Conclusion de la première partie

Cette première partie met en évidence que le développement territorial soumis au principe de coordination sans hiérarchie institutionnelle est un bateau ivre. Une finalité sans fin ou concurrence institutionnelle et logiques de fiefs entretiennent la dilution pathologique de l’action publique territoriale. Pourtant, une logique subsidiaire se fait jour. La négociation entre les différents niveaux de gestion est en le mode opératoire commun. L’ingénierie territoriale accompagne le mouvement. Mais ce mouvement ne doit pas entraver la liberté d’action et les intérêts des notables prompts à saborder un dispositif multi-niveau pour fidéliser leur clientèle politique et renforcer leurs positions. La gouvernance négociée de l’action publique territoriale reste à inventer.

1 Dépolitisation et gestion collégiale des dispositifs territoriaux interdépendants

Selon les phases du cycle de production des politiques territoriales, les clivages partisans opèrent différemment.

La définition du périmètre est un temps de combat politique pour le contrôle du territoire, des actions qui sont conduites et des fonds qui leur sont alloués. Le zonage subit l’effet du clivage gauche / droite. Très net aux élections régionales et aux élections municipales, notamment pour le contrôle de la ville centre, autour de laquelle se constitue la communauté d’agglomération, le clivage partisan est moins prégnant dans les communautés de communes rurales. Le tout conditionne la désignation du chef du dispositif territorial.

Ensuite, l’articulation des périmètres qui relève de la gestion des contrats obéit à d’autres règles davantage portées vers le consensus.

Le périmètre défini, la division verticale du travail politique s’approfondit dans la gestion des contrats territoriaux. Aux grands élus, reviennent les décisions qui auront un impact structurant sur le territoire. Aux petits élus, en particulier les présidents de communautés de communes membres du comité de pilotage, il incombe de gérer la répartition de l’enveloppe contractuelle. Mais la domination des premiers sur les seconds s’apparente à une forme de servitude volontaire. Maires et présidents de communautés de communes disposent de ressources qu’ils peuvent mobiliser dans l’échange, de manière à bénéficier de la manne du contrat ou du soutien d’un grand élu. Par exemple un sénateur doit savoir écouter les maires pour la construction d’une autoroute. En contrepartie il recueillera leur suffrage lors du renouvellement de son mandat.

En d’autres termes, la domination de quelques uns, sur l’ensemble des autres est l’accord tacite qui régule le fonctionnement de ce système local. Aucun élu, acteur de la recomposition territoriale ne doit perdre la face. C’est ce consensus qui rend possible la gestion collégiale des contrats territoriaux interdépendants en dépassant les clivages partisans.

2 Les introuvables modalités organisationnelles de la gouvernance négociée

Toutefois la gouvernance négociée de l’action publique territoriale reste à inventer parce qu’elle ne trouve pas d’organisation efficace. Divers mécanismes de liaison sont mis en place pour coordonner les dispositifs entre eux. Mais entre la gestion artisanale des Pays, la logique bureaucratique des services de la Région et le surpeuplement institutionnel de l’action publique, l’amalgame prend mal. C’est par un retour à une logique sectorielle qui met en cause la transversalité de la logique territoriale que la Région semble s’orienter pour mieux assurer le pilotage de ses dispositifs. Le rôle de l’ingénierie territoriale et le sens de son action sont directement mis en cause. L’articulation de dispositifs contradictoires et l’émiettement des tâches la détourne de sa vocation à agir concrètement sur et pour le territoire.