Partenariat fonctionnel entre concurrence et coopération

Dans la stratégie partenariale, les agents de développement et les présidents des EPCI sont des acteurs clés. Leur rôle d’animateur, consiste à mettre en relation des acteurs qui pourraient s’ignorer, car, intervenant dans des secteurs imperméables les uns aux autres. L’opportunisme est ici une qualité cultivée qui se renforce par la densité du réseau relationnel.

Par exemple, l’implantation de l’entreprise de télécommunication TRANSCOM à Roanne, en avril 2004, reflète l’intérêt d’un réseau d’acteurs intégré à l’échelle d’un bassin industriel en souffrance. Les 500 emplois créés amorcent la diversification, face au textile en crise et le GIAT en restructuration.

‘« R Un premier contact avec l’entreprise, qui cherche un site avec ses propres critères, donc là, c’est arrivé par l’Agence Française des Investissements Internationaux. Il y avait plus de 80 territoires répartis à travers l’Europe. Donc un premier contact, le 18 décembre, l’entreprise vient visiter un bâtiment, pour rappeler l’historique. L’entreprise n’est pas satisfaite du bâtiment. Donc on est obligé dans les dix minutes de proposer un autre bâtiment. On a un bâtiment en cours de construction le long du canal.
Q Quand vous dites, on a, ça signifie que vous avez une zone d’activité avec des bâtiments près à l’emploi ?
R Non, c’est la CCI qui avait identifié un besoin de locaux pour des entreprises artisanales et industrielles et elle a lancé un programme immobilier de trois bâtiments. Les bâtiments, sont, au mois de décembre, toujours en cours de construction. Ils sont clos, couverts, pas de dalle. Nous, on tente le va tout, on présente le bâtiment à l’entreprise qui dit : ça correspond à mes besoins. Ce sont des bâtiments qui faisaient cinq mètres sous plafond alors que pour un centre d’appel, 2,5 mètres c’est largement suffisant. Donc l’entreprise nous dit : je vous donne une réponse positive ou négative, et nous, on attend la réponse. On a arrêté les travaux qui lui correspondaient en attendant la réponse. Dès lors qu’elle a donné son accord, on a travaillé sur ses besoins, et en moins de trois mois, on a sorti un bâtiment qui initialement était un bâtiment industriel et commercial, on a sorti un centre d’appel de 2000 m² qui était aménagé et qui démarre son activité aujourd’hui. Tout le monde a joué le jeu. Architecte, CCI, élus. »
Entretien n° 18 du 1er avril 2004
« R Oui, en plus, ce que j’ai remarqué à Roanne, j’y suis depuis 1977, il y a des traditions de coopération, de collaboration entre les milieux socio-économiques, professionnels et politiques, entre la chambre de commerce et la mairie, même quand il y a divergences politiques, le discours est à peu près le même en matière développement économique. Une entreprise qui téléphone à la chambre de commerce ou au grand Roanne ou alors au district avant, elle entendait la même chose et ça c’est assez important pour être souligné. La tradition de l’intercommunalité a joué favorablement pour la mise en place du Pays ».
Entretien n° 23 du 29 mai 2006’

Mais derrière ce scénario presque parfait, se profile une sourde concurrence institutionnelle sur l’initiative économique. Le législateur en assignant la compétence de développement aux communautés d’agglomération et en laissant aux communautés de communes la possibilité de s’en saisir, a ouvert la porte aux conflits de compétences et aux doublons. Les élus constamment en quête de légitimité se sont infiltrés dans cette brèche.

‘« R Chacun a son propre rôle. On a quand même une vision, une stratégie à long terme, ce que la CCI n’a pas forcément dans ses missions et qui gère plus le quotidien des entreprises. Je pense que la visibilité des compétences économiques entre la CCI et nous est beaucoup moins claire qu’entre la commune et nous. La CCI fait ses bâtiments, nous, on fait nos bâtiments. Pourquoi on en fait, pourquoi elle en fait, c’est vrai que ce n’est pas forcément évident. »
Entretien n° 18 du 1er avril 2004’

Les Chambres de Commerce et de l’Industrie (CCI) perdent progressivement leur monopole de développement économique. Elles accompagnent désormais l’action économique plus qu’elles n’en prennent l’initiative. Elles participent au tour de table sans pouvoir réel de décision.

‘« R Alors moi je suis là depuis 1992, j’illustre avec la communauté de communes de Cublize Amplepuis Thizy ; on se dit on pourrait mettre en place une ORAC, Opération de Restructuration de l’Artisanat et du Commerce. Donc on travaille avec la communauté de communes en 1992, l’ORAC est mis en place en 93. L’opération c’est nous qui la portons. (.)
C’est nous qui touchons les subventions et nous embauchons un animateur si besoin, et nous pilotons l’opération. Jusqu’en 92 aucune action économique ne se passe sans nous et sans que nous la portions. Mais c’est la première fois qu’on travaille avec une communauté de communes. Avant on travaillait avec la chambre des métiers et nos partenaires. On est pour, parce que la communauté de communes, ça correspond au périmètre sur lequel on doit travailler, ça va bien. Mais c’est la dernière opération qu’on porte. Aujourd’hui, en 2004, il est question de mener la même opération ORAC avec Cublize. Qu’est ce qui se passe ? On apprend dans les journaux que cette opération se déroule. Bon, je caricature, mais je ne suis pas loin de la vérité. On est quand même invité parce qu’on a fait comprendre, et puis on les connaît bien, qu’on avait été porteur à l’époque, euh bien évidemment on ne porte plus l’opération, bien évidemment on ne touche plus les sous. Bien évidemment on fait du boulot. Alors on est dans cette logique là. En 1992, ils étaient trois, aujourd’hui ils sont trente six. Nous on était deux tournés vers l’extérieur, aujourd’hui on est toujours deux. La CCI de Lyon, c’est moins 27 personnes par rapport à 1992. Les communautés de communes se sont multipliées, les CCI ont perdu leur monopole, on apprend les opérations dans les journaux. Voilà la toile de fond. Le Pays s’inscrit dans cette logique. »
Entretien n° 8 du 18 mars 2004’

Cependant, au sein du Pays Beaujolais de nombreux acteurs dénoncent la position dominante de la CCI de Villefranche en matière de développement économique. A les entendre, le CDPRA pourrait se réduire à un guichet de financement des actions de la CCI.

‘« R L’économie, ici, c’est la chasse gardée des consulaires. Très clairement, on ne veut pas que le Pays prenne des compétences économiques. Il y a donc deux aspects dans mon travail. Pour le contrat de développement, j’apporte des subventions sur les actions prévues au contrat. (.)
On distribue des subventions. Si par exemple on détermine à l’échelle du Pays une problématique agricole particulière, qu’elle ne touche nous ou pas en tant que Pays. Toutes les instances du Pays, comité de pilotage, conseil local de développement disent : nous, on veut prendre en charge cette action. On prend un chargé de mission, et puis, il le fait avec les chambres consulaires. Nous, sur le territoire la démarche est inverse. Ce sont les chambres consulaires qui nous disent sur le territoire on voit tel besoin, on vous propose de nous aider dans ce qu’on réalise au quotidien. Donc nous, Pays, on paye des postes aux consulaires en agriculture et en économie. »
Entretien n° 34 du 1er juin 2007’

Pour autant, le CTEF que porte la maison de l’Emploi et de la Formation de Villefranche sur Saône et du Beaujolais présidée par le député et président d’agglomération Bernard PERRUT, est un autre dispositif régional et étatique permettant aux nombreux chargés de missions des différentes procédures territoriales de refonder les bases de la coopération institutionnelle en matière économique. C’est en particulier sur le problème de la gestion des ressources humaines pour les petites entreprises, via le programme SECURISERA (Gestion prévisionnelle des ressources humaines dans les Très Petites Entreprises - 50 salariés), que les chargés de mission CTEF et CDPRA doivent intervenir. L’articulation des deux dispositifs territoriaux est difficile parce que découplés dans le temps et soumis à des logiques politiques différentes. Nous reviendrons plus loin sur ces difficultés liées aux stratégies politiques contradictoires de la Région. Mais, par delà les contradictions de l’exécutif régional sur le sens des politiques qu’il initie, le développement territorial dépend fortement du rôle moteur de la ville centre. Notamment lorsqu’en tant que communauté d’agglomération, elle offre ses ressources financières, humaines et les bâtiments d’accueil. Mais cette volonté de coopération n’est pas sans contrepartie.

La ville centre au cœur de la stratégie partenariale.

La centralité, c’est d’abord un ensemble de ressources que les autres communes n’ont pas. C’est à Roanne comme à Villefranche sur Saône la présence d’une sous préfecture, de centres fiscaux, du Trésor, bref, l’ensemble des services qui en font un pôle administratif local. C’est aussi un ensemble de services experts que l’on trouve dans les chambres consulaires. Ce sont des centres de formation publics et privés. De manière générale, ce sont des services à la population qui, ajoutés à la présence des entreprises, font de la ville centre un point de convergence des flux. Cette situation, les élus de la ville centre délivrent beaucoup d’énergie à la conserver. Parfois, ils essaient de vassaliser les élus des communes environnantes pour pérenniser leur position dominante.

Par exemple Roanne a longtemps freiné l’implantation des Grandes et Moyennes Surfaces dans les communautés de communes voisines, emplois et taxe professionnelle obligent :

‘« R Jusqu’à une date récente le Pays de Charlieu a toujours été freiné par l’agglomération Roannaise dans l’extension de ses moyennes surfaces. Lorsqu’une moyenne ou grande surface doit s’agrandir, lorsqu’elle fait plus de 300 m², je crois, y a une autorisation avec plusieurs représentants des chambres consulaires, de l’État, des villes principales, la CDEC. Jusqu’à une date récente l’agglomération roannaise votait systématiquement contre l’extension ou implantation de surface commerciale sur le Pays de Charlieu. Alors c’était recalé au niveau départemental, alors il fallait systématiquement que la communauté aille au niveau national pour obtenir gain de cause ».
Entretien n°5 du 15 mars 2004’

Par ailleurs, le drainage de la population environnante suppose la création d’infrastructures que la ville centre ne souhaite pas financer seule, en étendant sa zone d’influence territoriale, elle peut également déplacer ses problèmes dans les communes extérieures, ou faire appel à la solidarité intercommunale :

‘« R1 Et puis, il y a d’autres choses, c’est le maire actuel qui a soulevé ces questions et il a complètement raison, c'est-à-dire que le monde rural qui entoure Villefranche consomme du Villefranche, c'est-à-dire consomme les services, localise quand même la population, y a quand même plus de 40% de logements sociaux, c’est important, y a une concentration de problèmes sur Villefranche et les communes rurales n’assument rien, elles ne payent rien. Alors il a mis le pavé dans la marre, y a deux ou trois ans, en disant le logement social, rien ne vous interdit d’en avoir, essayer de sortir des ghettos parce qu’on a deux, trois quartiers qui sont chauds, chauds donc l’idée, c’est de faire un peu de mixité urbaine, sociale et ça a toujours été une fin de non recevoir des communes rurales, donc elles veulent bien profiter de Villefranche mais elles veulent pas payer. C’est peut être un peu schématique, mais c’est vraiment ça.
R2 Même au niveau de l’utilisation des services, quand la médiathèque s’est installée à Villefranche, ou le théâtre.
R1 Ce que disait le maire 50% des abonnés du théâtre de Villefranche sont hors de l’agglomération et la médiathèque c’est pareil. »
Entretien n° 10 du 22 mars 2004’

Les stratégies défensives sont facteurs d’intégration intercommunale

Évidemment, cette volonté de confisquer les ressources et de partager les charges provoque des mécontentements. Les petits élus réagissent face à cet abus de position dominante. Ils sont davantage enclins à s’organiser, à se regrouper en communauté de communes pour mieux contrôler l’influence de la ville centre. C’est ainsi que la domination de la ville centre, à la faveur des stratégies défensives qu’elle suscite, opère comme un facteur d’intégration et de coopération intercommunale. C’est paradoxalement dans cette logique que l’on peut appréhender la volonté de Villefranche sur Saône de se rapprocher de son arrière Pays que jusque là, elle semblait avoir dédaigné, orientant son développement le long de la Saône et de l’A6 sur un axe Nord Sud, et négligeant l’axe Est Ouest.

‘« R2 C’est presque le reproche inverse qu’on fait à Villefranche qui ne joue pas son rôle de capitale par rapport à la notoriété, par rapport au développement de l’ensemble du Pays. C’est justement le souhait qu’avait l’ensemble du territoire.
R1 Villefranche était quasiment absente de tous les dispositifs territoriaux, dans le cadre du premier CGD, pas particulièrement présente, dans le cadre de la démarche Pays, pas présente, dans le cadre du SCOT, pas présente. »
R2 Pour moi y a encore autre chose, Villefranche a une configuration sociologique très différente du Beaujolais, et ça ne date pas d’aujourd’hui. Villefranche a des grands immeubles sociaux, Villefranche a une communauté immigrée turque et du Maghreb très importante, c’est un pôle commercial. Donc Villefranche n’était pas dans une logique de ville assise sur un arrière-Pays. Elle s’est construite comme une cité avec des remparts, je ne connais pas l’histoire de Beaujeu.
R1 Bien, elle a été construite par les seigneurs de Beaujeu et elle a été en concurrence avec Villefranche.
R2 Vous savez, tout ça, on le retrouve aujourd’hui. La ville a été construite sur un axe Nord-Sud, c’était une étape cavalière entre Lyon et Mâcon. Donc orientée sur un axe Nord-Sud et non Est-Ouest. Y a rien qu’à voir les difficultés de la communauté de communes pour étendre son périmètre pour essayer de passer en communauté d’agglomération. Enfin ils ont essayé naturellement, ils se sont tournés vers Jassans, Beauregard, les communes qui sont en face, on est dans le continuum urbain et ça a été une fin de non recevoir et pourtant, il y a des lignes de bus qui vont là-bas. C’est comme si entre Saint Jean et Terreaux, on était sur deux communes. Villefranche ne regardait pas vers le Beaujolais, ne regardait pas vers la Saône, regardait vers le Nord et vers le Sud. Donc tout ça, c’est un passé et tous les élus de Villefranche ont été dans cette logique là. »
Entretien n° 10 du 22 mars 2004’

Dans le Beaujolais, le Pays est soutenu par la ville centre parce qu’il est une opportunité supplémentaire de renforcer la coopération intercommunale nécessaire à la structuration du territoire face à l’extension de l’agglomération lyonnaise.

‘« R Non seulement on se positionne par rapport à ce Pays qui sera le premier Pays de la Région Rhône-Alpes mais on en est, en tant que communauté de communes, également le porteur. On anime administrativement, c'est-à-dire que les personnes qui animent cette structure sont rémunérées par les communes de l’agglomération. Je pense que c’est une excellente chose et c’est la continuité logique du CGD.(.)
Le Beaujolais a forcément des incidences économiques sur Villefranche. Villefranche est la capitale du Beaujolais, pas historiquement, mais au niveau des services et administrations. Qu’il y ait peu de relations entre le haut beaujolais, c’est évident mais je pense que par le biais du SCOT et du Pays, y en aura de plus en plus. Et je crois que ces deux outils sont des outils fédérateurs auxquels je crois énormément, qui vont permettre surtout aux élus de se connaître, de connaître leur territoire, d’avoir des vues globales, donc de cohérence de développement au niveau de leur territoire, et ça, ça me paraît très intéressant. On parlait d’Amplepuis, Cublize et ici. Mais quand on raisonne à l’échelle du Pays ou d’une agglomération, ou d’un périmètre comme celui du SCOT, je pense qu’on a les mêmes vues au niveau du développement du schéma commercial, lorsqu’on commence à réfléchir à un Plan de Déplacement Urbain, même si ça ne touche pas directement Amplepuis, Cublize, on prend en compte le pourtour qui déplace largement le territoire de l’agglomération. Tout cela fait qu’aujourd’hui, on est un peu dans une transformation, une révolution des mentalités, ce sera pas dans deux ou cinq ans, je suis assez optimiste. »
Entretien n° 12 du 29 mars 2004’

Il s’agit bien ici de la part de Villefranche sur Saône et de l’ensemble du Pays d’une stratégie de défense qui consiste, pour ne pas être absorbé par Lyon, à préparer le territoire au développement à venir.

‘« R Ces Pays sont aussi une manière, une stratégie de peser face aux grandes métropoles et constituent un équilibre territorial. C’est le cas du Pays Beaujolais, plus d’une centaine de communes, près de 200 000 habitants, qui peut être un territoire important vis-à-vis de Lyon. »
Entretien n° 21 du 19 avril 2004
« R Ça commence à sortir du clientélisme pour aller vers le projet. Qu’est-ce qu’on peut faire quand on est une communauté de communes de 5000 habitants ? Ou quand on a fait une communauté de communes contre une autre ? Ici c’est contre Villefranche. Mont d’or Azergues ça s’est fait contre le grand Lyon, pour ne pas être avalé par le grand méchant loup. »
Entretien n°33 du 1er juin 2007’

C’est aussi pour cette raison que le SCOT couvre le même espace que celui du Pays. Vue de la sous préfecture de Villefranche sur Saône, la superposition du SCOT, du Pays et de l’arrondissement correspond à une identité territoriale marquée utile au développement.

‘« R Si vous voulez pour le SCOT, ça s’explique bien. L’arrondissement de Villefranche, c’est un peu le poumon de Lyon. C’est la zone de repli pour l’urbanisme et tout. C’est là où va se dessiner tout ce qui reste à faire sur l’arrondissement de Lyon. Bon c’était important de prendre tout ce qui restait pour le développer de manière cohérente. C’est schématique mais c’est un peu ça. On le voit au niveau de l’urbanisme, les constructions des particuliers ça remonte. Y a plus de place à l’est, y a plus de place au sud. Y a une pression très forte. On est devenu la banlieue de Lyon. Ça veut dire que les futures zones d’activités qui se développent vers Villefranche, les entreprises qui voudront venir sur Lyon, ne seront pas localo-locales. (.)
En plus Villefranche, moi je suis lyonnaise, j’ai été étonnée quand je suis arrivée à Villefranche de voir le développement de cette ville de 30 000 habitants. Il se passe des trucs culturels, y a plein de commerces, les gens de Villefranche, ils sont de Villefranche, ils ne sont pas Lyonnais, ils vont très peu le samedi après-midi à Lyon. Donc il y a vraiment une identité très forte à 20 bornes, moi je fais les trajets tous les jours. Y a des villes moins bien importantes que Lyon dans le Département qui drainent une population qui va bien au-delà de 20 km. Donc vous voyez une ville comme Lyon, elle ne draine pas forcément Villefranche. Ils y vont mais ils ne sont pas lyonnais du tout. Il y a une forte identité. Bon, elle ne fera jamais le poids par rapport à Lyon. Mais je pense que les élus sont conscients de l’importance de leur territoire pour continuer le développement de la métropole, donc là y a quelque chose à ne pas laisser passer, parce qu’à mon avis dans dix ans, 20 ans y aura plus rien entre Mâcon et Lyon. Donc stratégiquement ils ont une carte forte à jouer. Ça peut évoluer politiquement, c’est très lié aux personnes. Si le député PERRUT arrive à fédérer les personnes. Bon, je pense que ce sera plus rapide par la voie démographique, s’il arrive à fédérer, à persuader les communes à joindre Villefranche.
Entretien n° 13 du 29 mars 2004’

En ce qui concerne Roanne, la situation économique n’est pas aussi bonne, mais les motivations sont les mêmes. En se situant sur l’axe autoroutier en construction, Lyon, Clermont Ferrand, Bordeaux, Roanne cherche à se positionner en tête de pont de la région Rhône-Alpes par le développement de plateformes logistiques. Son désenclavement est un enjeu majeur. Fédérer un nombre important de communes et d’EPCI autour de cet objectif, c’est peser davantage sur les orientations régionales et étatiques, sur l’amélioration de la desserte ferroviaire et le tracé de l’autoroute. Ceci est clairement affiché par les élus et les chargés de mission du Pays, malgré le contrat d’agglomération mis en œuvre par le Grand Roanne.

‘« R Oui, il y a un contrat de Pays qui sera signé avec la Région, l’État, le Conseil général tous les gens qui voudront bien payer. Aujourd’hui, la politique de la Région, c’est de dire on met en place des CDPRA, et on reconnaît pour le Roannais qu’il y a une spécificité urbaine au niveau de l’agglomération. Dans le cadre du contrat de Pays, on vous propose de réserver une certaine somme pour l’agglomération sur des opérations qui lui sont spécifiques et on appelle cela contrat d’agglomération. Mais l’agglo a aussi un contrat d’agglo avec l’État qui n’est pas tout à fait la même chose. Normalement une agglo signe un contrat d’agglo avec la Région et l’État dans le cadre du CPER. Mais la Région ne reconnaît pas Roanne comme une agglomération. Seules le Grand Lyon, Saint Etienne Métropole et Grenoble sont des agglos pour elle.
Pour la Région, Roanne est une ville moyenne, le problème c’est que du point de vue de l’État, Roanne est une communauté d’agglomération qui peut bénéficier de la procédure agglo de l’État. Mais la Région ne la reconnaît que comme ville moyenne, donc la Région dit : il y a un couac, mais on veut les aider alors on propose de les intégrer au Pays pour reconnaître cette spécificité urbaine. Alors nous on a un problème. Quand l’agglomération dit : nous on va signer un contrat d’agglomération, on a l’impression que c’est un truc déconnecté du Pays. Alors que c’est simplement une réserve de crédit. »
Entretien n° 2 du décembre 2003
« R La ville centre a besoin d’une périphérie vivante et d’un arrière pays vivant, c’est à dire plus loin que la première périphérie, c’est pour ça qu’on a une problématique pour l’arrière pays collinaire et de montagne avec la déprise agricole, l’enfrichement. La ville centre a besoin d’un arrière pays vivant et en bon état, « environnementalement parlant » et puis les arrière pays ont besoin d’une ville centre vivante, d’hôpital, de lycées, de piscines, de théâtre, enfin tout ce qu’une ville centre doit apporter. Alors moi, j’ai pas d’état d’âme. D’ailleurs dans le contrat de Pays qu’on est en train de préparer avec la Région, y aura le contrat de Pays et le contrat d’agglo, c’est tout négocié ensemble ainsi de suite. L’agglo a préparé son contrat, on avait des inquiétudes qu‘ils pompent un peu trop sur les enveloppes, bon apparemment les équilibres qui avaient été fixés par la Région ont été respectés. »
Entretien n° 4 du 12 mars 2004’

Ainsi, les effets de centralité apparaissent comme un catalyseur de l’intégration intercommunale. Tout en cherchant à étendre sa zone d’influence territoriale, la ville centre provoque des stratégies de différenciation et de défenses paradoxalement coopératives : les communes périphériques se regroupent entre elles pour rééquilibrer les relations intercommunales en leur faveur. La négociation des équipements, des implantations d’entreprises donnent lieu à des marchandages dans lesquels aucune entité ne peut décider seule. Il en résulte que l’interdépendance des élus et des EPCI pousse la logique d’intégration institutionnelle à devenir la règle d’action.