Le territoire interdépartemental des Monts du Beaujolais et du Lyonnais comptait 97 000 habitants (recensement de 1990) dans 111 communes regroupées en neuf communautés de communes (Communauté de communes du Haut Beaujolais, Communauté de communes de Belmont de la Loire, Communauté de communes de la Haute vallée de l’Azergues, Communauté de communes du Pays d’Amplepuis Thizy, Communauté de communes du Pays entre Loire et Rhône, Communauté de communes du Pays de Tarare, Communauté de communes de Balbigny, Communauté de communes de Feurs en Forez et la Communauté de communes du Matin).
C’est un espace de moyenne montagne situé entre les deux zones de forts développements économique et démographique que sont les bassins d’emplois de Lyon et Villefranche sur Saône (Rhône) et le Roannais (Loire), zone de reconversion économique et en crise démographique.
Élevage bovin et industrie textile sont les deux principaux moteurs de l’activité économique en perte de vitesse : 2700 emplois ont disparu entre 1982 et 1990. La filière bois, trop atomisée n’est pas compétitive. Le projet d’autoroute A89 en le désenclavant relierait ce territoire à l’A6 et l’A72 empruntant la vallée de la Loire201.
Le contrat d’objectifs validé par la Région le 25 juin 1998 privilégie quatre axes stratégiques :
Ils se déclinent en un catalogue de 35 actions à destination des communes dont les maîtres d’ouvrage sont dans la majorité les communautés de communes associées.
Le 22 juillet 1999, la Région approuve le CGD passé avec les neuf EPCI. Sa participation financière s’élève à 49 680 000 F sur cinq ans, pour une dépense globale de 176 057 500 F202.
Au-delà de ces faits institutionnels, il semblerait que le CGD Monts du Lyonnais et du Beaujolais ait été conçu sur une singularité économique ténue : l’éloignement de certaines fabriques textiles de la ville centre Roanne. Or, toute singularité est susceptible de projet, surtout quand elle est défendue par deux élus qui pèsent ! Pascal CLEMENT-FROMENTEL et Michel MERCIER, s’allient dans la création d’un « territoire de projet » à cheval sur les Départements de la Loire et du Rhône dont ils président les exécutifs. Leur stratégie est triple. D’abord ils contrarient les velléités de la Région qui, en quête de légitimité cherche des relais politiques, économiques et associatifs locaux.
‘« R Ah c’était perceptible au moment des réunions. En filigrane, y a la perception des gens du Département qu’ils vont être supprimés. Quand la Région met volontairement en place un Pays sur deux Départements, c’est bien pour éviter que le Département ait son mot à dire, voilà le message profond qu’on entendait, qu’on a décodé. Moi j’ai entendu des gens du Département dire c’est volontaire, la Région crée des CGD à cheval sur plusieurs Départements, comme ça le Département n’a pas de légitimité pour intervenir. A haut niveau je ne sais pas si c’est vrai ou faux, mais en tous cas, sur le terrain, c’est ce qu’on a entendu. »Ensuite, ils tirent des bénéfices financiers à participer à cette politique régionale. Ils profitent de l’enveloppe contractuelle pour financer des actions municipales au sein des communautés de communes membres du CGD, tout en renforçant leur position d’élu dominant en leur fief départemental.
‘« J’ai assisté à une réunion où on a présenté nos travaux. Il y avait Christian AVOCAT qui pilotait officiellement, il y avait Pascal CLÉMENT, il y avait SOULASSE de la Région et chacun a fait une présentation personnelle du CGD. AVOCAT le présentant comme une démarche de dynamique territoriale, CLÉMENT comme une opportunité de financement. En disant : on peut tirer tant de la Région cela fait tant par Commune, messieurs les maires. SOULASSE de la Région était vert. Alors que personnellement il avait plus d’affinités politiques avec CLÉMENT qu’avec AVOCAT. »Enfin, ils peuvent contrecarrer le district de Roanne et son président, le député maire PS Jean AUROUX qui a pris l’initiative de la concertation à l’échelle d’un espace dépassant les limites du canton de Roanne pour éventuellement s’étendre en Saône et Loire et dans le Rhône.
Les critiques sont nombreuses sur les conditions politiques de définition du périmètre. Comme le précise sans détour M. Christian AVOCAT, le chef de projet du CGD du Roannais : « A l’arrière plan de l’image, le poids politique déterminant d’un élu rendant publique en pleine phase de réflexion collective et avant même que le débat ne soit conclu, sa décision de constituer à partir de cette singularité un espace de projet » 203 .
A la même période, a lieu un évènement qu’il est intéressant de mettre en regard avec cette logique politique de fief. M. Lucien DEVEAUX, Pdg de DEVEAUX SA, premier groupe français indépendant de production textile est élu président de la CCI de Roanne dans la Loire en 1998, alors que son entreprise familiale, créée au 18ème siècle, à Saint Vincent de Reins dans le Nord du Rhône, (34 km la séparent de Roanne) y siège encore et a essaimé multiples établissements autour de Roanne. Outre qu’il traduit l’existence d’intérêts économiques convergents qui s’affranchissent des territoires politiques, ce fait souligne l’inadéquation des logiques de concurrence politique aux logiques de coopération économique institutionnalisées dans le système de production localisé MUTEX pour sauver ce qui peut l’être de l’activité textile dans le bassin roannais.
Rapport n ° 98 07 381Contrat d’objectifs du CGD des Monts Beaujolais et du Lyonnais validé le 25 juin 1998 par la commission permanente du Conseil régional de Rhône-Alpes.
Délibération n° 99 07 586 adoptée par la commission permanente du Conseil régional de Rhône-Alpes du 22 juillet 1999.
Contribution de Monsieur AVOCAT C., Revue de Géographie de Lyon, article cité p 163. Cette position est corroborée par de nombreux entretiens.