B La gestion des interdépendances renforce la position des agents de développement

Communément le pragmatisme s’entend comme un jugement basé sur les conséquences pratiques d’une action. On l’oppose à l’idéologie comme fondement de l’action.

Sur le plan philosophique, HABERMAS définit le modèle pragmatique372 comme une étape de la rationalisation wébérienne des États modernes qui repose, non plus sur la séparation entre le savant et le politique373 à l’instar des « modèles décisionniste et technocratique »374, mais sur une interrelation critique entre scientifiques et politiques qui explore les ressorts de la domination pour les casser. En pratique, le dialogue entre science et politique requiert d’une part, la traduction des informations scientifiques en langage courant de l’action. D’autre part, la retraduction à partir du contexte des problèmes pratiques en direction de la langue spéciale des recommandations techniques et stratégiques.

Toutefois, cette rétroaction parce qu’elle induit la création et la diffusion de méthodes de travail parfois communes aux politiques, aux scientifiques et aux techniciens, ainsi que la multiplication des postes de liaison, peut conduire à la confusion des cadres de l’action et des cadres de l’analyse de l’action. L’ingénierie territoriale peut alors s’approprier les outils mobilisés dans le champ scientifique à des fins de domination et de reconnaissance statutaire. Dans ce cas, c’est le versant bureaucratique de la régulation qui l’emporte.

Notes
372.

HABERMAS J. « Scientifisation de la politique et opinion publique » dans La technique et la science comme idéologie. (68), Paris, Gallimard 1973, p 106.

373.

WEBER M. Le savant et le politique, PLON, Bibliothèques 10/18, Paris, 1963.

374.

Pour l’auteur, le modèle décisionniste dissocie les problèmes de l’existence et des valeurs d’une part et la problématique objective des faits d’autre part. En conséquence, il ne permet pas de réaliser les valeurs dans la pratique. Il n’échappe pas à l’essence irrationnelle de la domination.

Le modèle technocratique, s’il maintient l’exigence de rationalité de la domination, soumet le politique à des contraintes objectives et rend sans objet toute expression de la volonté politique réduite à légitimer le personnel administratif.