Une approche multiscalaire

L’analyse multiscalaire permet de combiner la richesse d’information issue de la méthode inductive avec le souci théorique. Elle constitue un pas prudent vers la montée en généralité.

En croisant différentes échelles d’observation du développement territorial, elle renvoie à la multiplicité des niveaux de gouvernement conjointement impliqués dans l’action publique130 et problématise la définition du centre de gravité de l’action publique territoriale131. Elle permet de déterminer les acteurs dominants qui détiennent les fonctions d’intégration et de coordination 132 de ces jeux d’échelle.

Cette approche conduit à prendre en compte les différents types d’interactions (formelles/informelles), la répartition des ressources entre les différentes acteurs (ressources matérielles, juridiques, institutionnelles, d’expertise, symboliques, de légitimité, de mobilisation…), les interdépendances (c'est-à-dire les modalités d’échange des ressources au sein du réseau), les rapports de pouvoir, les alliances existant au sein de la configuration étudiée133.

L’approche multiscalaire, c’est aussi l’analyse d’un processus qui se déroule dans le temps au sein d’un contexte lui aussi en évolution134. En saisir le mouvement suppose de créer un point de vue extérieur au processus étudié. Ici, la mise à distance se construit par l’étude historique, diachronique des différentes générations de contrats de développements territoriaux initiés par l’État et la Région. Ainsi notre étude de l’ingénierie territoriale dans les Pays et les dispositifs qui leur sont liés focalise sur la période centrale de 2000 à 2006. Mais, la contractualisation du développement territorial est un processus entamé depuis 1992 en Région Rhône-Alpes, avec les CGD. Il se poursuit en 2008 avec la nouvelle génération de Contrats de Développement Durable en Rhône-Alpes. La comparaison de leurs conditions d’institutionnalisation nous permet de définir les régularités et les changements en matière de relations entre l’État et les collectivités territoriales et le rôle de l’ingénierie territoriale dans ce processus. D’autant plus, que les stratégies de long terme peuvent en apparence être contradictoires avec les actions de court terme. Concrètement, pour s’imposer, la logique de contrôle « top down » de long terme peut passer par une logique « bottom up » de court terme.

Ceci étant posé, vient ensuite la difficulté du choix du cadre de l’analyse : réseau, système d’action concret, configuration sont en balance.

Notes
130.

MABILEAU A. « Le local comme phénomène de société. Le local et ses représentations », Sciences de la société n°48 octobre 1999, Presse universitaire du Mirail, p 217. « Avec le jeu des échelles, (l’analyse des interactions entre acteurs et institutions) est porteuse et avec l’interconnexion des espaces, elle est productrice de nouveaux modèles d’institutions qui révèlent des « méso-gouvernements » et explicite la « multilevel gouvernance ». Il en résulte un nouveau paradigme territorial où l’institution joue son rôle dans l’espace politique, mais aussi dans le temps pour résoudre des problèmes circonstanciels »

131.

NEGRIER E. « Du local sans idée aux idées territoriales en action ». GIRAUD O., WARIN P. (dir.) Politiques publiques et démocratie, La découverte/Pacte, p 163-177.

132.

ELIAS N.. Qu’est-ce que la sociologie ? Éditions de l’Aube, Agora, Pocket, traduction 1991, p 177. « Les personnes qui ont accès à des positions clés, assurant des fonctions d’intégration et de coordination détiennent du même coup de meilleurs chances d’accession au pouvoir. L’un des problèmes majeurs auquel doit s’attaquer toute société hautement différenciée, c’est donc de parvenir à surveiller par des institutions plus efficaces toutes ces positions sociales en elles-mêmes indispensables. Mais comment la société peut-elle s’assurer que les détenteurs de ces positions clés mettront davantage ces fonctions de coordination et d’intégration au service des autres plutôt qu’au leur propre »

133.

HASSENTEUFEL P. « Deux ou trois choses que je sais d’elle. Remarques à propos d’expériences de comparaison européennes dans Les méthodes au concret Démarches, formes de l’expérience et terrains d’investigation en science politique CURAPP, aux PUF, 2000, p 112..

Bien que ces remarques portent sur les conditions opérationnelles de l’analyse comparative des réseaux de politiques publiques, elles n’en sont pas moins riches d’enseignement pour le changement d’échelle qui lui aussi suppose de savoir toujours où se situer par rapport à l’objet étudié.

134.

VLASSOPOULOU C.A. « Politiques publiques comparées. Pour une approche définitionnelle et diachronique » dans CURAPP Méthodes au concret, opus. cité., p 138.