Les technologies de l’information accélèrent la diffusion des savoirs sur et pour le territoire

Avec la montée en puissance du réseau Internet et de l’administration en ligne, les portails institutionnels fleurissent. Pays, EPCI s’offrent une large visibilité en publiant leurs chartes, leurs délibérations et autres diagnostics territoriaux. Les organismes de formation, de conseils en ingénierie du développement territorial, mettent en ligne leurs rapports d’étude. La facilité d’accès aux savoirs dédiés à l’action est un point important qui doit être souligné dans ce processus de production diffusion.

La mise en ligne de l’information en démultiplie les usages pour les politiques, les agents de développement, les acteurs de la société civile intéressés aux politiques de développement territorial. La circulation de ces informations au sein d’un réseau acentrique facilite les rapprochements interinstitutionnels, la mutualisation des expériences simplement parce qu’on ne les ignore plus. Leur visibilité crée l’opportunité d’un échange d’expériences. Elle améliore la productivité de la recherche documentaire. En particulier, elle offre la possibilité de mutualiser et synthétiser l’information issue de multiples sources par rapport à un objectif donné.

Or la mutualisation et la synthèse d’informations destinées à l’action, établissent une continuité entre système technique et réalité sociale. Le réseau informatique fait de connexions/déconnexions en viendrait à se confondre avec le réseau social. Mais, diffuser un grand nombre d’informations sur le développement territorial, organiser leur interaction ne suffit pas à communiquer, à établir les conditions de la persuasion rationnelle nécessaire à la démocratisation de ce type d’action publique461. On observe au contraire que la propagation de rapports experts, diagnostics et autres chartes fixent progressivement les représentations et le discours sur le développement territorial repris et partagé par les chantres du développement territorial pour devenir un ensemble de lieux communs462. Il s’agit d’un ensemble de notions affirmées comme vraies qui fournissent une interprétation des faits pour orienter l’action publique. Cette doctrine vise à normaliser les représentations et à enrôler une multitude d’acteurs. Elle est un processus « d’enactment » 463 , c'est-à-dire, un processus de construction sociale, organisateur de l’action collective dans le sens où elle mêle action et activité cognitive, en cherchant à produire l’environnement auquel elle doit faire face464.

Autrement dit, la prospective vue comme « enactment » présente beaucoup de similitudes avec l’idéologie comme capacité mobilisatrice.

Le terme idéologie est peu utilisé dans l’analyse de l’action publique. Valeurs, idées, voire référentiels lui sont préférés. Pourtant la convocation de certaines visions du monde, de certaines notions telles que le pragmatisme, la proximité, la transversalité, le réseau souvent présentées comme une nécessité fonctionnelle, voire du bon sens œuvrent cependant pour certains acteurs au détriment des autres465. En d’autre termes la prospective ne se réduit pas à une technique ou à une méthode d’action, elle contribue aussi à normaliser les représentations que l’on retrouve dans la réalisation des projets de développement.

Notes
461.

WOLTON D « La communication, un enjeu scientifique et politique majeur du XXIe siècle », L'Année sociologique, Presses Universitaires de France, 2001/2 - Vol.51, p 309-326,.

462.

CAILLOSSE J. « Introduction sur quelques lieux communs de l’intercommunalité », J CAILLOSSE, Intercommunalités. Invariance et mutations du modèle communal français, Rennes, PUR, 1994, p 25.

463.

WEICK K.E. The social Psychology of organizing, 2nd Edition, Addison-Wesley 1979.

Enactment peut être traduit par mise en actes, institutionnalisation d’une idée, d’une représentation.

464.

C’est la critique que nous établissons en première partie sur la définition du périmètre du Pays qui s’invente une extériorité pour justifier sa propre existence.

465.

TEILLET Ph. « La dimension idéologique de la recomposition des territoires. Les cas du modèle angevin ». dans Sciences de la société n° 65, mai 2005, Presses universitaire du Mirail, p 69-85.