Prise en étau entre l’État et les Départements, la Région progresse pourtant vers son objectif de mailles territoriales élargies

Malgré les aléas politiques, depuis 1992, date des premiers CGD, la Région cherche dans le temps long à imposer les zones d’emplois comme espace de convergence de ses dispositifs territoriaux. En matière d’emploi formation, elle se heurte au zonage des Maisons de l’emploi issues du Plan de cohésion sociale. Celui-ci doit correspondre au bassin d’emplois, qui est un maillage plus fin que les zones d’emplois. Toutefois une marge de manœuvre est laissée aux différents acteurs selon les spécificités sociales géographiques et économiques des territoires226.

Cette marge, ce sont les notables qui s’en saisissent, en particulier les députés-présidents de communautés d’agglomération qui sont des acteurs incontournables dans la mise en œuvre des Maisons de l’emploi. Même si les autres EPCI participent à ces dispositifs, c’est dans la ville centre que sont fournis les locaux de la maison de l’emploi. Bernard PERRUT député président de la Communauté d’Agglomération de Villefranche sur Saône préside aussi la Maison de l’emploi et de la Formation du Pays Beaujolais élargi. L’élu régional pilote du CTEF doit composer avec cette situation :

‘« R Les enjeux des négociations sur les périmètres d’étude d’action de la Région. La convergence, elle est non seulement souhaitable, elle est réalisable, on a essayé de le démontrer dans l’accord État Région. Cela étant, elle n’est pas complètement achevée. L’État avec ses maisons de l’emploi sont très soumis, je dirais aux acteurs locaux, élus locaux, député ou pas député. Alors qu’il a affirmé en juillet 2005 que les périmètres seraient communs, on continue à naviguer, y compris dans le Beaujolais. »
Entretien n° 38 du 28 juin 2007’

Dans le Roannais, la Zone Territoriale Emploi Formation se superpose au CDPRA. Malgré cette correspondance des périmètres, les jeux politiques sont visibles. L’opposition entre la Région (Gauche plurielle) et les élus dominants, Yves NICOLIN (UMP) député et président du Grand Roanne et Pascal CLEMENT FROMENTEL (UMP) président du Conseil Général par ailleurs ministre UMP de la Justice gâte une situation qui pourtant sur le plan du zonage statistique est une des plus claires de Rhône-Alpes en raison du caractère économique très intégré du Roannais.

Quant à l’État, représenté par la Préfecture de Région, il ne tire pas toutes les conséquences du protocole signé avec la Région le 5 juillet 2005. Il compose avec les notables d’une part et les partenaires sociaux d’autre part.

‘« R Ça été décidé conjointement entre l’État et la Région, les services techniques de l’État et de la Région se sont mis d’accord sur ce « périmétrage » CTEF que la Région applique strictement mais que l’État qui s’était engagé à le faire ne respecte pas. Troisième partenaire qu’il ne faut jamais oublier en termes d’emploi formation, les partenaires sociaux. On parle de politique publique, mais sur l’emploi formation, le rôle des partenaires sociaux est incontournable. Dans les questions d’emploi formation, les montants essentiels sont aussi au sein des entreprises dans le cadre d’un fonctionnement en principe paritaire mais qui est en fait dominé par les chefs d’entreprise, qui sont encore plus jacobins, chefs d’entreprises et syndicats, que ne le sont les pouvoirs publics. Il y a une évolution, le dialogue social territorial, c’est vrai que parallèlement à toute cette dynamique sur les contrats territoriaux emploi-formation, il y a tout ce qui est fait par le comité régional de coordination de l’emploi et de la formation professionnelle, avec des commissions spécifiques, moi, j’anime sur la validation des acquis d’expérience, il y en a une sur l’apprentissage, il y en a une sur l’emploi, il y en a une sur les personnes handicapées. Dans le tripartisme des comités, là aussi s’organisent des confrontations. Donc, l’organisation, la conception, la mise en œuvre des actions emploi formation est à localisation multiple. »
Entretien n° 38 du 28 juin 2007’

Dans le Roannais en particulier, le sous-préfet de Roanne sous surveillance a une marge de manœuvre très faible.

‘« R Donc cette volonté de rapprochement entre Maison de l’emploi et CTEF est très nette entre la Région et l’État. Elle l’est moins au niveau des élus locaux. Alors il y a un projet de maison de l’emploi qui est porté par le grand Roanne, agglomération présidée par M. Nicollin. Après quand on est dans ce contexte avec une position politique très forte. On a aussi une préfecture qui n’est pas totalement neutre. Quand on a un président du Conseil général, ministre de la justice, qui suit les choses de près, la neutralité républicaine de la sous-préfecture n’est pas assurée. On va dire les choses comme ça. Donc on a de d’un côté le CTEF qui est une démarche État Région mais pilotée par la Région, de l’autre un projet de maison de l’emploi qui dépend du plan de cohésion sociale portée par un député de droite mais avec un lourd passif historique entre les élus. Le rapprochement n’est pas simple.
Entretien n° 35 du 7 juin 2007’

En ce qui concerne les partenaires sociaux, ils butent encore sur leur organisation en branche professionnelle pour répondre pleinement à la logique de territorialisation des politiques d’emploi formation.

‘« R Cela nécessiterait plus qu’ils ne sont en capacité de le faire. Certains syndicats l’ont pris radicalement à bras le corps, je pense à la CGT et à la CFDT. La dernière a choisi dans ces instances régionales de mettre des billes là-dessus, d’organiser ses militants. En sachant que les délégations prévues au CTEF, ce ne sont pas des délégations prévues par le code de travail. Donc ça se prend forcément sur d’autres délégations. Donc y compris le droit du travail, le droit social n’ont pas intégré ces dimensions territoriales.
Du point de vue des syndicats, certains viennent, certains ont investi parce que stratégiquement ils ont considéré que c’était important pour eux. Le patronat joue son double jeu. Il veut être informé de tout, il veut suivre tout mais il ne s’engage pas. Dans le Beaujolais ce n’est pas le patronat, ce sont les chambres consulaires, la CGPME vient sans hostilité mais ne s’engage pas concrètement. Il veut intervenir dans toutes les formations que l’État par les lycées professionnels, ou la Région par l’apprentissage, décident, mais dans le pot commun des discussions, lui garde ses CFA. »
Entretien n° 38 du 28 juin 2007’

Malgré ces vicissitudes qui sont la normalité des zonages et de leur articulation, la Région se rapproche des 27 zones d’emplois identifiées en Rhône-Alpes. Avec les 27 Zones Territoriales Emploi Formation et les 46 CDRA/CDPRA en cours en juillet 2008, en comparaison par exemple avec les 215 bassins de vie qu’elle compte, force est de constater sur le plan quantitatif une continuité dans les politiques territoriales. Si l’articulation des périmètres est encore problématique, les présidents EPCI qui composent les Pays et les présidents de Conseils généraux n’ont pas freiné le rapprochement contrairement aux années 2000-2001 où la logique de contrôle des notables avait limité les ambitions régionales.

Notes
226.

Arrêté du 5 avril 2005 portant cahier des charges des maisons de l’emploi.