La Région territorialise ses cadres d’action publique en recourant à des acteurs dont la compétence technique est reconnue par l’ensemble des institutions œuvrant au développement territorial. C’est le pari qu’elle prend en assurant la logistique de l’action publique par la structuration de l’ingénierie du développement territorial. Elle renforce la stabilité de ses dispositifs contractuels territoriaux en tant que cadre méthodologique et cadre territorial d’application des politiques procédurales. Ainsi le savoir et son partage deviennent une ressource centrale dans le « policy making » régulateur, à partir de laquelle la Région en manque de budget peut s’imposer dans le jeu institutionnel. Elle se constitue en une agence de ressources savantes et techniques dont elle favorise la circulation.
Mais, si la Région veut inscrire son action dans une régulation pragmatique, elle doit la placer dans une éthique de la discussion dans laquelle l’universalisation des intérêts ne descend pas d’en haut mais émerge de la discussion libre et honnête entre les intérêts particuliers dans un processus de construction progressive.Dans cette perspective, la proximité dont la territorialisation de l’action publique est une expression peut être appréhendée comme une réponse politique à la particularisation du social352. C’est aussi une construction de ponts entre champ scientifique et champ politique dans une optique de démocratisation de l’action publique qui se cristallise dans des conventions.
Le Schéma Régional pour l’Enseignement Supérieur
Avec le Schéma Régional d’Enseignement Supérieur et de la Recherche adopté le 8 avril 2005353, la Région « s’affirme aujourd’hui comme un interlocuteur pertinent en matière d’enseignement et de recherche. Elle constitue un niveau adéquat pour l’expression des besoins des citoyens, mais aussi pour assurer une relation efficace entre le système universitaire et scientifique et les forces vives de Rhône-Alpes »354. Au-delà du laïus habituel sur « la pertinence de l’interlocuteur » comme il existait hier des prêches sur « les territoires pertinents », qui participent au jeu normal de la légitimation de son action, la Région redéfinit ses relations avec le monde de la recherche et de l’enseignement supérieur sur l’argument de proximité. A ce titre, les CDRA sont présentés comme le cadre territorial intégrateur des partenariats qui dérivent de ce schéma : « Par un effet de proximité, elles (les régions) sont à même d’exprimer les besoins de leurs territoires, d’établir une coopération avec les établissements universitaires et les organismes de recherche en région et d’apporter un plus pour leurs concitoyens » ; de surcroît la Région veillera à ce que l’élaboration des politiques territoriales dans le cadre des CDRA prenne en compte les actions contractualisées au titre du schéma régional d’enseignement supérieur et de recherche. »355.
Cette rapide présentation traduit la volonté politique de la Région de faire de la recherche un facteur de développement qui irrigue en flux continus les territoires infra régionaux tout en respectant l’autonomie du champ universitaire.
Le partenariat entre la Direction des politiques territoriales de la Région et le réseau UniTeR-Ra illustre également l’enrichissement des politiques territoriales en contenu scientifique.
Le réseau UniTeR-RA
Le réseau UniTeR-RA (Universités/Territoires en Réseau –Rhône-Alpes : École des Territoires et du développement régional) rattaché à l’UMR PACTE-Territoires se positionne à l’intersection du PSDR3 et du Schéma Régional pour l’Enseignement Supérieur initié par Rhône-Alpes. Il est inscrit dans le cluster n°12 « Dynamiques sociales et territoriales, exclusions et intégration, espaces et modes de vie : rural, périurbain, villes ».
Dans sa déclaration d’intention UniTeR-RA fait expressément référence aux pratiques de transfert technologique couramment utilisées dans les sciences dures :
‘« Dans un domaine où l’innovation est pour l’essentiel d’ordre méthodologique, la valorisation et la diffusion des avancées passent par la formation continue mais également initiale, laquelle demande -pour une large part encore- de concevoir et d’expérimenter des dispositifs de R&F (recherche&formation), à l’instar de ce que les sciences « dures » et les industriels ont fait il y a déjà longtemps avec la R&D.’Partant du constat de l’existence de 70 formations en développement territorial en Rhône-Alpes, de la présence de 1200 étudiants en stages professionnalisants de longue durée au sein de structures rhônalpine, les membres du réseau UNITERRA proposent de définir les besoins émergents en termes de compétences et de formation, dans la perspective d’une réflexion partagée sur la définition d’une politique régionale formation/recherche dans le domaine du développement et de l’aménagement des territoires356.
Une des applications concrètes de cette démarche se traduit par la création de l’observatoire régional des stages professionnalisants en développement territorial (ObSTer). Il s’agit d’identifier les stages qui apportent une valeur ajoutée au processus de développement de manière à les diffuser dans les territoires et les intégrer aux formations ayant trait au développement territorial.
En effet, les stages professionnalisants en aménagement et développement territorial constituent une ressource à valoriser, pour trois raisons principales :
La valorisation de la « plus-value » issue des stages n’a jusqu’à présent pas fait l’objet d’une préoccupation scientifique ou institutionnelle, alors que les informations extraites des stages constituent une véritable ressource potentielle utile pour tous les acteurs dans leur ingénierie et pour leur territoire357.
On relève notamment que pour les années 2007 et 2008 les stages sont réalisés dans des structures d’accueil situées sur des territoires relativement proches des grandes agglomérations et que des pans entiers du territoire rhônalpin à dominante rurale sont vierges de stagiaires. En d’autres termes, les territoires les mieux dotés en formation universitaires et compétences multiples nécessaires à l’ingénierie sont ceux qui attirent la compétence des étudiants stagiaires358.
Ce projet d’observatoire soutenu parM. Roger FOUGERES, Vice-Président délégué à l’Enseignement supérieur et à la recherche et M. Didier JOUVE, Vice-Président délégué à l‘Aménagement des territoires et au développement durable est un instrument de connaissance fine de la localisation de l’ingénierie qui peut permettre à l’avenir à la Région de mieux orienter l’accueil des stagiaires dans les territoires pauvres en la matière. Cette connaissance participe de la légitimation de cette collectivité locale à intervenir de manière plus qualitative dans le processus de développement territorial.
Revue MOTS. Les langages du Politique, « Proximité » n° 77, mars 2005, 170 p.
Délibération n° 05.03.269 du 8 avril 2005, Délibération du Conseil régional schéma régional de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Ibidem p 12.
Délibération n° 05.03.269 du 8 avril 2005, Délibération du Conseil régional schéma régional de l’enseignement supérieur et de la recherche, p 34.
UNITERRA : Réunion ObSTer : réunion d’échanges et d’information du 25/02/2009.
BOURDAT M. Mémoire de Diplôme de Recherche Technologique Spécialité Développement territorial. La formation en Rhône--Alpes : interface entre innovations méthodologiques & ingénierie du développement territorial soutenu le 10 Décembre 2008.
Informations tirées des travaux d’étapes d’UNITERRA, fournies par M Grégoire FREYT, enseignant chercheur en Géographie à l’Institut de Géographie Alpine et Coordonnateur d’UNITERRA.