Description de la situation économique

Au sein des CDPRA, l’enjeu économique en général et de l’emploi en particulier est premier. La délibération du Conseil régional des 23 et 24 novembre 2000 relative à leur mise en œuvre est sans ambiguïté sur ce point : « La sélection des projets devra mettre en avant, dans toute la mesure du possible, des arguments en termes de création d’emplois, de génération d’activité nouvelle, d’impact sur l’activité, d’animation et d’émergence de richesse nouvelles pour le territoire ».

Face à ce défi, les zones d’emplois du Roannais et du Beaujolais Val de Saône ne sont pas logées à la même enseigne. La première est en perte de vitesse. La seconde présente une image contrastée.

Le Roannais est très lié à son pôle Roanne (encadré INSEE ci-dessous), ville centre qui comptait 55 385 habitants en 1975, 38 896 en 1999 et 36 100 en 2006 selon la dernière enquête de recensement 2004-2006 de l’INSEE. Ces chiffres sont explicites. La ville décline avec son économie industrielle. Elle connaît un solde migratoire déficitaire entre 1990 et 1999. Sa population vieillit, s’appauvrit et perd en qualification.168

Éloigné de Lyon et Saint Etienne, désormais à l’écart des grands axes de communications, alors que selon Fernand BRAUDEL, son passé de « carrefour des routes »169 entre le Nord et le Sud de la France et de lien entre les fleuves Saône et Loire d’Est en Ouest a fait sa richesse, ce territoire enclavé connaît pourtant une des concentrations industrielles les plus fortes en France en processus de déclin-reconversion.

Le textile-habillement représente un tiers des emplois du secondaire, l’armement et la mécanique 26 % de ces emplois. Globalement, bien qu’elle ait perdu la moitié de ses emplois depuis 1975, l’industrie textile, filière dominante, (70 % des emplois industriels privés en 1963, 60 % en 1975), influence encore fortement les caractéristiques structurelles du bassin : domination de l’industrie et sous-représentation du secteur tertiaire (notamment des services aux entreprises), haut niveau du taux d’activité féminin et de la proportion d’ouvriers, faiblesse relative de l’encadrement et du niveau de qualification.

La crise de la filière textile explique en partie la perte de 8 200 habitants (15 900 pour la ville centre de Roanne) et de 3 300 actifs dans l’arrondissement entre les recensements de 1975 et 1999, ainsi que le vieillissement de la population.

Malgré la progression du secteur tertiaire, la diminution du nombre de salariés dans l’industrie a provoqué, selon l’ASSEDIC, la perte de 10 000 emplois privés dans l’arrondissement de Roanne (soit moins 20 %) entre 1977 et 1997.

Depuis, le nombre d’emplois salariés s’est stabilisé autour de 47 000 selon la CCI du Roannais, dont environ 11 000 emplois publics. Le taux de chômage est équivalent au taux national mais l’emploi y est moins sûr ; l’indice de fragilité calculé par la Direction Régionale du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle était de 1 contre une moyenne régionale de 0,75 en 2002. A cela il faut ajouter la restructuration de GIAT Industries et la suppression de plusieurs centaines d’emplois.

Mais cette spirale du déclin, si elle n’est pas enrayée est contrebalancée par des initiatives ponctuelles et localisées qui s’inscrivent dans le processus de destruction créatrice à l’œuvre dans le Roannais.

D’une part, l’exploitation des ressources locales comme le bois, en particulier les forêts de sapins Douglas dans le massif des Bois Noirs à l’est du Pays Roannais est une opportunité économique solide. Cette richesse naturelle qui dans le passé a fortement contribué au développement du Roannais avec la fabrique des sapinières, ces barques qui descendaient la Loire pour véhiculer des marchandises, pourrait demain constituer la matière première d’une activité motrice avec la structuration de la filière bois autour du leader français de la construction en bois, la société OSSABOIS qui siège à Noirétable.

D’autre part, les difficultés du secteur textile ont conduit les entreprises en appui sur les chambres consulaires et le site universitaire à se constituer en système de production localisé. Il prend le nom de MUTEX : il favorise la formation des salariés tout en cherchant à établir des stratégies partenariales entre des PMI jusque là concurrentes ou qui s’ignoraient. Il oriente le bassin industriel vers le textile technique, production à haute valeur ajoutée qui peut s’affranchir de la concurrence des pays émergents, aujourd’hui spécialisés dans le textile d’habillement.

Enfin, le territoire renforce la tertiarisation de l’emploi et réoriente le tissu économique vers les technologies de l’information et de la communication. L’implantation inattendue en 2004 de l’entreprise TRANSCOM, centrale d’appel avec 500 emplois directs en 2007 en est un des leviers. Le développement de plateformes logistiques, sur l’axe autoroutier A 89 (Lyon, Clermont Ferrand, Bordeaux), permettrait au Roannais de se positionner en tête de pont de la Région Rhône-Alpes tout en profitant du trafic touristique capté sur la Nationale 7. Peut-être une manière de renouer avec son brillant passé de carrefour des routes royales.

Dans le Beaujolais, l’économie est plus contrastée. Selon qu’on s’intéresse au Beaujolais Bleu sur un axe Nord Sud, au Beaujolais vert à l’ouest ou aux Côteaux, la situation diffère sur ce territoire rural qui s’urbanise rapidement.

Le long de l’A6, Villefranche et Belleville sur Saône drainent une part importante de l’activité économique et de la population du Pays Beaujolais. La première joue avec difficulté son rôle de ville centre compte tenu de sa proximité avec Lyon (encadré INSEE ci-dessous). Sous-préfecture du Rhône, elle bénéfice d’un élan démographique qui lui a permis de se constituer en communauté d’agglomération avec trois communes voisines. La seconde a fédéré les communes du Beaujolais environnant pour les regrouper dans la communauté de communes du Beaujolais Val de Saône.

La population du Beaujolais croît de manière continue depuis 1990. Le taux de chômage y est inférieur à la moyenne départementale. En 1999, sur les 73 672 emplois recensés dans le Pays, le volume d'emplois dans le bassin Val de Saône était d'environ 53 000 salariés, dont 28 000 pour les entreprises industrielles, commerciales et de services. Les deux premiers employeurs sont tertiaires : la santé-action sociale, avec 7 400 salariés fin 2004 (12 % du total) et l'administration publique, avec 5 000 salariés (8 %)170.

Sur les Côteaux, la filière viti-vinicole en crise cherche à élargir sa gamme de produits de manière à écouler une partie de sa production en vins de table, tout en améliorant la qualité de ses crus du Nord, avec pour ligne d’horizon une baisse de la consommation171. Elle cherche à améliorer sa position à l’exportation sur les crus du Nord.

A l’Ouest, c’est un territoire économique en difficulté. Le Haut Beaujolais rural perd des habitants, tout en essayant de valoriser ses ressources forestières. Tarare en pleine crise de restructuration de l’industrie textile composée d’un grand nombre d’entreprise familiales sans stratégie marketing qui n’ont su ou pu s’adapter à la nouvelle donne concurrentielle.

Autonomie et stabilité de l’emploi.

Selon l’INSEE172, les indicateurs d’autonomie (l’autonomie d’une zone est mesurée par le pourcentage des emplois de cette zone qui sont occupés par des actifs qui y résident ) et de stabilité (la stabilité d’une zone est mesurée par le pourcentage des actifs de la zone qui travaillent dans cette même zone) permettent de repérer des territoires autonomes pour l’emploi et d’autres interdépendants tournés vers l’extérieur. De manière générale, les périmètres en contrat qui jouxtent une métropole importante (Lyon, Grenoble, Annecy) sont peu stables, beaucoup de leurs actifs se rendant alors dans ce pôle pour travailler.

Par exemple, on constate que plus le « territoire de projet » se trouve proche du pôle d’emploi lyonnais, moins grande est son autonomie. Si certaines communes participent plus à l’autonomie, d’autres la réduisent par les emplois occupés par des actifs venant de l’extérieur.

Plus à la périphérie, la situation est moins homogène. On observe des contrats dont une partie dépend fortement du pôle d’emploi lyonnais tandis que l’autre plonge dans un espace plus rural où l’accès à l’emploi apparaît moins polarisé. C’est le cas des périmètres des Monts du Lyonnais et du Beaujolais comme celui du Beaujolais Plaine de Saône. D’autres territoires tels le Roannais sont bien centrés autour d’un pôle d’emploi urbain dont la couronne monopolarisée appartient en quasi totalité au contrat.

Source : La lettre INSEE Rhône-Alpes, n° 80, Avril 2002

Les déplacements

Les déplacements des habitants pour l’accès à différents équipements structurent également le territoire. La gamme d’équipement se décline en équipements de proximité, (boulangerie, petits commerces…), intermédiaires (librairie, supermarché, collège, banque, magasin de vêtements, gendarmerie…), supérieurs (hôpital, université, hypermarché et zones commerciales…).

En Rhône-Alpes, en général et dans le Roannais en particulier, les habitants des communes du périmètre CGD173 se dirigent principalement vers le pôle central du territoire, en l’occurrence Roanne.

A l’opposé dans les CGD en bordure des grosses agglomérations de Lyon, Saint Etienne ou encore de Mâcon, on trouve les CGD Monts du Lyonnais et du Beaujolais et du Beaujolais Val de Saône. Ils se distinguent par une moindre polarité parce que moins structurés par les équipements internes à leur territoire. On observe un flux important de navettes domicile-travail. Cette dernière observation est essentielle à la bonne compréhension de la constitution du Pays Beaujolais. Par exemple en 1999 sur les 76 296 actifs employés dans le Beaujolais, 22 167 d’entre eux (29,1%) travaillent en dehors de cette zone, soit une augmentation de 40% par rapport au recensement de 1990, 19 543 actifs extérieurs viennent travailler dans la zone, en augmentation de 30 % par rapport à 1990174.

Compris dans un axe Nord Sud entre Lyon et Mâcon, l’aire urbaine de Villefranche sur Saône est une des trois, avec Bourgoin Jallieu et Vienne, dont la zone d’influence socio économique s’est réduite entre 1990 et 1999175. Concrètement son aire urbaine a perdu des communes. Mais depuis ces dernières années, la pression foncière qui s’exerce sur l’aire urbaine lyonnaise, le desserrement de la ville, la forte croissance des couronnes périurbaines, l’augmentation des déplacements domicile-travail et leur allongement ont rebattu les cartes. En réponse, le Pays Beaujolais travaille à sa meilleure intégration avec le renforcement du pôle caladois. En effet, l’avènement d’une communauté d’agglomération à Villefranche sur Saône qui vise à aimanter la population de l’arrière Pays s’intègre dans une stratégie territoriale pour peser face à la région urbaine lyonnaise. Cependant la partie Ouest du territoire, avec Tarare, la seule autre ville de plus de 10 000 habitants connaît les affres de la désindustrialisation et Cublize, aux frontières du Pays Roannais, subit l’exode rural.

Territoires constatés et territoires de projet

On observe un grand écart entre les 27 zones d’emploi constatées en Rhône-Alpes par l’INSEE sur la base de quantifications économiques et les espaces institutionnalisés dans les CTEF et CDPRA. L’exemple de la zone d’emploi Beaujolais Val de Saône est éclairant.

Sur l’axe Nord Sud, elle s’étend de Belleville à Villefranche sur Saône et sur l’axe Est-Ouest, elle recouvre quelques communes en rive gauche de la Saône dans le département de l’Ain. Ce territoire est parcouru par des voies de communication à fort trafic : les autoroutes A6 vers Paris et A46 ouvrent sur l'A42 en direction de Genève mais également sur l'A43 vers Milan et l'A7 vers le bassin méditerranéen. Lyon n'est qu'à 20 minutes de Villefranche sur Saône et les trois gares TGV (deux à Lyon et une à Mâcon) placent Paris à 2 h. Enfin, le port de Villefranche sur Saône est considéré comme le port Nord de Lyon.

Deux villes sont en plein essor économique : Villefranche sur Saône et Belleville sur Saône. Les zones d’influence de ces villes dépassent les limites du Département du Rhône dont la Saône est la frontière naturelle avec le Département de l’Ain. Chaque jour, plusieurs centaines de personnes « traversent les ponts » pour aller travailler et consommer à Villefranche sur Saône176 et à Belleville sur Saône, des entreprises s’installent rive droite dans le Rhône, rive gauche dans l’Ain. En conséquence, il semble que le « territoire  pertinent » de l’action publique qui mettrait en cohérence le territoire de la représentation politique, le bassin de vie et la zone d’emplois aurait pu s’étendre au Département de l’Ain, certaines communes limitrophes appartenant à la zone d’emploi du Beaujolais Val de Saône. Mais les limites départementales ont été plus fortes que la logique d’intégration territoriale.

Il en va de même pour le Roannais qui, sur sa partie Nord Est aurait pu intégrer Amplepuis et Cublize (canton du Rhône) et sur sa partie Sud Est quelques villages du Brionnais en Saône et Loire (Région Bourgogne). Autrement dit, le zonage territorial est un bricolage entre l’exactitude de faits plus ou moins mesurés et des contraintes institutionnelles. Comme le précise un des universitaires qui ont participé au diagnostic territorial du Roannais :

‘« Définir un territoire cohérent c’est préciser les critères de cohérence. Et ces critères on ne peut pas les trouver ».
Entretien n° 23 du 29 mai 2006’
Notes
168.

INSEE Rhône-Alpes, Portait du Pays Roannais, Décembre 2006, 4 p.

169.

BRAUDEL F. L’identité de la France. Espace et histoire, tome 1, Paris, Champs/Flammarion, (1986), 1990, p 202-231.

170.

Insee Rhône-Alpes. Portrait du Pays Beaujolais. Novembre 2007 4 p.

171.

L’inter Beaujolais Données d’économie. Août 2006

172.

DARIAU V. « Une méthode pour analyser les liens structurant le territoire ». La lettre INSEE Rhône-Alpes n° 80 Avril 2002 p 2

173.

Nous nous référons à DARIAU V. « Une méthode pour analyser les liens structurant le territoire », La lettre INSEE Rhône-Alpes, N° 80 Avril 2002, 4 p. Cette note montre, qu’au-delà du changement d’intitulé des contrats, la réalité des flux de déplacements perdure.

174.

BONNET M. « Portrait du Pays Beaujolais», INSEE Rhône Alpes, Novembre 2007,4 p.

175.

GADAIS M. Lettre INSEE Rhône-Alpes, n°76 octobre 2001. La notion d’aire urbaine est basée sur l’emploi. Elle repose sur les déplacements des actifs, de leur domicile à leur lieu de travail. Elle permet de déterminer jusqu’où s’étend l’influence socio-économique des villes importantes. Une aire urbaine est un ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constituée d’une part d’un pôle urbain qui offre au moins 5 000 emplois et n’étant pas attirée elle-même à plus de 40 % par un autre pôle urbain, d’autre part, d’une couronne périurbaine composée des communes rurales ou des unités urbaines dont au moins 40% de la population résidente travaille dans le reste de l’aire urbaine.

176.

50% des utilisateurs (des parkings caladois) viennent de l’Ain, www.leprogres.fr , édition du 19 septembre 2005.