Le rôle institutionnel des diagnostics partagés : l’ingénierie en action

A l’instar de la LOADDT de 1999, l’article 1er de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale182 prévoit un périmètre d’étude qui nécessite aussi un diagnostic territorial. L’articulation des CDPRA et CTEF portés par des institutions et des acteurs qui affichent leur volonté de coopérer, mais dont les stratégies d’actions sont ambigües passe par un plan d’action territorial compatible avec la charte de développement prévue au CDPRA. L’instrument clé de cette tentative de convergence, c’est le diagnostic partagé.

Début 2007, la Région accorde un délai de six semaines aux chargés de projet CTEF sur les territoires pour élaborer un diagnostic partagé sur la situation de l’emploi et de la formation. Pour la Direction de l’Emploi et de la Formation Continue de la Région Rhône-Alpes, le diagnostic partagé signifie : « recenser toutes les actions relatives à l’emploi et à la formation au sein des dispositifs régionaux pour en faire la synthèse ». Toutes les personnes interviewées, chargés de mission, chefs de projet, élus en charge des CDPRA et CTEF du Roannais et du Beaujolais s’accordent sur cette définition.

Le diagnostic partagé est une synthèse de tous les diagnostics effectués dans les différentes zones d’action publique, (CDRA /CDPRA, Zones ANPE, Zones d’emploi) qui a été établie par les chargés de mission CTEF avec l’aide du Pôle Rhônalpin d’Orientation (PRAO).

Le PRAO est un groupe d’intérêt public comprenant État, Région, partenaires sociaux, financé par la Région et l’État dans le cadre des contrats de projet. Il fédère un réseau d’information et d’orientation sur Rhône-Alpes, environ 500 structures ANPE, CIO, MIFE, missions locales, etc., sur les huit Départements de la Région, il regroupe les 3000 professionnels qui travaillent dans ces structures.

A partir de la rédaction de cette synthèse des diagnostics réalisée par les chargés de mission CTEF apparaît une «  vision de la Région sur le territoire ». Son intérêt c’est de nouer des contacts entre les chargés de mission et élus pilotes des différents dispositifs et institutions en charge de l’emploi et de la formation, d’approfondir la connaissance du territoire pour mieux cibler et coordonner les actions communes aux différents dispositifs territoriaux.

‘« R Vous avez parlé tout à l’heure de la charte. Moi, quand je suis arrivé, évidemment, j’ai lu la charte. Tout ce que les acteurs produisent, pour mettre en place une stratégie, ça m’intéresse. Je suis obligé de regarder ce genre de document, parce que moi, je suis également obligé de formaliser mon action, d’établir un diagnostic suivi d’un plan d’action. Ce que le CDPRA a produit dans son diagnostic est une source d’informations pour moi. Alors je regarde la charte et le contrat. Et ils ont des choses sur la formation. Alors je regarde ce qu’ils font, l’impact sur ce que moi je fais. Alors c’est ce que je vous disais tout à l’heure, pour les CTEF, les moyens mis à disposition pour les acteurs locaux, c’est la fameuse enveloppe de territoire qui est fléchée. Donc on est limité avec cela. Si on veut faire autre chose, il faut trouver d’autres moyens. Le CDPRA est une façon de faire financer des actions qu’on a au projet. Alors là c’est un travail en bonne intelligence. Les CTEF émergent, ça n’empêche pas du tout le CDPRA d’avoir des objectifs stratégiques en matière de formation. Moi j’ai la chance d’arriver sur un territoire où le contrat de Pays intègre déjà des actions ressource humaines et a une commission R. H.. Cette commission ressources humaines au sein du Pays n’a pas lieu disparaître parce qu’elle peut développer des actions. Donc pour nous, si une action intervient et qui n’a rien à voir avec les huit dispositifs prévus au CTEF, c’est une bonne porte d’entrée que de passer par le CDPRA. Par exemple en ce moment, il y a les avenants au contrat de Pays, c’est un bon moyen pour nous d’adapter nos actions aux besoins identifiés dans le CTEF et de trouver un financement. Ici il y a une bonne intégration. »
Entretien n° 35 du 7 juin 2007
« R Le CTEF, son intérêt c’est de rapprocher les zones régionales de celles de l’État. Sur le Roannais, on a de la chance, ça correspond. Mais c’est toujours une question de volonté des acteurs de travailler ensemble. Au niveau du Roannais, il y a cette volonté. Au départ, concrètement c’est un partage d’informations. Il faut qu’on essaie de nouer des partenariats, la relation est assez directe entre nous. Concrètement, le CTEF a mis en place des groupes de travail auxquels nous participons. Nous, on a une commission ressources humaines qui sert à faire passer des dossiers en matière de formation à laquelle le CTEF est associé. Il y a déjà cet échange. Je participe ainsi que mon président au comité opérationnel du Contrat Territorial Emploi-Formation. Sur les projets plus concrets, on a également une maîtrise d’ouvrage en commun sur un groupe de travail portant sur la création d’entreprises. Avec le CTEF, c’est un diagnostic partagé, il y avait un volet dans la charte des Pays qui a plus été détaillé dans le CTEF. Donc la création d’entreprises c’est un projet partagé, même s’il est plus précis dans le CTEF parce que c’est sa vocation. »
Entretien n° 36 du 7 juin 2007
« R Voilà. Des diagnostics des chambres de commerce, de l’INSEE sur l’économie il y en a plein, sur la formation pareil. Les missions locales ont pour fonction d’orienter certains publics, là, il y a du travail. Mais le problème c’est que chacun s’arme en fonction de sa logique propre. Tout l’intérêt réside dans le rapprochement. Sur les quatre lieux que j’ai suivis de près, on voit émerger une ou deux problématiques nouvelles partagées. Je pense que dans ces domaines si on essaie de résoudre 10 % des difficultés avec 90 % d’efficacité on a gagné. Donc si on a trouvé un problème nouveau ou deux qui ont émergé, ça peut paraître peu, mais à mon avis c’est énorme. »
Entretien n° 32 du 31 mai 2007’

Dans le Beaujolais

La charte du Pays Beaujolais183 prévoit la territorialisation de la formation et le renforcement des complémentarités entre formation/insertion/emploi. On peut lire :

« Territorialiser la formation

La Région Rhône-Alpes souhaite renforcer l'adéquation entre les offres de formation (initiale et continue) et la demande des activités économiques exprimées sur le territoire. Le Pays peut être un lieu de concertation et de coordination entre l'ensemble des partenaires impliqués pour mieux cerner les besoins et définir les moyens et dispositifs adaptés à mettre en place.

Cette réflexion devra prendre en compte la nécessité d'une meilleure communication entre les multiples intervenants liés à la formation et les autres acteurs du territoire.

Renforcer la complémentarité formation/insertion/emploi

L’accès à l’emploi est directement lié au niveau des formations (initiale ou professionnelle) ; mais pour certains publics «fragiles » il doit être accompagné par des moyens d’insertion : les organismes « formation/insertion/emploi » doivent travailler en partenariat et en complémentarité pour permettre une meilleure adéquation entre l’offre d’emplois sur le territoire et le potentiel de main d’œuvre disponible. Cette réflexion devra s'appuyer sur les procédures et dispositifs spécifiques mis en place par l'État, la Région et les autres partenaires concernés ».

Le contrat du Pays Beaujolais signé avec la Région reprend à son compte cet objectif  sous l’intitulé : « Hommes : renforcer le potentiel économique et le lien social et faire émerger de nouveaux talents ».

Dans le Roannais

Dans le Pays Roannais, il s’agit selon l’axe premier de la charte de « positionner le Roannais comme acteur de son propre développement » en cherchant à « adapter l’offre de formation aux besoins locaux »184. Le programme d’action se décline ainsi :

«  Répondre aux besoins de qualification du territoire

Le diagnostic territorial a montré la prégnance des postes d’ouvriers et d’employés sur le territoire (plus de 30% des ménages). Il a également montré la proportion importante de personnels non qualifiés (22,5%). Les mutations en cours des industries traditionnelles, l’émergence de secteurs d’activités à haute valeur ajoutée, et la recherche de rentabilité sont autant d’éléments qui à terme restreindront le recrutement de personnels peu qualifiés.

L’accroissement du niveau de qualification moyen des habitants du Roannais, en adéquation avec une offre de travail de plus en plus complexe et diversifiée est un enjeu majeur du Pays.

Conforter les pôles de compétences existants

L’outil d’enseignement supérieur de l’agglomération roannaise (cf. contrat d’agglomération) est centré sur 4 principaux secteurs d’activités : le textile (l’ITECH, le Diplôme Universitaire C.T.H. et les Licences Professionnelles H.M.T. et P.T.H.) ; la mécanique (l’ISTIL, l’ETIC affilié au Groupe GIAT INDUSTRIES ainsi que la prochaine unité de formation et de maintenance de l’Armée de Terre), le numérique (2 Euromasters : Multimédia, réseau et Ingénieurs d’affaires TIC) et le tertiaire (IUP management et formations IUT). On cherchera à promouvoir les laboratoires et groupements de recherche existants. On cherchera également à en accueillir de nouveaux. On recense actuellement un laboratoire roannais (LASPI) et deux groupements de recherche qui dépendent de l’université Jean Monnet de St-Etienne (GRIMA et GERES). Certains pôles "décentralisés" pourraient être valorisés et développés.

Réaffirmer l’importance de la formation continue au sein de l’entreprise

Sensibiliser les salariés sur la fragilité intrinsèque de l’entreprise et sur l’intérêt de la formation tout au long de la vie est fondamental. Le retour à une situation d’apprentissage après un certain nombre d’années de travail routinier est considéré comme fortement déstabilisant.(.)

Le Pays, outre la sensibilisation des salariés devra, en partenariat avec le COEFRA et les OPCA concernés, accompagner les entreprises souhaitant mettre en oeuvre un plan de développement pluriannuel de formation.

Le Pays accompagnera également la politique de Validation des Acquis de l’Expérience mis en place par le Conseil régional ».

Cette thématique est reprise dans le contrat signé avec la Région qui prétend« Positionner le Roannais comme territoire de Savoirs »

Dans les deux territoires, la mise en commun de ces différents programmes mobilise les différentes composantes de l’ingénierie. Services déconcentrés de l’État et leurs fonctionnaires, services de la Région et leurs agents, contrats territoriaux et leurs chargés de mission, sans oublier les cabinets conseils et les associations. L’élaboration des diagnostics partagés est une situation d’ingénierie qui révèle des enjeux institutionnels et de légitimité.

Notes
182.

Article 1er modifiant l’article L 311. 1 du code du travail de la loi n°2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

183.

Charte du Pays Beaujolais p 60

184.

Charte du Roannais p 75