L’avenir incertain des Pays profite aux EPCI

Les préconisations sur la taille des espaces, l’efficacité intercommunale, la lutte contre les doublons est le prélude à l’annonce des fusions d’intercommunalités préconisées par les rapports du sénateur LAMBERT de novembre 2007494 et du comité BALLADUR de mars 2009495. Il semble que le changement de donne politique, schématiquement pouvoirs nationaux à droite, pouvoirs locaux à gauche soit un accélérateur de la recomposition de l’architecture institutionnelle locale. Le Gouvernement pouvant toujours se défausser sur l’impéritie des collectivités territoriales de gauche.

Sur la mutualisation des services communaux et intercommunaux, le sénateur LAMBERT indique que «  la rationalisation de la carte intercommunale devra être achevée, sur décision des élus eux-mêmes, à l’invitation des préfets.

Les fusions de communautés de communes doivent être encouragées et la réduction drastique des syndicats opérée. La formule du syndicat mixte, associant plusieurs « niveaux » d’administration, parfois constitué sans être réellement indispensable, pourrait être limitée à quelques exceptions techniques, au profit de conventions opérationnelles. Si les Pays doivent rester un territoire cible des projets, ils n’ont pas vocation à devenir des structures de gestion ou des instruments de pouvoir ou de tutelle déguisée des régions et des départements ». 496

Autrement dit, l’élargissement des communautés de communes pose la question de l’existence de certains Pays trop étroits et qui mobilisent des moyens financiers qui pourraient être économisés par suppression pure et simple des syndicats mixtes superflus.

La proposition n° 6 du comité BALLADUR proscrit la création de nouveaux Pays : « ils ont été des structures de préfiguration des groupements de communes. Ils ont, pour l’essentiel, rempli leur office »497.

Alain MARLEIX, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales, saisi d’une question sur l’avenir des Pays lors de la séance de questions parlementaire du mardi 24 mars 2009 précise « qu’une évaluation permettra de distinguer les Pays qui ont une existence réelle de ceux dont les missions peuvent être satisfaites par un recours à des EPCI à fiscalité propre, ou par des conventions entre EPCI» 498 .

Finalement, si la loi naturelle institutionnelle mise en évidence par Catherine RIBOT, en vertu de laquelle à périmètre et compétences identiques, la formule de coopération la plus intégrée absorbe les établissements publics les moins institutionnalisés499, certains petits Pays pourraient être avalés par les EPCI à fiscalité propre.

La moindre présence des agents de développement dans les associations va dans le même sens. C’est un lien qui se distend avec l’environnement culturel et social, les initiatives de la société locale ne trouvent pas les relais nécessaires à leur intégration dans les projets. Les opportunités de transformation de la gestion publique territoriale sont réduites. En réalité, c’est le rôle de marginaux sécants joué par des agents de développement au sein de l’ingénierie territoriale qui est remis en cause.

Les agents de développement prennent conscience de cette évolution tant au niveau régional qu’au niveau national.

‘« R Il y a des logiques très administratives, la réduction des fonds publics, des services publics. Il y a des logiques de concentration des moyens. On voit bien qu’il n’y a plus cette culture depuis quatre ou cinq ans de dire : les agents de développement, il y en a partout, dans tous les types de structures. Là on voit bien que les agents de développement c’est centré sur l’intercommunalité, les Pays, les procédures bien marquées. Comme s’il y avait des catégories d’agents de développement. C’est porté par l’Europe, c’est porté par la DATAR, par certains services de l’État comme le Ministère de l’agriculture. Quand il se met à réfléchir sur ces problèmes-là, il est très proche de la DIACT et des services de Bruxelles. Et mine de rien, c’est développé par les agents de développement eux mêmes, par l’Unadel, ils ont intériorisé cela. Les agents de développement ont voulu créer des catégories, des espèces de castes. Nous, les agents de développement de l’intercommunalité, on est les meilleurs parce qu’on est polyvalent, qu’on est proche des élus, et les patrons du territoire, ce sont les élus. Et vous, agents de développement des associations, agents de développement des consulaires, vous êtes techniques, thématiques, et vous venez en appui de ce que nous on fait. Et puis du mépris pour les associations. »
Entretien n° 44 du 24 juin 2008’

Ils fourbissent leurs arguments pour peser sur les prochaines décisions en insistant sur l’économie engendrée par une ingénierie efficace. L’Association pour la Fondation des Pays dans les différents colloques qu’elle organise, par l’influence de son président, le Préfet LEURQUIN, ne manque pas de le signaler que « l’ingénierie est essentielle pour préparer et mener des projets de qualité, et elle conduit à des économies, en permettant d’éviter des investissements disproportionnés ou mal conduits. Il ne s’agit donc pas de dépenses supplémentaires, si l’ingénierie est conçue comme une composante de l’appui à telle ou telle thématique, et incluse dans le financement prévu. La crainte de générer des superstructures pourrait être maîtrisée par une aide conditionnée à une exigence de mutualisation sur le plan local entre les structures et les intercommunalités. Il nous revient au plus vite de préciser la notion d’ingénierie, qui va d’études préalables à l’évaluation en passant par la conduite de projets à la mise en réseau d’acteurs» 500 .

A delà des déclarations d’intention, se pose pour les agents de développement et les Pays, le dilemme de la mutualisation des savoir-faire avec les EPCI. Si les agents de développement partagent et mettent en commun leurs savoir-faire avec les communautés de communes rurales, ce qui serait facteur d’efficience de l’ingénierie, le Préfet dans un contexte de Révision Générale des Politiques Publiques et une logique de réduction de coûts de fonctionnement pourrait être tenté d’élargir les EPCI et in fine faire disparaître les petits Pays501.

Rapportée à la Région Rhône-Alpes, cette conséquence indirecte de la mutualisation du travail de l’ingénierie territoriale présente un certain nombre d’avantages. A l’instar de ce qui se présente dans le Beaujolais, les dispositifs se regroupent, les mailles territoriales peuvent s’élargir, la Région co-embauche les agents de développement, in fine elle pèse plus dans le processus de production d’action publique tout en optimisant son engagement financier.

Elle essaie de combler les insuffisances des services déconcentrés de l’État.

Notes
494.

Les relations entre l’État et les collectivités, Rapport du groupe de travail Présidé par Alain LAMBERT Novembre 2007, 42 p. Sur www.modernisation.gouv.fr

495.

Comité Pour La Réforme Des Collectivités Locales. Il est temps de décider. Rapport au Président de la République le 5 mars 2009, 174 p. Sur www.reformedescollectivteslocales.fr .

Dans la presse nationale :

GARAT J.B. De RAVINEL S. « Le comité Balladur dessine la France de 2014 », www.lefigaro.fr , édition du 26 septembre 2009.

PERRAULT G. « Un regroupement des régions à l’étude », www.lefigaro.fr , édition du 1er octobre 2008.

AUFFRAY A., GERAUD A. « Balladur prépare son big-bang. Les élus s’inquiètent des projets de réformes des collectivités territoriales » www.liberation.fr , édition du 12 décembre 2008.

Source AFP « Copé évoque la fusion entre les départements et la régions », www.liberation.fr , édition du 1er octobre 2008

VIGNAL F. « Comité Balladur. On ne peut pas exclure d’arrières pensées politiques », www.liberation.fr , édition du 26 février 2009.

496.

Les relations entre l’État et les collectivités, op.cit., p 8-9.

497.

Rapport BALLADUR. Il est temps de décider. Rapport au Président de la République, op.cit., p 122.

498.

Question n° 605, relative à l’avenir des pays posée par Marc JOULAUD, député UMP de la Sarthe à Monsieur Alain MARLEIX secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Première séance de questions orales sans débat du 24 mars 2009 sur www.assemblee-nationale.fr . Consulté le 25 août 2009.

499.

RIBOT C. « L’autonomie institutionnelle des EPCI » dans LE SAOUT R (dir). L’intercommunalité. Logiques nationales et enjeux locaux, Presses Universitaires de Rennes, p 29-54.

500.

Éditorial de la Lettre des Pays Mai/Juin 2006 sur www.pays.asso.fr . Consulté le 10 juin 2009.

501.

Journées APFP du 5/12/2006. Table ronde Arguments pour l’ingénierie, 17 p. sur www.pays.asso.fr . Consulté le 10 mars 2008.