté les Projets Stratégiques Agricoles et de Développement Rural (PSADER). Votés le 21 juillet 2005 dans le cadre du Plan Régional pour l’agriculture et le développement rural. Ils doivent également s’appliquer à l’échelle des CDPRA

22.

MERIAUX O. « Le débordement territorial des politiques sectorielles » dans FAURE A., DOUILLET A.C. (dir.) L’action publique et la question territoriale, Presse Universitaire de Grenoble, 2005, p 27-32.

23.

Rapport n° 05.02.505 plan régional pour l’emploi : modalités de mise en œuvre du contrat territorial emploi-formation sur www.rhonalpes.fr .

On peut lire : « Cette démarche rejoint celle qui sous-tend la mise en œuvre des Contrat de développement Rhône-Alpes (CDRA) et vise à donner plus de cohérence à la politique territoriale de la Région en permettant une combinaison plus étroite entre les stratégies de développement économique d’une part, et le développement des ressources humaines d’autre part. »

24.

Délibération n° 08.07.489 du Conseil régional du 10 juillet 2008. Une nouvelle génération de contrats de développement sur www.rhonealpes.fr

Voir également le Communiqué de presse de la région Rhône-Alpes du 11 juillet 2008 sur l’assemblée plénière du Conseil régional du 10 juillet 2008 sur www.rhonealpes.fr