1 Les nouveaux instruments de contrôle 

De la logique de guichet à la logique d’audit.

Les règles d’actions et de contrôle budgétaire des premiers dispositifs de développement territorial, CGD et CDPRA laissent une grande marge de manœuvre aux élus et agents de développement pour une action peu soumise aux interventions des financeurs. La souplesse et les arrangements locaux sont déterminants dans la gestion des fonds.

Aujourd’hui, des programmes européens aux programmes infra régionaux, c’est le contrôle vertical des financeurs qui s’impose.

On est dans l’inversion de la logique de guichet qui permet aux élus multipositionnés de gérer les offres et demandes de fonds tout en défendant leurs territoires d’élection, parfois au détriment du renouvellement de l’action publique dans les territoires de projets484.

‘« R Depuis quelques années, il y a un rapprochement de ces structures, Europe, État, Région. De toute façon, le début de la fin, on ne s’en n’est pas rendu compte, c’est quand tous ces financements sont devenus des cofinancements. Et le Contrat de Plan devenait le cofinancement des fonds européens et les fonds européens cofinançaient le Contrat de Plan. Forcément, ce sont des gens qui étaient tellement habitués à travailler ensemble, à instruire les projets ensemble, ils ont diffusé leurs cultures auprès des autres. Forcément, les questions de gestion étaient identiques. Les règles de l’un s’appliquaient aux autres et inversement. Les règles supérieures ce sont celles de l’Europe, ce sont celles qui s’imposent depuis plus de dix ans. Donc la culture européenne du dossier, le montage hyper rigoureux a diffusé auprès de l’État et la Région. Elle a rencontré un état d’esprit plutôt orienté vers le contrôle et la formalisation. Cela a pris ce chemin là. Il y a 15 ans, ce n’était pas du tout cela. Si vous allez regarder les premiers Leader, ce n’était pas du tout cela. Cela se montait un peu n’importe comment. Mais il y avait une place pour l’initiative très importante. En tout cas de l’adaptation au fil de l’eau. Maintenant ce n’est plus du tout le cas. Quand on voit les pôles d’excellence rurale, c’est phénoménal. Ce sont des choses au millimètre près. (.)
On a beaucoup de mal à faire comprendre que cela tue l’initiative, soit des agents, soit des élus, soit des acteurs institutionnels locaux, soit de la population. N’importe quel porteur de projet local, une troupe de théâtre, un chef d’entreprise doit tout de suite comprendre que s’il ne dit pas le bon mot là où il faut, que s’il n’emploie pas cette procédure, cela ne passera pas. De toute façon, les mots on les mettra pour ne pas être embêté ensuite par la machine bureaucratique. »
Entretien n° 44 du 24 juin 2008
« R On est en train de basculer dans l’excès contraire qu’on avait avant. On avait une logique de guichet. Les élus locaux faisaient leur montage, les financeurs n’étaient pas très présents en termes d’ingénierie, de conseils. Dès lors que cela valorisait l’élu local c’était bien. Aujourd’hui on va vers un système où si on n’applique pas à la lettre ce que dit le financeur, on est retoqué. Ça va jusqu’à vouloir recruter les gens. Du coup on va vers un excès contraire. On va dans le même sens avec le Département, sur les syndicats mixtes de gestion de zones d’activité. Le Conseil général dit : j’apporte tant de sous donc je veux la présidence, je veux tant de délégués. On n’est plus dans un raisonnement entre collectivité où on définit les enjeux. Prenons l’exemple des zones d’activités. Le Conseil général intervient dans le financement des zones d’activité c’est parce qu’il estime qu’il y a un enjeu à l’échelle départementale. S’il met 40% du financement c’est qu’il estime qu’il y aura un retour financier pour le Département. Et à la limite, il n’a pas à dire je veux cela au prorata des sous que j’apporte. On est en train de financiariser le développement local. Comme dans le secteur privé où la finance a plus de poids que la décision locale.
(.). On financiarise le développement territorial avec des élus locaux déresponsabilisés qui deviennent des exécutants de politiques définies en dehors d’eux. Derrière, où se fait la prise de décision ? »
Entretien n° 48 du 19 décembre 2008’

Notes
484.

DOUILLET A.C. « Les élus ruraux face à la territorialisation de l’action publique », Revue française de science politique, vol 53, n°4, août 2003, p 583-606.