Le surpeuplement et la professionnalisation du développement territorial ne garantissent pas sa démocratisation 

L’institutionnalisation de la participation de la société civile multiplie le nombre d’intervenants dans des réunions thématiques. Mais tous ne sont pas des acteurs égaux dans le processus qui n’engage pas une dynamique de partage du pouvoir. La participation telle qu’elle est se réalise dans les CLD « légitime la fonction des gouvernants dans la conduite des choix politiques qu’ils opèrent. Elle minimise sinon exclut, elle aussi, la négociation entre les intérêts hétérogènes à propos d’enjeux et de problèmes spécifiés » 419 .

Par le jeu de la coordination de l’action publique multi-niveau, les élus dominants et des agents de développement renforcent leur rôle d’intercesseur. Certains experts ou responsables d’institutions, d’entreprises ou d’associations locales sont écoutés, participent au dialogue nécessaire à la régulation pragmatique. Mais proximité, expertise et surpeuplement ne signifient pas démocratisation. C’est la réalité du partage du pouvoir, une large représentativité sociale, qui assurent l’égalisation des positions voire des légitimités dans le cadre de procédures et instruments co-construits qui en sont les garants.

Ce qui est à l’œuvre dans les dispositifs territoriaux est plus proche d’une concertation élargie, « point de passage entre la dimension autoréférentielle des acteurs et la recherche de buts communs »420. Elle consolide l’assise organisationnelle de la démocratie représentative. Mais consulter les intéressés ne signifie pas les associer de manière égalitaire à la négociation d’où sort la décision.

Au final, l’enrôlement de la société civile dans l’action publique territoriale ne satisfait pas aux exigences de « l’éthique de la discussion » dans la quelle pourrait se construire l’universalisation des intérêts particuliers. Elle correspond davantage à une forme de mobilisation au sein de laquelle chaque participant essaie de tirer avantage sans renouveler en profondeur les conditions de l’action publique. Certes, quelques membres volontaires et bénévoles du CLD croient en la valeur démocratique de la participation. Quelques élus aussi. Cette condition est nécessaire mais pour le moment insuffisante à l’émergence d’une démocratie participative en mesure de contrôler les dysfonctionnements de la démocratie représentative, et du rôle des notables en particulier.

‘« R Oui, c’est un acte militant, d’intérêt à ce que pourrait être un territoire. Je pense fondamentalement, que les élus ont tout intérêt à l’arrivée de ces pays. À ce que des liens s’établissent avec la population, et le travail qui est fait.
Q Pourquoi ?
R Regardez le résultat des élections. La désaffection des gens pour les élections. Les gens qui disent : politiques tous pourris. Les élus font très bien leur travail par ailleurs. Moi, j’aimerais revaloriser la vie politique. Ce n’est pas un contre-pouvoir que je veux. Le je est un peu exagéré. Je pense que l’on devrait participer aient été les élus à comprendre qu’ils sont responsables. Ils ont été élus pour le service de la population et il ne faut pas qu’ils oublient la population quand ils sont au pouvoir. Alors là, je parle des grands élus bien sûr. Je ne parle surtout pas des maires et des conseillers municipaux qui sont proches de leurs concitoyens dans leurs petites communes.
Q C’est intéressant cela. Vous ne vous considérez pas comme un contre-pouvoir, mais vous voulez rappeler à l’ordre les grands élus ?
R Oui, rappeler aux élus qu’ils sont véritablement au service de la population, qu’ils ne s’en coupent pas. Ils ont du travail, ils ont des dossiers, mais un élu aujourd’hui me semble-t-il, doit être proche des gens qu’il représente ».
Entretien n°27 du 19 juin 2006’

Elle est peut être une occasion manquée dans l’ouverture de la gouvernance territoriale. Elle peut venir en appoint de légitimation à la démocratie représentative, mais elle n’entrave pas le destin bureaucratique de l’ingénierie et du développement territorial.

Notes
419.

DURAN P., THOENIG J.C. article cité p 615.

420.

THUOT J.F. La fin de la représentation et les formes contemporaines de la démocratie, Éditions Nota bene, Montréal, p 181.