Des élus locaux réfractaires à la prééminence de la Région en matière d’aménagement et développement territorial,

En ce qui concerne la prééminence de la Région en matière d’aménagement et développement territorial, les états généraux des élus locaux de la région Rhône-Alpes, organisés à Chassieu le 16 janvier 2004, sous l’égide de M. Christian PONCELET, Président du Sénat, ont été l’occasion de la manifestation de leurs doutes sur le projet d’acte II de la décentralisation du Gouvernement RAFFARIN. En réponse à un questionnaire qui leur est administré lors de ces journées, il ressort qu’un tiers d’entre eux juge satisfaisante la nouvelle répartition des compétences prévue au projet de loi déposé en première lecture et adopté au Sénat. Plus de la moitié estime « pernicieuse » la notion de « chef de file » introduite dans le projet en matière de développement économique et territorial225. C’est dire si l’affaire de la Région n’est pas aisée quand il s’agit d’imposer sa volonté en matière de périmètre. Surtout lorsque sa majorité est instable, comme cela a été le cas entre 1998 et 2004, avec des coalitions aléatoires selon les délibérations. En l’absence de ligne politique claire de la Région, les EPCI sont dans l’incertitude sur les objectifs des Pays. Dans les négociations avec les territoires concernés, les services de la Région doivent alors prendre des positions au fil de l’eau sans cohérence d’ensemble apparente. Ils profitent de l’indétermination politique pour renforcer leur influence dans le processus décisionnel.

‘« R1 Je vais vous donner une anecdote que sortent les élus du Conseil régional, c’est quand un maire a besoin d’avoir l’avis du Conseil général, de l’institution, il demande à son conseiller général qui lui dit : je vais en parler au président. Quand un maire pose la même question à un conseiller régional, le conseiller dit pas, je vais en parler à la présidente, il dit je vais en parler aux services. Et ça c’est un message fort, on le vit au quotidien, quand on s’adresse au Département, on a 12 conseillers généraux en face de nous dont un certain nombre sont des référents thématiques qui ensuite en discutent avec les services pour trouver le financement. Quand on s’adresse à la Région, on s’adresse à des instances éminemment techniques et administratives, voire à une technocratie et qui en plus, ne va pas forcément dans le même sens, selon la direction à laquelle on s’adresse.
R2 Et en plus avec une gestion spécifique pour chaque service. Y a que depuis 2001 que les arrêtés de subventions sont tous faits de la même façon, avec les mêmes critères dans tous les services de la Région. Dans le premier contrat, j’ai eu des arrêtés de subvention, j’étais toujours obligée de les regarder parce qu’au niveau de la caducité, ça changeait d’un service à l’autre. Ça montre bien que la Région c’était d’abord les services.
R1 Bon ça va changer après le 28 mars quelle que soit la majorité, avec le mode d’élection on aura un exécutif stable qui sera pas obligé de faire constamment des compromis de faire passer budget à coup de 49-3 régional. Et ça, à mon avis, ça va se retrouver au niveau de l’implication des élus au niveau des services.
Q Et donc cette instabilité de l’exécutif a des effets sur le rôle des services ?
R2 C’est évident.
R1 Il y a un vide politique. Aujourd’hui vous demandez à conseiller régional : quelle est la stratégie de la Région par rapport à tel ou tel projet, il en sait rien parce qu’il ne connaît pas la position de l’exécutif. Jusqu’à maintenant, c’était un coup oui, un coup peut être, un coup non, un conseiller régional ne pouvait pas vous répondre. »
Q Il n’y avait pas de ligne politique ?
R1 Non, je n’irais pas jusqu’à dire que le Conseil régional n’a pas de ligne politique, ils ont quand même mis en place le SRADT, ils ont signé le CPER, y a quand même eu des directives politiques de l’exécutif, mais ça ne se retrouvait pas au niveau des directions, y avait pas, à part quelques exceptions, y avait pas de mainmise politique sur l’administration régionale. »
Entretien n° 10 du 22 mars 2004’

Notes
225.

ROGER P. « Les élus de Rhône-Alpes s’interrogent sur la décentralisation », www.lemonde.fr , édition du 20 janvier 2004.