La stabilité des agents de développement est un facteur clé du succès de la stratégie de développement territorial

L’apprentissage, la consolidation des relations interpersonnelles suppose la durée pour engendrer la confiance régulatrice du fonctionnement du groupe technico politique dirigeant le « Pays-projet ». Or ce qui caractérise ces procédures, c’est la rotation des techniciens tant au niveau du suivi régional que des chargés de mission des CDRA/CDPRA. Donc quand un agent de développement part, (ou qu’une élu est écarté) c’est plus qu’un individu interchangeable qui s’en va. C’est une composante de la chaîne qui en se détachant peut provoquer des dysfonctionnements lourds comme on a pu l’observer dans le Roannais.

Dans l’animation territoriale du Pays Roannais

A l’époque du CGD du Roannais, (1994-2000), un embryon de bureaucratie professionnelle territoriale se met en place. D’une part, les locaux neufs des nouveaux EPCI bien signalés, parfois installés hors du bourg centre chef lieu de canton, dotés de moyens personnels et humains en assurent la visibilité. D’autre part, une coordination forte entre les différents animateurs des EPCI et ceux du Pays nourrit des habitudes de travail collectif grâce au soutien de l’élu pilote M. Christian AVOCAT qui accorde une grande latitude aux agents de développement dans la conception et la gestion du contrat. Dans cet « âge d’or » de l’organisation en projet, les agents de développement se réunissent en comité technique hors la présence des élus. On pourrait parler d’une émancipation de cette entité technico administrative qui filtre les projets discutés ensuite par les élus au sein du bureau exécutif. Après les départs de la chargée de mission et du chef de projet en 2001, c’est le noyau dur de l’ancien CGD qui se délie dans le CDPRA naissant. La venue de deux nouveaux chargés de projet et la nomination du nouvel élu pilote, la nécessité de reconstruire des liens interpersonnels traversant les multiples couches institutionnelles prend beaucoup de temps au détriment de la définition du projet et de la signature du contrat qui n’aura lieu qu’en 2006. A cette date, les relations semblent ressoudées. Cette situation permet aux agents de développement de peser à nouveau sur les orientations du Pays. Ils retrouvent leur capacité de régulation grâce au travail formel et informel collectif préparatoire.

Cette capacité collective leur permet de peser dans le choix des décideurs politiques. Par exemple, ils s’entendent pour proposer des noms d’élus qu’ils savent leurs alliés pour soutenir certains dossiers profitables au Pays …et à la pérennité de leurs emplois.

‘« R Alors une des stratégies des techniciens c’est de proposer des présidents de communauté de communes qui sont présidents de commissions. C’est-à-dire qu’ils sont obligés de se « sentir Pays » sur un sujet donné. Quand il faut défendre tel dossier et bien ils vont défendre un dossier du Pays. (.) Moi, je suis censée travailler pour le Pays, je vais faire en sorte de le construire. Mon élu commission du tourisme, quand il est un peu trop communauté de communes de la Côte roannaise, je vais essayer de lui apporter des arguments Pays. C’est mon travail. Ma collègue, c’est pareil, avec la communication. C’est une des stratégies qui permettent de dépasser la logique communautaire. Ça ne marche pas toujours. Ça ne marche pas toujours, ce n’est pas nous qui décidons »
Entretien n°27 du 19 juin 2006’

Dans l’animation territoriale du CDPRA du Beaujolais

Le Beaujolais n’échappe pas à cette logique de rotation des chargés de mission qui retarde l’avancée des programmes d’action. Toutefois, leur situation est différente. La particularité de l’animation technique du Pays Beaujolais à ses débuts est de fonctionner en dehors de l’intercommunalité par défaut de compétence technique. A l’exception de la communauté de communes de l’agglomération de Villefranche sur Saône et celle d’Amplepuis Thizy bien dotées en moyens humains et matériels, les EPCI ruraux balbutiants, n’embauchent pas d’agents de développement. En conséquence, dans les premières années, les chargés de mission du Pays doivent travailler seuls sous la supervision directe des élus Bruno CHARVET et Bernard PERRUT.

Si ce manque de personnel intercommunal peut être présenté comme un inconvénient par les animateurs du Pays, cette situation leur laisse une grande liberté d’action.

Avec les années, l’intercommunalité se structurant, SCOT et Pays sont réunis dans un local commun, l’effectif d’animation des dispositifs intégrés se développe.

Dans les services de la Région

D’une configuration territoriale à l’autre, l’animation locale des CDPRA prend des formes différentes auxquelles les directions régionales doivent s’adapter. Or, elles aussi et en particulier la Direction des Politiques Territoriales connaissent la rotation du personnel. Outre la démission du directeur des politiques territoriales déjà mentionnée, on observe que sur la durée d’un même contrat, le technicien régional référent quand il n’en accompagne pas plusieurs peut changer de service ou être affecté à l’accompagnement d’un autre contrat territorial. Cette situation ne favorise pas la connaissance fine du territoire, nécessaire à l’accompagnement des acteurs locaux.

‘« R C’est bien connaître les acteurs, le jeu des acteurs, avoir une bonne connaissance géographique du territoire, les modes de transport, en termes économiques aussi, savoir quels sont les principaux secteurs d’activité, les entreprises qui ont un rôle moteur sur le territoire. Connaître les indicateurs principaux, le taux de chômage. Les centres de formation. Mais dans ma réponse je voudrais apporter un second temps. Il y a l’information des acteurs, mais c’est beaucoup de l’instruction de dossiers. La Région, compte tenu du contexte budgétaire va devenir de plus en plus une collectivité gestionnaire. Donc je pense que l’on va avoir un rôle renforcé de suivi, c’est un rôle important mais qui s’éloigne un peu du développement. (.)
A la Région, on fait en partie de l’instruction des dossiers. En lien avec les instructeurs. C’est précieux. Après faire émerger les projets avec les problèmes évoqués. Nous on est la porte d’entrée de la Région auprès du territoire. On doit donc informer sur tous les dispositifs régionaux pour faire évoluer le territoire dans ce sens. Donc on a également un rôle d’accompagnement. On a aussi un rôle beaucoup plus en amont. J’ai le cas du haut Bugey qui est un territoire qui a du mal à démarrer. Il y a conflit entre les élus, il y a un positionnement politique fortement opposé à la Région. Un ensemble d’éléments de blocages qui font que le contrat n’a pas pu démarrer. On en est encore au stade de la charte de territoire. Un travail a été effectué avec le rapporteur. On a essayé de faire démarrer ce territoire. Par exemple on finance un diagnostic global du territoire pour définir quels sont les projets que l’on pourra accompagner. Et puis on essaie de créer une dynamique pour réunir les différents acteurs pour qu’ils portent ensemble de ce projet territoire. Il me semble que lorsque la Région conduit ses actions, elle porte, elle accompagne une dynamique territoriale.
Entretien n°42 du 6 août 2007’

Supporter les acteurs et les dispositifs suppose une permanence technique et une polyvalence que les techniciens régionaux ne peuvent assurer sans une réorganisation des services vers laquelle semble désormais se tourner la Direction des Politiques Territoriales. Nous aborderons ce point dans la troisième partie.

Mais nous pouvons d’ores et déjà préciser que cette évolution est une des raisons qui conduisent à réorienter les modalités de travail et l’action de l’ingénierie territoriale. Il convient d’examiner ces changements dans les lignes qui suivent.