Le Programme Pour et Sur le Développement régional (PSDR)

Le PSDR est un programme de recherche centré sur le développement régional initié par l’Institut national de recherche agronomique (Inra). Prenant acte de la montée en puissance du fait régional depuis les lois Deferre sur la décentralisation de 1982 et 1983, de la création d’espaces infra régionaux d’action publique, l’organisme national a initié deux programmes PSDR successifs réalisés de 1994 à 2005 avec trois puis cinq régions. Le programme PSDR3 engagé aujourd'hui sur 2007-2010 mobilise l'Inra, le Centre national pour le machinisme agricole, du génie rural des eux et forêts (Cemagref) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Il concerne désormais dix Régions : un ensemble "Grand Ouest" composé de quatre Régions (Basse-Normandie, Bretagne, Pays de la Loire et Poitou-Charentes) et six autres Régions (Aquitaine, Auvergne, Bourgogne, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes). Doté de près de 10 millions d’euros pour quatre ans, il devrait soutenir entre 40 et 50 projets de recherche. Son programme porte sur « l'observation et l'analyse du rôle des dynamiques territoriales dans le développement régional via les interactions entre les différents acteurs, publics et privés, leurs organisations et institutions, les activités économiques, sociales et l'ensemble des ressources valorisées ou valorisables sur les espaces ruraux et périurbains 347  ». Le territoiredéfini comme une « portion de l'espace dotée de ressources naturelles et humaines, appropriée et organisée par des sociétés », est central dans ces recherches pour et sur le développement régional.

Le PSDR cherche à favoriser l'émergence de problématiques communes aux Régions et des projets de recherches interrégionaux.

Sa particularité est la valorisation des acquis de la recherche auprès des acteurs du développement régional. Autrement dit, le développement régional est à la fois objet et finalité du programme de recherche. C'est ce que signifie la combinaison des prépositions "Pour" et "Sur" de l’intitulé du programme.

A ce titre le PSDR est conçu et construit au sein des Régions concernées, en lien direct avec les préoccupations des acteurs et avec un cofinancement égal entre les Régions et les organismes de recherche. Par exemple Rhône-Alpes s’est alliée avec la Région Auvergne sur la thématique de l’ingénierie territoriale348.

L’ingénierie territoriale dans le PSDR Rhône-Alpes

Le deuxième appel à propositions de recherche 2008349 pour le PSDR de Rhône-Alpes fait de l’ingénierie territoriale l’une des sept thématiques de recherche. Constatant la difficile articulation des dispositifs de développement territorial (Pôle d’excellence rurale, pôle de compétitivité, Leader+, CDRA, Pays, PNR, SCOT, contrat de rivière, chartes forestières de territoire, nouvelles formes de démocratie participative), l’axe deux du programme rhônalpin se fixe pour objectif de « favoriser et organiser les synergies entre acteurs et les partenariats public-privé en inventant de nouvelles formes de gouvernance rurale et en développant une véritable ingénierie du développement territorial  ».

Ce programme clairement revendiqué de recherche action souhaite «  accompagner et outiller par une ingénierie territoriale la complexité croissante du développement territorial ». Cette orientation pragmatique se traduit par les questions de recherches envisagées :

‘« Quelles pratiques mettre en œuvre, avec quelles compétences, quelles méthodes, quels outils, quels besoins en produit de la recherche ? Quels nouveaux partenariats peuvent être développés dans ce cadre entre secteurs public et privé, entre recherche et développement ? Comment agents de développement, bureaux d’études et agents de l’administration font-ils converger leurs efforts, leurs compétences, leurs outils ? Comment améliorer leurs relations (promouvoir les coopérations, tempérer les rivalités) ? Pour quelles finalités et quels effets attendus ? Quelles solutions trouver pour les territoires manquant de ressources propres en ingénierie territoriale afin d’assurer une certaine équité ? »’

Cependant, « la démarche résolument partenariale » affichée par les scientifiques et les acteurs du développement ne va pas de soi. Pour passer de l’affichage à la pratique, un certain nombre de ponts doivent être construits. Ensuite il faut les franchir. En effet, produire des outils méthodologiques destinés à des professionnels tels que les agents de développement, des savoirs opératoires n’est pas la compétence première valorisée dans la carrière des chercheurs en sciences sociales, en science politique en particulier.

‘« R Nous, ce qu’on veut, ce sont des clés de lecture de l’ingénierie. Très pratiques. Décrypter des situations d’ingénierie. Ce qu’on veut comprendre, c’est pourquoi on en est arrivé là. On veut avoir une lecture prospective, lire ce qui va se passer dans quelques années en matière d’ingénierie. Et qu’on ait également des analyses en termes de compétences, qu’on adapte nos programmes de formation. L’offre de services que l’on fait aux agents de développement. On a donc défini des critères très précis. Après, savoir si les chercheurs pourront nous apporter cela, je n’en sais rien. Les chercheurs sont très honnêtes sur ce point. Ils me disent : tu demandes de faire de la recherche sur les agents de développement, tu veux qu’on fasse de la valorisation pour les agents de développement, mais nous on valorise notre carrière en publiant des articles scientifiques. Quand je demande à un chercheur de m’aider à construire un outil d’aide à la décision, il me répond : la seule chose que je sais faire, c’est écrire un article. »
Entretien n°44 du 24 juin 2008’

Le rapprochement du monde de l’action et du monde de la recherche se construit chemin faisant. La co-construction du programme de recherche est un exercice difficile de traduction qui déconstruit les frontières entre l’expertise, la science et le politique. En effet, la question de la « scientifisation » de l’action publique est au cœur des interrogations des acteurs de ce programme. C’est d’abord une affaire pratique et d’opportunisme qui se nourrit de la déconcentration toujours à venir des services de l’État. Mais qui pourrait avoir un impact sur l’organisation des services la Direction Départementale de l’Agriculture et la Direction Départementale de l’Équipement. Elle pourrait toucher le cœur de métier des agents de développement qui doivent être en mesure d’anticiper ces changements. Leur formation est donc un enjeu de premier ordre. Enjeu mesuré par les chercheurs qui saisissent un champ d’analyse nouveau et une opportunité de formation pour les étudiants de masters portant sur le développement territorial.

‘« R On voit bien que la co-construction est très difficile. Ce n’est pas lié à l’ingénierie territoriale. Nous, acteurs, se mettre dans le rythme de la recherche, dans leur logique, c’est très compliqué. Et l’inverse est vrai aussi, c’est difficile pour les chercheurs de descendre au niveau des agents. Et puis on s’aperçoit que sur cette question de l’ingénierie territoriale, les chercheurs arrivent à très peu mobiliser de ressources. Ils sont un peu courts. Les chercheurs ont raisonné, l’actualité leur a fourni un argument, l’État est en train de recomposer complètement ses forces vives sur le territoire. En recomposant la Direction Départementale de l’Agriculture et la Direction Départementale de l’Équipement, la décentralisation finit de se mettre en place. Du coup, ça recompose complètement le rôle des acteurs du territoire, ça ouvre des champs nouveaux de formation, et de réflexion. On a fini de boucler la boucle. Donc ce ne serait pas trop idiot de se mettre sur ces questions d’ingénierie territoriale. Mais moi, je ne lâche pas le morceau, je vais les faire bosser sur l’ingénierie territoriale, mais on voit bien que ça ne les intéresse pas plus que ça. »
Entretien n°44 du 24 juin 2008’

De surcroît, en période de disette budgétaire et de réforme de l’enseignement supérieur et de la recherche, les commandes publiques et les contrats financés par l’État et la Région sont une opportunité à saisir. En contrepartie elles orientent les thématiques vers la recherche développement ou recherche appliquée « socialement plus utile ».

‘« R Oui, en plus il y a définition conjointe du processus de recherche. Je ne sais pas si ça existe dans la réalité mais c’est écrit comme ça sur le papier. Nous, on a été mobilisé sur le PSDR2, comment faire de la valorisation auprès des agents de développement. Le constat que l’on avait fait émerger, c’était : les résultats de la recherche sont difficilement accessibles et transférables aux agents de développement. Ça nécessite soit un travail supplémentaire des chercheurs pour que ce soit compréhensible pour les agents de développement. Soit un accompagnement à l’appropriation. D’où l’idée de mailler dès le départ. L’État, la Région ont écrit un document pour définir leurs priorités. À tour de bras, dans ce document, apparaît le terme « ingénierie territoriale ». Nous, c’est un mot que l’on n’utilise jamais. C’est un mot que l’on voit apparaître de plus en plus au Ministère de l’agriculture, à la DIACT. Mais moi, je ne sais pas ce que signifie « ingénierie territoriale ». Alors j’ai fait une demande : en disant, nous, le CRDR on voudrait aborder la question de l’ingénierie territoriale avec trois axes. Premièrement, décrypter ce qu’est l’ingénierie, montrer que sous ce terme générique, il y a des situations très différentes. Deuxièmement travailler la composition de l’ingénierie territoriale. Quels sont les corps de métiers qui interviennent ? Il y a les agents de développement, mais il y a aussi les services déconcentrés de l’État, des experts, des cabinets de conseil, etc. Comment cela se compose et quels sont les facteurs de composition territoriale de l’ingénierie. Le troisième, c’est la question des compétences, et l’évolution des compétences des agents de développement. On a fait cette déclaration d’intention, en espérant que des chercheurs s’en emparent. On savait bien que personne ne s’en occupait. Mais l’État et la Région ont montré leur intérêt pour ce thème là. On fait pression un peu sur les chercheurs pour qu’ils s’intéressent à ce sujet là. Et ce fameux Institut de Géographie Alpine qui a accepté, qui s’est emparé du sujet. Pas tant parce que c’est un sujet de recherche pour eux, mais c’est un peu un passage obligé s’ils voulaient continuer à émarger au financement. Moi je dis les choses comme je les pense. »
Entretien n°44 du 24 juin 2008’

Ce tournant dans le positionnement de la recherche interdisciplinaire intéressée aux dynamiques territoriales pourrait s’inscrire dans un mouvement plus large que Christian LE BART et Rémi LEFEBVRE qualifient de basculement du régime de légitimation fondé en partie sur la proximité entre chercheurs et scientifiques350.

En Rhône-Alpes ce basculement s’institutionnalise dans le Schéma Régional pour l’Enseignement Supérieur et une convention avec le réseau « UniTeR-RA, plate-forme régionale interdisciplinaire pour le développement et la diffusion de la recherche-action et de la recherche-formation (R&F) en sciences et métiers du territoire »351 .

Notes
347.

Programme PSDR3 Pour et sur le développement régional 2007-2010, Appel à propositions de recherche octobre 2007 sur http://www.inra.fr/psdr3 . Consulté le 10 novembre 2008.

348.

Thématique du PSDR3 à laquelle nous collaborons activement depuis janvier 2009.

349.

Programme « Pour et Sur le Développement Régional » 2ème Appel à propositions de recherche 2008 sur www.psdr-ra.org.fr . Consulté le 10 novembre 2008.

350.

LEFEBVRE C B et LE BART R., La proximité en politique, op.cit,. p 24.

351.

Formulaire de déclaration d’intention : Articuler les problématiques et les ingénieries territoriales au service des espaces ruraux : UniTeR-RA, plate-forme régionale interdisciplinaire pour le développement et la diffusion de la recherche-action et de la recherche-formation (R&F) en sciences et métiers du territoire Projet de collaboration porté par le réseau UniTeR-RA (Universités/Territoires en Réseau –Rhône-Alpes : École des territoires et du développement régional) sur www.inst-elevage.asso.fr . Consulté le 10 novembre 2008.