La hiérarchisation des relations institutionnelles.

En Rhône-Alpes, la déclinaison de ce processus se traduit par la mise en place d’un comité de sélection co-présidé par le Préfet de Région et l’exécutif régional. Il choisit les territoires candidats au Leader 2007-2013 sur la base de l’intégration des différents dispositifs territoriaux.

Le Pays Beaujolais accueille une procédure Leader+ qui concerne la partie Nord Ouest, essentiellement rurale, de son territoire dénommée « Beaujolais vert ». Elle regroupe la communauté de communes du Haut Beaujolais, la communauté de communes de la Haute vallée d’Azergues, la communauté de communes du Pays de Tarare, la communauté de communes du Pays d’Amplepuis de Thizy. Ce programme qui court de 2002 à 2008 pour une enveloppe de 1 882 000 euros a pour objet « l’utilisation des nouveaux savoir-faire et des nouvelles technologies pour rendre plus compétitifs les produits et services du territoire ».

Le même territoire se présente à l’appel à projet pour le programme Leader 2007-2013. Le comité de sélection régional retient sa candidature, lui alloue la somme de 1,6 million d’euros destinés aux actions de maîtrise de l’énergie et de développement de savoir faire relatifs à l’éco construction, au textile et à la filière bois. Le programme devra être mis en œuvre de mars 2009 à juillet 2014.

C’est la logique d’intégration et de concentration des dispositifs et des moyens alloués qui est le critère déterminant dans la sélection du projet.

‘« R Tout cela va dans le même sens, les projets se confortent les uns les autres. En ce qui concerne notre candidature Leader, on en avait déposé une, en février 2008. On nous a demandé de la retravailler en juin parce que justement on manquait de liens avec le Pays. Ils voulaient que le Pays porte cette procédure. Il y avait une co-sélection des territoires État, Région. Et la Région voulait que le Pays porte cette procédure, que cette procédure soit à l’échelle des PNR, CDPRA, PSADER, etc. »
Entretien n° 47 du 11 décembre 2008’

D’une part, les nouveaux CDDRA depuis juillet 2008, les Plans Stratégiques d’Aménagement et de Développement des Espaces Ruraux depuis 2006 et le programme LEADER 2008-2013 sont intégrés dans une structure unique, un syndicat mixte ouvert, alors que ces différents dispositifs étaient gérés sur la base de différentes conventions entre EPCI.

‘« R Dans le Beaujolais vert, depuis 2008 avec le Pays on a essayé de passer une convention pour créer un syndicat mixte qui existait déjà pour le SCOT qui était fermé. Mais il y a eu des nouveautés juridiques : le 4 août 2008 qui offre la possibilité de créer un syndicat mixte. Les services du préfet, c’est tout nouveau, tout chaud nous ont poussés à créer le syndicat mixte du Beaujolais auquel adhère le SCOT, toutes les procédures territoriales et éventuellement Leader.
(.) C’est un sacré bon en avant pour le Beaujolais. Parce que les conventions c’était lourd Dans le Beaujolais vert on est en convention à quatre. A chaque changement, il faut quatre délibérations. C’est très bien, cela pérennise le travail. Par exemple Leader, si on n’avait pas été retenu, tout disparaissait par ce qu’on était juste une association loi 1901, mais une coquille vide sans fond, il ne restait rien, que les statuts ».
Entretien n° 47 du 11 décembre 2008’

D’autre part, il est question de fusionner les CTEF au sein des nouveaux CDDRA et pour la Région, de co-embaucher leurs animateurs, de manière à réduire les dépenses et à mieux contrôler la mise en œuvre des programmes qu’elle cofinance.

‘« R Oui ça va bouger. Les politiques de formation à l’intérieur des contrats de développement vont se renforcer, les CTEF vont se fondre dans les CDDRA.
Q Cela signifie fusions des dispositifs techniques. Personnel maintenu, restriction du personnel, rationalisation des dépenses ?
R Cela serait souhaitable parce qu’il faut aller vers la rationalisation des dépenses, la mutualisation des moyens et gagner en efficacité. C’est ni de droite ni de gauche. C’est l’intérêt général.
Q Cela veut dire aussi que le personnel que l’on trouve dans les CDRA et les CTEF peut être réduit.
R Alors il y a une question sur ces techniciens, ces développeurs. Je vais faire plusieurs remarques. D’abord, ils sont partiellement payés par la Région. La délibération de juillet change un peu les choses, mais pas fondamentalement. La Région n’est pas recruteur. Ce sont les territoires qui recrutent. Et qui recrutent sur des profils de postes qui ne sont pas nécessairement ceux dont je dirais en tant que conseiller régional qu’ils sont les bons. J’ai vu très souvent des territoires recruter des collaborateurs au titre du CGD et du CDPRA des personnes qui en réalité étaient mises au service de l’intercommunalité. Ce qui est un détournement, pas d’argent, mais un détournement de la mission. Alors moi, je plaide pour que la région co-embauche. Que ces développeurs rendent des comptes à la Région, pas seulement au territoire, on apporte sur la table des sommes substantielles, grosso modo de 30 à 35 % des sommes dépensées sur le territoire. Deuxièmement, sur les profils de postes, je crois qu’il faudrait arriver à une sorte de tronc commun. Le développement économique, qu’est-ce qu’un développeur ? Il y a des formations qui se mettent en place par tout, l’ARADEL fait du boulot. D’autres organismes. Mais on a trop souvent vu glisser des gestionnaires administratifs des intercommunalités sur des fonctions de développeurs qui sont très différentes. Et c’est d’autant plus nécessaire, que ces développeurs ont parfois à se substituer à des agents de développement économique défaillants dans les institutions consulaires censées remplir ce rôle. Et qui sont totalement absentes dès que l’on sort de l’agglomération, ou de la ville centre quand il n’y a pas d’agglomération. Je constate dans le cadre du Roannais que l’équipe qui anime le Pays est plus nombreuse est mieux équipée que l’agglomération. Et j’aimerais bien en avoir autant, je sais ce que je leur ferais faire. (Rires)
Et il y a aussi une nécessaire mise en cohérence de ses équipes Pays avec les autres programmes. Les agglomérations pourraient se dessaisir parce qu’elles signent des contrats d’agglomération qui sont soit individuels soient emboîtés dans les Pays. Il y a un chargé de mission PSADER, un chargé de mission conseils locaux de développement, un chargé de mission économie… »
Entretien n° 46 du 18 septembre 2008’

Enfin, le regroupement d’intercommunalité et de concentration des moyens à leur niveau est également envisagé. Dans le Beaujolais, la carte intercommunale est l’objet de négociations qui redessineraient complètement l’architecture institutionnelle locale.

‘« R Il y a cet aspect. Mais surtout le regroupement des échelles territoriales. C’est demain. On entendait six EPCI au lieu de treize dans le Beaujolais. Maintenant c’est moins de six, voire un. On entend tout cela. Cela permet au territoire d’être force de proposition. Ce sont des choses qui courent. Le mois dernier, notre directeur nous a présenté la chose suivante : il n’y a plus de département du Rhône. Il y a Lyon et Saint Etienne qui fusionnent en super agglomération. Les petites communes deviennent des mairies annexes. »
Entretien n° 47 du 11 décembre 2008’

Dans le même temps, les règles de gestion sont unifiées. Leader se plie désormais au droit commun de la comptabilité publique, non sans difficultés.

‘« R Leader c’est une initiative communautaire au niveau de l’Europe. C’est une initiative de partenariats publics-privés au niveau de l’Europe. Cela a marché et ensuite cela a été intégré dans la PAC. C’était hors PAC au début. Il y a désormais des contraintes fortes. On fonctionne en dépense publique. Il faut 1 euro de dépense publique sur un projet pour déclencher 1,22 euro de Leader. C’est difficile parce qu’on est beaucoup plus dépendant des autres politiques publiques. A la fois sur le fond les programmes et sur la forme puisqu’on est dépendant d’un circuit d’instruction et de versement des fonds. On ne peut verser que lorsqu’ils ont versé. Comme au niveau de la Région, il faut un dépôt de dossier, un arrêté six mois plus tard. Pendant ce temps les porteurs de projet n’auront rien touché de Leader. Nous, ils nous apportent les factures, un mois plus tard, ils ont l’argent sur leur compte. Avec la Région, c’est plus long. Ils versent l’argent au bout de deux mois mais ils sont très longs à avoir l’arrêté effectif qui permet de déposer les demandes de paiement. S’il y a huit ou neuf mois avant de déposer l’arrêté effectif, vous voyez les difficultés de paiement. Et nous, on va être pris dans ces contraintes administratives. Tout est à mettre en place mais il faut limiter la casse.
Q L’idée c’est la difficulté de coordination de règles de gestion différentes.
R Tout à fait cela. Il faut mettre en place des systèmes de relations pour écourter les délais, sinon, il est impossible de fonctionner avec la Région. Pour la mise en place de Leader, on va avoir un travail de connaissance des services de la Région, la bonne personne à la bonne place. Monter les dossiers, avoir les assiettes, les mêmes taux, savoir ce qui est éligible, ce qui ne l’est pas. Je ne sais pas trop comment on va faire pour accélérer tout cela. »
Entretien n° 47 du 11 décembre 2008’

Dans la continuité de cette logique, la Région se conduit comme une agence de services et de contrôle des échelons territoriaux inférieurs. Aujourd’hui, l’engagement des fonds est soumis à un contrôle régulier notamment avec le suivi informatique de la gestion où chaque partie au contrat sait ce qu’elle a dépensé. Derrière la transparence, c’est le contrôle qui se renforce. Il faut respecter les lignes budgétaires de la Région. Ce qui gomme les innovations locales qui s’inscrivent difficilement dans des cadres comptables strictes. D’un côté, l’innovation est revendiquée, de l’autre elle est étouffée pat le filtrage lié aux règles de gestion.

Au niveau des services, la Région passe au crible de ses critères les programmes territoriaux qui, s’ils n’entrent pas dans les priorités et les lignes budgétaire sont rejetés.

‘« R Oui. Ce que je vous disais sur le contrôle au niveau de la Région c’est qu’eux, ils ont des référents dans les services de la Région qui verrouillent énormément les dossiers. Ils sont vraiment contraints. Ils montent les dossiers et ensuite il y a une co-validation, co-instruction par les services de la Région. Il y a parfois obstruction de la Région. Si elle dit : cela je ne prends pas, il y a blocage ».
Entretien n° 47 du 11 décembre 2008
« R C’est vrai, j’avais monté quatre ou cinq plans locaux de gestion de l’espace avec la Région. Chaque fois que des idées sortaient du territoire, ça passait dans le moule de la Région et on disait là il n’y a pas de ligne, il n’y a pas de ligne. Le mieux, c’est qu’on a eu une réunion de synthèse avec la chargée de mission de la Région. Elle nous dit : vos projets dans l’Isère, il n’y a rien d’innovant. Je lui dis vous avez passé à la moulinette de vos lignes budgétaires tout ce que nous avons proposé. C’est donc forcé qu’on soit dans vos lignes budgétaires. Des idées il y en avait ».
Entretien n° 48 du 19 décembre 2008’

La standardisation des contrôles de gestion issus du système PRESAGE490 se décline en cascade dans les différents systèmes d’information régionaux et territoriaux. Rhône-Alpes adopte un système d’information de manière à gérer toutes les procédures qu’elle conduit. A ce titre, les dispositifs territoriaux peuvent être directement gérés par la Région mais aussi tous les partenaires qui interviennent au sein des zones d’emplois qui restent le périmètre vers lequel tendent progressivement toutes les procédures partenariales.

‘« R Et puis enfin, je ne vous donne pas tous les détails, mais on est en train d’installer un logiciel de gestion non plus avec la clé, qui serait la clé financement économique, financement agricole etc. mais une clé avec entrée par territoire. Les 27. Nous sommes en train d’installer un logiciel avec une clé, 27 territoires. Bon pour l’instant, j’en ai un de territoire. Ça veut dire quoi ? Le matin, quand j’arrive, j’ouvre mon ordinateur, comme tout un chacun, je vais sur Outlook, je vais pouvoir ouvrir un écran de n’importe quel territoire. Qu’est ce que je vais voir sur cet écran ? Je clique Ardèche méridionale Je vais avoir les onglets de tous les contrats Ardèche méridionale avec la Région, que je vais pouvoir suivre, les acteurs de terrain y auront accès dans le cadre des CDRA à un Extranet qui leur permettra de suivre directement ce qui se passe sur les contrats. Cet extranet permet aux acteurs du territoire : 1, de lire où en est son contrat et 2, de saisir les opérations qui relèvent des contrats signés. Très concrètement là aussi, ça veut dire changement de paradigme. Le contrat est signé, le chargé de mission territorial dont je parlais tout à l’heure, dans les 200, il a son contrat, son travail c’est de finaliser les dossiers relatifs à chaque action du chaque contrat. Son dossier est finalisé, il en a parlé avec le chargé de mission de la Région, il saisit son opération sur la base Extranet. Le chargé de mission valide cette opération, la bascule pour préparer le rapport en commission permanente parce qu’on cumule les choses. La commission permanente vote. Ensuite, le même système est validé dans le système Finances, le logiciel Finances. Il est ensuite appliqué, mandaté jusqu’au payeur. On est dans un système totalement différent. Je reviens à ce que je disais déléguer, décentraliser.
Q On est dans une organisation en réseau au propre et au figuré.
R Moi je dis, c’est le grand médium régional. On souffre de l’absence d’un médium régional, le voilà. Je vais vous dire pourquoi. Toujours à mon écran, je vais avoir accès à toutes les bases de données socio économiques que j’ai sur le territoire, j’ai commandé des diagnostics à l’INSEE, ils sont pratiquement finis, j’ai le volet plus économique avec les C. C. I., on a un diagnostic en termes de formation, j’ai huit ou neuf diagnostics. La synthèse doit sortir un portrait en deux ou trois pages pour que les gens aient à la fois la capacité d’aller saisir la synthèse et d’aller dans un diagnostic plus détaillé si on le souhaite. Plus un SIG, c’est-à-dire un certain nombre de cartes auxquelles je pourrais accéder. Je suis toujours sur mon écran Ardèche méridionale. Et puis un troisième répertoire dans lequel j’ai une fonction de forum échange. Si mes huit animateurs me posent des questions il faut que je leur réponde en direct. Il y a des élus qui peuvent également me poser des questions. Si le président ou le vice président va en Ardèche méridionale, je suis capable de lui rédiger une note à distance et synchrone. Voilà ».
Entretien n° 26 du 14 juin 2006’

Avec ce système d’information en réseau, le contrôle gestionnaire de l’État et de Région est accru. Les données et représentations sur le territoire sont normalisées à dessein d’évaluation. Parler de réseau est plus dynamique, « fait plus moderne », mais la machine bureaucratique fonctionne à plein régime.

Dans la continuité de cette logique de recentralisation, l’ingénierie territoriale devient un outil de rationalisation de la dépense publique et de concentration des moyens.

Notes
490.

En mai 1998, le Gouvernement JOSPIN s'est fixé comme objectif pour la période de programmation 2000-2006 la mise en place d’un logiciel unique de suivi et de gestion, obligatoire pour tous les gestionnaires de Fonds structurels européens.

Il a déposé en 2000 un DOCUP intitulé "Programme National Informatique" (PNI), se présentant comme un programme d’assistance technique national, commun aux procédures communautaires, destiné à mettre en place un outil de gestion unique dans toutes les régions de France.

Approuvé par la Commission européenne le 22 mars 2001, le dispositif PRESAGE met à la disposition des 26 Régions françaises un dispositif de suivi, de gestion et d'évaluation des programmes communautaires liés au développement économique régional: Objectifs 1 et 2, INTERREG, LEADER+, URBAN et Instrument Financier d'Orientation de la Pêche (IFOP).

Sur le plan opérationnel, ce système de gestion de base de données permet le suivi et le contrôle de toutes les opérations à tous les stades, depuis le dépôt du dossier jusqu'à sa clôture. Il connecte tous les acteurs des programmes européens en France : Préfectures de Région chargées du pilotage des programmes, Conseils régionaux, Conseils généraux, services de l'État impliqués dans l'instruction, la gestion, le suivi et le contrôle des dossiers. La Commission Européenne pour la transmission d'informations, les ministères gestionnaires des Fonds et la DATAR qui consolident les données au niveau national, ainsi que différents autres services sont aussi connectées à ce réseau.

PRESAGE est accessible en temps réel à l’ensemble des partenaires dans un environnement sécurisé. Il est installé sur la plate-forme du Ministère de l’Intérieur qui regroupe l’ensemble des bases de données régionales et nationales.