C L’ingénierie territoriale et la mise en ordre de la société civile : la professionnalisation de la participation 

Le projet territorial donne lieu à un débat collectif pluraliste404. Il se construit par l’organisation d’espaces de discussion, de lieux de prises de paroles. Mais la concertation et la participation en tant que méthode coopérative de travail 405 vont bien au-delà du simple problème d’organisation de débats publics, de réunions, de travail collectif. Sa finalité est politique. Si l’on considère qu’« il n’y a de société politique que là où à la socialité, groupement instinctif né de la nécessité, se superpose une association que fondent la conscience de sa raison d’être et la représentation de son but »406, il faut analyser la concertation élargie, les diagnostics partagés et les chartes de Pays comme une série d’actes fondateurs d’une conscience politique. La communauté d’élus, de techniciens, d’associations, de membre de la société civile qui fait émerger le Pays devient une société politique qui fixe ses propres fins. Elle dessine un projet où les fins collectives priment les fins individuelles et se construisent les valeurs qui la fondent. Ainsi le territoire se réifie dans et par la dynamique de projet. L’ingénierie territoriale y apporte évidemment ses compétences. Elle aide la société civile à entrer de plein pied dans l’action collective. Cependant son ouverture à de nombreux entrants, qu’elle se nomme concertation ou participation, est une techniques de mise en ordre déjà utilisée dans les années 60 et 70407. Son impact sur la démocratisation de la gouvernance territoriale reste toujours aussi incertain.

Notes
404.

PINSON G. « Projets de villes et gouvernance urbaine. Pluralisation des espaces politiques et recomposition d’une capacité d’action collective dans les villes européennes », article cité.

405.

JAMBES JP et TIZON P. « Projets et territoires vers de nouveaux modes de gouvernement local ? », dans LE SAOUT R. (dir) L’intercommunalité. Logiques nationales et enjeux locaux, Rennes PUR, p 147-160.

Pour les deux auteurs, « les nouveaux dispositifs législatifs et les nouveaux espaces de programmation et de gestion doivent être conçus dans une logique de collaboration et d’ouverture, c’est inviter à mettre en œuvre dans les processus de constitution de ces nouvelles structure une pédagogie de la coopération. »

406.

BURDEAU G. L’État, Ed du Seuil, 1970, p 24.

407.

Des auteurs tels que WORMS J.P. « Le préfet et ses notables », article cité, THOENIG J.C., L’ère des technocrates, op.cit., et GREMION P. Le pouvoir périphérique, op.cit. ont abondamment décrit et analysé les tentatives de mobilisation des acteurs de l’administration locale et de la société civile en matière de gestion publique territoriale au début des années soixante.