L’élaboration des diagnostics 

Les acteurs de l’ingénierie

L’élaboration du diagnostic partagé donne lieu à des négociations, à des conflits larvés dans la mesure où trois dispositifs différents doivent trouver un modus vivendi. La Maison de l’emploi issue du Plan de cohésion sociale (État) accueille les animateurs du CTEF, déclinaison et du Plan régional pour l’emploi (Région Rhône-Alpes), qui essayent de travailler en bonne intelligence sur le programme SECURISERA (Gestion prévisionnelle des ressources humaines dans les Très Petites Entreprises de moins de 50 salariés) prévu au CDPRA.

Dans ce maquis institutionnel, les agents de développement CDPRA et les chargés de mission CTEF cherchent à se protéger. Dans la définition des périmètres, ils intègrent les contraintes du puzzle institutionnel.

Par exemple pour le CDPRA du Roannais, les agents de développement, lors du diagnostic, essaient de réduire la taille du périmètre, pour ne pas le faire déborder du Département de la Loire, encore moins de la Région Rhône-Alpes. Opter pour un périmètre interrégional ou interdépartemental c’est ajouter des difficultés à ce qui n’est déjà pas simple de construire à l’échelle d’une seule Région, voire même d’un territoire. Un CDPRA à cheval sur deux Départements ce sont deux Préfets, deux présidents de Conseils généraux, etc. Si on passe à un CDPRA sur deux Régions, on se rapproche du jeu de mikado…

‘« R Alors quelque chose d’intéressant sur l’expertise quand on a discuté avec les agents de développement sur l’élargissement du périmètre du Pays Roannais, beaucoup étaient intéressés par son élargissement à l’est vers Amplepuis et vers le sud. Par contre si on leur parlait d’élargir vers le Brionnais, ils n’étaient plus du tout d’accord, parce qu’on n’était plus dans la même région. Ils disaient, vous ne vous rendez pas compte en Bourgogne, les procédures ne sont pas du tous les mêmes, cela va faire des dossiers, c’est très compliqué. Et pourtant ce qu’il me semblait dans ces nouveaux découpages, c’était de remettre un peu de rationalité économique».
Entretien n° 23 du 29 mai 2006’

Dans sa réalisation, le diagnostic stratégique qui objective le périmètre résulte d’un chaînage d’acteurs et d’informations secondaires. Il débouche sur une démarche opérationnelle. En conséquence, tout le travail de l’ingénierie territoriale, coordonné par les agents de développement qui sont les rédacteurs du diagnostic, se traduit par un plan d’action sur un territoire clos, de préférence respectant les limites institutionnelles et politiques existantes. Il s’agit d’une « trituration » soumises aux impératifs politiques et institutionnels. Ceci se vérifie tant pour les CGD, les CDPRA que les CTEF.

Travail préparatoire à la définition des périmètres

Le travail préparatoire à la mise en place du CGD du Roannais en 1996 en est une bonne illustration. Ce diagnostic s’intitule : Diagnostic et axes du développement du Roannais. Il est issu d’une collaboration d’enseignants chercheurs et enseignants de l’IUT de Roanne, dans le cadre d’une convention de recherche signée entre le District de Roanne, l’IUT de Roanne et l’Université de Saint Etienne pour un montant de 100 000 F.

Il s’agit d’une analyse dense et fine de l’évolution économique, sociale et démographique du bassin économique du Roannais. Elle s’appuie sur une synthèse des indicateurs statistiques fournis par les chambres consulaires du Roannais, l’INSEE Rhône-Alpes, la Direction Régionale du Travail et de l’Emploi. Mais le diagnostic pêche par son manque de préconisations pratiques. Il ne répond pas aux attentes des agents de développement chargés de le décliner en plan d’action. Le recours à un cabinet de conseil est nécessaire. C’est TEXA CONSULTANT qui pratique allègrement le « copier coller » de l’analyse fournie par les universitaires. Le cabinet conseil dégage des axes stratégiques d’intervention de manière à ce que les présidents d’EPCI et les chargés de mission s’accordent sur les programmes d’actions qui suivront la définition du périmètre.

En 2002, le Pays Roannais fait appel au Cabinet ARGOS présent à Grenoble, Marseille et Strasbourg pour une « mission d’assistance pour l’élaboration de la Charte de Pays » facturée 37 450 €. Mais dans une période de conflit politique ouvert au sein du Pays, le cabinet conseil met fin à la collaboration. Son intervention est pourtant capitale. Parce qu’il a jeté l’éponge, le cabinet a crevé l’abcès politique. La situation se débloque. La rédaction de la charte contribue au dénouement de la crise.

‘« R Ah oui pour le Pays Roannais, d’ailleurs ça nous a beaucoup inquiétés à un moment. Pendant deux ans, il n’y a rien eu. Des réunions 50 ou 100, il y en a eu mais il n’en sortait rien. Depuis un an, ça va mieux, la rédaction de la charte a été un exercice fédérateur, en plus ils ont travaillé avec un cabinet extérieur ».
Entretien n° 19 du 8 avril 2004’

Quant au Pays Beaujolais, c’est au cabinet ALGOE qu’il fait appel pour étudier le périmètre et définir une stratégie de développement. Le travail technique de préparation du diagnostic territorial est très lourd. Il s’appuie sur l’étude du cabinet conseil, sur environ 400 réunions thématiques organisées dans les villages du Beaujolais, la fourniture de nombreuses bases de données de la CCI de Villefranche sur Saône, des données statistiques de l’INSEE et de la Direction Départementale de l’Équipement pour définir les flux de déplacements. Malgré tout ce travail d’étude, la proposition de périmètre issue de la synthèse des agents de développement ne franchit pas le cap du filtre politique.

‘« R1 Moi, sur ce point je suis un peu plus réservé. Notre travail en partenariat, en collaboration étroite avec le président du comité de pilotage, on est là pour faire un peu de prospective, pour tracer des pistes, pour faire des hypothèses, de portages, d’hypothèses sur le périmètre.
R2 Oui, enfin, y a deux ans c’était bloqué et maintenant c’est décoincé.
R1 Oui, on ne peut pas tenir acquis quelque chose qu’on valide, nous avons défini le périmètre techniquement et ça a été tout chamboulé en deux minutes durant une assemblée d’élus. Mais on est là pour voir un peu plus loin que le bout de notre nez, voir un peu plus loin que les échéances électorales ».
Entretien n° 10 du 22 mars 2004’

La production de connaissance sur le territoire par l’ingénierie territoriale même si elle se veut prospective, c'est-à-dire qu’elle pourrait échapper aux contingences politiques est malgré tout soumise au contrôle des élus qui ont initié le regroupement territorial.

Elle doit affronter une autre difficulté : créer les conditions de la transversalité entre des dispositifs multi-institutionnels.

Mémoire, capitalisation et la transversalité de l’action publique

Les diagnostics bien qu’ils assurent une meilleure connaissance du territoire et des enjeux des actions ne favorisent pas nécessairement la transversalité de l’action publique.

‘« R Certainement parce que maîtriser l’information c’est aussi une source de pouvoir, et puis il y a le fait de ceux qui financent, les décideurs qui posent des conditions. Donc à chaque fois qu’on lance un projet ou une idée de financement on va demander une étude, un cahier des charges et un diagnostic. Alors c’est vrai que c’est une dérive politique, mais c’est aussi une sélection pour ne pas financer tout et n’importe quoi. C’est un effet de sélection des dossiers. C’est vrai il y en a beaucoup mais très peu croisent différents points de vue. Il y a multiplicité de diagnostics mais sur des thèmes différents. Pas traités de manière complémentaire, et c’est là une des originalités du contrat territorial emploi-formation. C’est de vouloir croiser des diagnostics sur le champ économique, sur les perspectives des entreprises, sur le champ social et sur le champ du marché du travail avec des problématiques de formation et d’orientation. C’est la raison que laquelle nous, PRAO, on intervient dans ce genre de travail, on n’est pas des producteurs d’étude, on est plutôt des ensembliers. On va chercher chez les experts ce qu’il faut, nous, on essaie de croiser. »
Entretien n° 32 du 31 mai 2007
« R Monsieur décideur État, Région sont les plus grands pourvoyeurs de diagnostics. L’État a tellement peur de se faire arnaquer ou de se faire fusiller par un tel ou un tel, il se couvre. Même la Région demande des diagnostics pour n’importe quoi. Et puis les élus, au niveau des intercommunalités, les diagnostics, ils s’en foutent. »
Entretien n° 33 du 1er juin 2007
« R Exactement. On a toujours besoin de faire une étude. On fait beaucoup d’études. Nos élus nous le reprochent. On est toujours en recherche d’idées, de diagnostic, de connaissances. Par exemple, on a deux pépinières d’entreprises prévues, alors il faut faire des études, où est-ce qu’on les met ? Aujourd’hui, on rajoute un volet foncier au contrat de développement, il faut une étude. Le foncier ce n’est pas mon métier, je ne suis pas spécialisée là-dedans. C’est ça mon drame, ou alors il faut que je fasse de l’administratif. Résultat : il faut que je fasse une étude. »
Entretien n° 34 du 1er juin 2007’

La transversalité suppose mémoire et capitalisation. Or ces deux modalités de construction et d’usages des savoirs sont toujours inexistantes sur les territoires. La mémoire à l’opposé de l’action publique ne peut être éclatée. Elle suppose à la fois partage de l’information et centralisation en un lieu unique, virtuel ou physique. Deux nécessités structurelles qui ne sont pas remplies. Elles demandent des moyens humains et financiers pour entretenir la veille d’information et leur mise à jour régulière. Sans compter la difficile collaboration entre les institutions qui les fournissent.

‘« R Je ne suis pas sûr qu’on ait bien réfléchi dès le départ à cette capitalisation de la connaissance sur les territoires. La question se pose toujours d’ailleurs, comment faire remonter l’information de ces terrains. Comment faire remonter les éléments de connaissance territoriale de ces terrains qui vont aider à la construction d’une vision régionale des enjeux. Il faut du temps. On était dans une logique remontante et la Région a été plutôt dans une logique de guichets même si on parlait déjà de projet de territoire. Aujourd’hui, avec cette logique de projet, on pourrait être beaucoup plus exigeant pour faire remonter ces informations, pour capitaliser mieux les données qui émanent de ces politiques. »
Entretien n° 45 du 21 juillet 2008
« R Très nettement il y a création de savoir. On s’apporte de la connaissance du territoire, on s’échange des informations, mais il n’y a pas de gestion de la mémoire. Et ça se sont les 30 années professionnelles, on ne gère pas la mémoire. Combien de fois à l’agence d’urbanisme de Lyon on a recommencé les mêmes études. Mémorisation et capitalisation, il n’y en a pas. »
Entretien n° 33 du 1er juin 2007
« R Par rapport à vos questions sur les connaissances, les savoirs, les méthodes ça va être vraiment intéressant. On a besoin de cela. Mais on n’a pas de socle, et on ne consolide rien. La maison de l’emploi, leur observatoire, j’espère que ça va marcher. Mais la maison de l’emploi appelle à projets, la direction du travail n’est pas foutue de nous filer ses données. Et l’ANPE, les données sont retraitées au niveau régional, les dossiers, ça remonte, ça redescend, c’est un truc de dingues, on perd un temps fou. Franchement on est tous dans la même situation, si c’est pour faire travailler ensemble l’ANPE et les ASSEDIC, ils font cela au niveau de l’État et puis ensuite ils nous donnent la recette. Toutes les maisons de l’emploi ont un chargé de mission observatoire et ils font tous ce même boulot à s’arracher les cheveux.
Q A cause de l’éclatement de ses services.
R Un agent d’ANPE, il rentre des données, il ne sait pas ce qu’il fait. Personne ne traite ces données. Ça remonte directement à la Région et quand je demande des informations à la Région, ils sont incapables de me sortir des trucs, ils n’ont aucune autonomie. De toute façon, une antenne de l’ANPE n’a aucun budget propre. Elle va demander une subvention à la maison de l’emploi pour faire venir un intervenant pour une conférence. On leur dit : vous n’avez absolument pas d’autonomie agence par agence. Non. En plus, il y a les collectivités territoriales. Chez nous, il y a seulement six communautés de communes sur les 13 qui participent au CTEF. Ça n’intéresse personne.
(.). Vous parliez de la direction de l’économie. Bien évidemment ils sont impliqués dans la politique de l’emploi et de la formation. J’ai demandé une information précise : à quelle hauteur est financé le poste d’animation de SÉCURISERA ? La direction de l’emploi m’a donné une information différente de celle de la direction de l’économie. Ils ne savent pas travailler ensemble entre services, ils n’ont pas l’habitude non plus. C’est tout nouveau pour eux. La formation, c’est un truc de dingues. Ils apprennent à travailler avec les territoires ».
Entretien n° 34 du 1er juin 2007’

La récente création du service « Ingénierie territoriale, Planification spatiale, et Grands Projets », au sein de la Direction des Politiques Territoriales de la Région, l’émergence de nombreux observatoires à l’échelle de la Région et des territoires est une évolution notoire qui tente de résoudre cette absence de continuité dans la production et l’usage de savoirs préparatoires à l’action. Mais ces initiatives ne comblent pas une difficulté majeure : les différentes institutions mobilisées dans les dispositifs territoriaux définissent ou maintiennent leur propre zonage. Ainsi pour trois territoires sur 27, dont le Roannais, la correspondance est parfaite entre CTEF et CDRA/CDPRA. Pour les autres, il faut ajuster les contours lorsqu’un CDRA/ CDPRA est couvert par plusieurs zonages différents, de l’État, de l’ANPE ou de la Région elle même. Ce qui se vérifie pour la « Zone Territoriale Emploi Formation du Beaujolais élargi » ainsi dénommée parce qu’elle intègre deux cantons qui dépendent du CDRA de l’Ouest lyonnais et un canton qui dépend du CDRA des Monts du Lyonnais.

En conséquence, les observatoires actuels en sont réduits à relever les insuffisances des observations des multiples intervenants ! C’est ce qui en termes euphémiques ressort de l’étude du Pôle Rhônalpin d’Orientation intitulée Capitalisation sur la démarche territoriale État Région. Concernant les informations utilisées pour établir le diagnostic partagé, on peut lire: « L’absence de correspondance entre le maillage territorial des ZTEF et celui de nombreux fournisseurs de données a rendu difficile l’exploitation des sources disponibles par les territoires. Notons les cas des recueils de données PRAO construits sur le découpage des zones d’emploi ou encore des données ANPE qui, à l’époque, n’étaient pas construites sur les découpages ZTEF. Ceci a pu aboutir à des descriptions territoriales partielles, ne portant par exemple que sur un des infra – territoires »185.

L’INSEE chargée d’établir les « Portraits de territoires » est confrontée au même problème de comparaison et d’interprétation de chiffres qui ne portent pas sur des périmètres identiques. Surtout quand la commande politique utilise l’expertise de l’INSEE à des fins politiques. En porte à faux, l’organisme met sa crédibilité en jeux.

‘« R On dit bien : on est dans un partenariat avec le Conseil régional, cela veut dire comparabilité, ce n’est pas quelque chose de problématisé dès le départ. On n'établit pas un diagnostic pour le territoire. D’ailleurs ce n’est pas simple toujours. On a eu le cas… Bon on voit bien qu’il y a des enjeux politiques importants sur ces territoires. On a eu le cas récemment, la Région nous demande de faire une synthèse qui peut comprendre dans certains cas plusieurs CDRA, parce qu’elle considère qu’il ne devrait y avoir qu’un seul territoire alors qu’il y en a plusieurs qui sont en gestation. La semaine dernière on a eu le problème deux fois. Du coup quand on va présenter notre travail, il y a une insatisfaction parce qu’on ne donne pas des chiffres qui correspondent au territoire proprement dit. »
Entretien n° 22 du 12 juillet 2005’

Le mélange des genres : démarche scientifique et persuasion politique

Le diagnostic sur le diagnostic auquel se livre le PRAO, dont la contribution a été forte dans la réalisation des études nécessaires au périmètre des CTEF, soulève un problème inhérent au zonage de l’action publique. La définition du périmètre obéit à un diagnostic matriciel du type Atouts, Faiblesses, Opportunités, Menaces (AFOM, SWOT en Anglais), outil classique qu’on trouve dans n’importe quel manuel de science de gestion classé au milieu des autres matrices d’analyse stratégique des entreprises186.

La pertinence de ce genre d’outil est liée à la confrontation entre ce qui est propre à l’entreprise et ce qui est propre à son environnement. « Toutes choses égales par ailleurs », une entreprise équivalant à un territoire, une analyse de ce genre appliquée au territoire devrait reposer sur deux diagnostics interdépendants : un diagnostic interne qui analyse les forces et les faiblesses du territoire par rapport au diagnostic externe qui identifie les menaces et les opportunités de l’environnement. En réalité, on est loin du compte.

Selon Les cahiers du développeur, publiés par l’Association Rhône-Alpes des professionnels du Développement Économique Local187 (ARADEL), « la perception d’une menace externe est à l’origine d’une réflexion stratégique ».

Mais qu’est ce qui constitue l’extériorité d’un territoire quand la question est d’en définir ses propres limites ?

Appliqué à la définition du périmètre sur lequel doit s’appliquer une stratégie de développement, ce raisonnement tautologique ne tient pas longtemps. L’analyse de l’environnement suppose de créer de l’extériorité par rapport au territoire concerné, de poser un regard qui va bien au-delà de l’horizon du Pays ou de l’agglomération, voire de la Région.

Donc un type d’analyse très difficile à conduire, qui tient compte d’interdépendances fonctionnelles qui dépassent la définition territoriale des problèmes et des solutions. Sauf à confondre les causes et les conséquences.

L’action publique territoriale est une démarche pratique de résolution de problème. Elle donne à penser que les causes d’un problème social ou économique dont on constate les conséquences sur un territoire peuvent être traitées par l’action publique sur le territoire où sont constatées ses conséquences. Or traiter par l’action publique les conséquences territorialement constatées d’un problème donné, c’est ne pas s’attaquer aux causes qui peuvent être a- territoriales.

Par exemple en matière d’emploi, il paraît difficile depuis Tarare et le Pays Beaujolais de lutter contre les faillites de manufactures du textile à l’heure de la division internationale du travail, de l’entrée de la Chine dans l’OMC et du processus de destruction créatrice qui structurent ce secteur d’activité.

Autrement dit, établir un diagnostic stratégique sur la base duquel est défini un périmètre territorial, c’est traiter les conséquences d’un problème sans pouvoir véritablement aborder les causes. D’ailleurs le développement territorial pourrait au contraire prôner l’ouverture, comme par exemple l’implantation d’entreprises locales à l’extérieur pour faciliter les flux bidirectionnels et renforcer l’emploi à l’intérieur. La conception du développement clos à l’intérieur d’un périmètre dit pertinent pourrait s’avérer contre productive188.

En réalité, le rôle du diagnostic et de l’ingénierie territoriale qui l’élabore consiste à produire un « énoncé provisoirement stabilisé et acceptable (cognitivement et politiquement) par les participants au processus. (.)Il est dès lors obligatoirement la résultante d’un processus analytique - études cherchant à « photographier », «faire parler » le territoire, d’expérimentations, par l’évaluation des actions antérieures -, de mise en scène et de négociation de ces mises en scène » 189 .

Dans une perspective plus large, la production de diagnostics contribue à donner du sens à l’action à partir de ce qui est plausible et non pas de ce qui est exact190. Pour paraphraser le titre de l’article de Martin VANIER, « La petite fabrique de territoire en Rhône-Alpes»191, on pourrait apparenter le diagnostic territorial qui l’accompagne à une petite fabrique de sens de l’action publique pour en palier le désarroi face aux mutations du monde qui l’enserrent. Il reviendrait à chaque territoire de créer sa raison d’exister, sa transcendance dérisoire, de se noyer dans la multiplication des procédures, quand la finalité de l’action vient à faire défaut.

Dans cette recherche de sens, on observe une combinaison originale de facteurs de production de légitimité politique.

Notes
185.

Capitalisation sur la démarche territoriale État Région. Analyse de la démarche, Septembre 2007, p 8, sur www.prao.org . Consulté le 12 mars 2008.

186.

Sur ce point, cf. la référence en science de gestion : DETRIE J.P. (dir) STRATEGOR. Politique générale de l’entreprise, ouvrage collectif du département Stratégie et Politique d’entreprise du groupe HEC, Dunod, 4ème édition, 2005, 888 p.

Ou encore, MARTINET A.C Diagnostic Stratégique, Vuibert entreprise, 1997 (1988), 157 p.

187.

ARADEL  « Les modalités d’émergence d’une stratégie de développement territorial ou comment la stratégie vient au territoire ?» Impulser, concevoir et animer une stratégie de développement territorial Les cahiers du développeur économique, n° 3, septembre 1999, p 9-11.

188.

GUELAUD C. « Les implantations à l’étranger dopent l’économie française » www.lemonde.fr , édition du 11 novembre 2008. Cet article relate les résultats d’une étude réalisé par Jean Marc SIROEN professeur à l’Université Dauphine pour le compte de Natixis Pramex Internation, filiale de Natixis qui finance les PME. Il ressort que les entreprises implantées à l’étranger dont 2/3 sont des PMI ont une contribution positive pour la croissance, l’emploi et le commerce extérieur français. Autrement dit c’est par l’investissement sur un territoire étranger que le développement économique du territoire national est facilité.

189.

MARTINET A.C. « Pensée stratégique et rationalités : un examen épistémologique », Management international, vol 2, n°1, 1998, p 67-75.

190.

WEICK K. E. Sense Making in organisations Sage, Thousand Oaks Californie, 1995, p. 55-61. Pour l’auteur la construction de sens est davantage construite par le plausible que par l’exactitude.C’est ainsi que nous traduisons : « Driven by Plausibility rather Than Accuracy Summary »

191.

VANIER M. « La petite fabrique de territoires, en Rhône-Alpes : acteurs, mythes et pratiques », article cité.Sur le plan institutionnel, il faut préciser que cet article est écrit en 1995, année du vote de la LOADT qui institue le Pays, procédure d’origine législative et étatique faisant intervenir la Commission Départementale de la Coopération Intercommunale alors que le CGD est une procédure contractuelle qui relève de la seule initiative régionale sans passer par l’avis de la dite commission.