Le passage de la première à la deuxième modernité a été riche en changements sociétaux. Tandis que l’individu s’affirme dans un premier puis un deuxième individualisme ( 1 ), la place et le rôle des institutions se délitent, pour ne laisser tendanciellement face à face que deux acteurs : l’individu et le marché. La place du travail dans la société et le rapport salarial s’en ressentent, qui, de fonctions centrales, constitutives de la personne humaine, et producteurs d’utopies au cours de la première modernité, se trouvent relégués aux fonctions d’éléments participatifs parmi d’autres de la construction personnelle lors de la seconde.
Le déclin des utopies modernes induit une transformation des formes de l’engagement collectif. Autrefois guides de l’action, les utopies modernes ne participent plus qu’à la marge à l’élaboration de l’agir collectif. Désormais ce dernier se construit dans un rapport pragmatique et quasi-immédiat entre le but à atteindre et l’action réalisée : cette dernière, qui peut tout à fait être de moindre importance, doit néanmoins fournir des résultats concrets visibles, dans un délai raisonnable, voire restreint. Au sein de l’agir collectif, l’individu ne s’exprime plus comme membre d’un groupe, mais comme élément autonome participant.
De toutes ces transformations, le monde associatif étudiant se fait dans un certain nombre de cas le précurseur, en même temps qu’il participe à celles-ci. Il s’inscrit en effet au croisement de plusieurs influences :
De l’ensemble de ces dynamiques, il ressort le rôle précurseur du monde associatif étudiant dans les modes d’implication des individus dans la société. Il y aurait ainsi une transitivité du message associatif étudiant qui, loin de rester cantonner au microcosme étudiant, se duplique pour réapparaître ultérieurement sur les engagements des individus dans le monde social. Tout au long des lignes qui vont suivrent, nous nous pencherons donc sur la participation de l’agir associatif étudiant aux transformations des modes d’implications des individus dans la société salariale, et plus particulièrement à son action d’innovation dans les évolutions des formes d’engagement des individus dans le monde social.
En effet, mon expérience du monde associatif étudiant m’a permis d’observer à plusieurs reprises combien une telle assertion s’avérait valide.
Ancien responsable associatif étudiant, je me suis plus particulièrement investi au sein des associations d’I.U.T. de Rhône-Alpes. J’ai successivement monté puis dirigé une association de filière (B.D.E.), puis l’Association Générale des I.U.T. de Lyon (fédération de 14 associations locales), puis la Fédération des Etudiants et Diplômés d’I.U.T. Région Rhône-Alpes (fédération de 46 associations). J’ai été ensuite employé comme stagiaire par la F.A.G.E., membre des personnels bénévoles de la F.A.G.E., et actuellement toujours membre de l’Association des Anciens et Amis de la F.A.G.E. J’ai enfin réalisé mon service national au sein de l’I.U.T. B, où j’ai pu m’investir en tant que salarié dans le développement de la vie associative étudiante du site.
Parallèlement à cet engagement de terrain, j’ai été élu au C.A. de Lyon I pendant deux ans, puis fus nommé en 1996 par le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, et sur proposition des organismes représentatifs étudiants, au poste d'expert, à la Commission Consultative Nationale I.U.T./I.U.P. J’ai, par la suite, eu l’heur de représenter la F.A.G.E. lors de l’élaboration de Contrat de Plan Etat-Région de 1999, puis d’être représentant des étudiants au sein du Conseil de développement de la COURLY ( 3 ) pendant deux années encore.
J’ai au final été actif dans le secteur associatif étudiant à des degrés divers entre 1992 et 2000, soit pendant plus de huit années. Aujourd’hui encore, il perdure de forts contacts personnels hérités de cette époque, un réseau d’anciens avec lequel il m’arrive toujours de me mobiliser intellectuellement sur les thématiques relevant du champ de l’Enseignement Supérieur et des associations étudiantes, de participer aux Congrès annuels de la F.A.G.E., sans pour autant que nous prenions part au développement des structures.
L’ensemble de mes pratiques, celles de mes équipes comme celles des bénévoles associatifs étudiants que j’ai côtoyés, m’ont permis de me rendre compte que dans un certain nombre de cas, les associations étudiantes précédaient dans leurs pratiques les évolutions des formes d’engagements des individus et certaines transformations sociales. Ainsi, des modes d’actions collectives, des projets visibles en un lieu et un temps donné sur le milieu étudiant se trouvaient être réappropriés par des associations du monde social quelques années plus tard. L’agir associatif étudiant disposait donc de toute évidence d’une capacité transitive en direction du monde social qu’il s’avérait pour moi primordial d’explorer et de définir clairement.
La variété des fonctions que j’ai occupées rendait alors possible d'observer l’impact du mouvement associatif étudiant à la fois dans un cadre personnel de militant associatif, mais aussi sous un angle plus globalisé de représentant institutionnel étudiant, à l'échelle locale et nationale. En même temps, de part mon cursus universitaire personnel, ce double regard pouvait alors être croisé avec celui du chercheur et du sociologue.
Je me suis ainsi dans un premier temps intéressé au rôle et la place des associations étudiantes dans le développement local lors de précédentes recherches ( 4 ). Fort des résultats positifs obtenus, il m’est apparu nécessaire de poursuivre plus avant la réflexion et de poser la question du rôle tenu par les associations étudiantes dans les transformations des modes d’engagements des individus dans le monde social, afin d’interroger enfin scientifiquement cette dimension préfigurative que je pressentais de part mon vécu.
Cette volonté m’a amené à me plonger tout d’abord dans la littérature, afin de tenter de corroborer cette intuition avec d’autres analyses. Outre la multiplication de faits similaires sur l’ensemble de la période allant de 1907 (naissance de l’U.N.E.F.) à nos jours, cette recherche m’a amené à me rendre compte que cette observation avait été réalisée selon un biais parallèle notamment par Marcuse et Touraine au cours des années soixante-dix.
Ainsi, pour Marcuse, le groupe étudiant constitue à l’époque l’un des éléments principaux de contestation sociale et de transformation culturelle. Dès lors, pour Marcuse, concernant les évènements de 68, « … les étudiants et non les ouvriers … sont à l’origine de cette action commune » ( 5 ). Le monde étudiant est l’un des catalyseurs de la radicalisation de la classe ouvrière, classe qui constitue la base humaine du processus de production. Il ne peut être une force révolutionnaire ni même sans doute une avant-garde, tant qu’il sera obligé de compter sur la mobilisation de masses désireuses de le suivre. Mais il est clairement l’expression d’une envie et d’une volonté d’alternative. Il exprime celle-ci dans sa capacité à critiquer le réel et le système répressif omniprésent, en inventant et en lui opposant une nouvelle esthétique. Il fait alors se rejoindre sensible et contestation, pathos et rationalité politique, par le biais de l’imagination.
Dans la perspective marcusienne, les conflits de classes ne sont pas effacés mais dépassés, et c’est en cela que le groupe étudiant peut y jouer un rôle fortement dynamique. La libération de l’individu, processus dans lequel les étudiants jouent un rôle moteur, dépasse la transformation du système productif pour s’investir dans la solidarité mondiale de l’espèce humaine. La forme nouvelle de contestation dans laquelle s’investissent les étudiants signe l’émergence d’une nouvelle praxis sociale fondée sur des manifestations, affrontements multiples, devant à terme ouvrir à la libération de l’individu. Ils inscrivent leur action dans une lutte contre la forme même de la société, pas tant sur son contenu, mais dans une révolte instinctuelle dont les minorités actives sont les avant-gardes. Cette rébellion est avant tout morale. Elle se construit dans l’émergence de multiples micro-révolutions de situations, plus qu’une révolution de transformation sociale stratégiquement et théoriquement fondée. Historiquement datée, cette analyse du positionnement des étudiants comme avant-garde des transformations sociales mérite d’être aujourd’hui réinterrogée.
Pour Touraine aussi et à la même époque, les étudiants sont une des composantes sociales les plus disposées à l’action de la révolte culturelle. Non pas en tant que catégorie professionnelle, mais en tant que milieu proche des centres de décisions et en même temps suffisamment éloignés de ces derniers pour ressentir les tensions sociales émergentes et le cas échéant les amplifier. A ce titre, si « les étudiants …. ne peuvent à eux seuls constituer une force d’opposition sociale et politique suffisante, …, [ils] anticipent [en revanche] les luttes sociales futures, et les préparent, en recherchant une difficile jonction avec les catégories sociales qui subissent les contraintes sociales les plus
lourdes … » ( 6 ).
Bien qu’écrite à la suite des mouvements étudiants de 1968, il est possible de penser la pertinence de l’actualité d’une telle analyse : la conjugaison des derniers mouvements sociaux, crises des banlieues et C.P.E., a ainsi mis en exergue une recherche inaboutie de conjonction des problématiques vécues entre univers étudiant et banlieues. Si les étudiants d’aujourd’hui ne sont pas à eux seuls l’avant-garde et le porte-parole révolutionnaire des éléments les plus opprimés de la société, il peut être raisonnable de penser qu’ils restent l’un des éléments les plus à même de faire se révéler et s’exprimer certaines revendications sociales et culturelles, et dès lors participer comme fer de lance aux transformations des modes d’engagements des individus dans le monde social.
Néanmoins, ces deux analyses portent sur le groupe étudiant dans son ensemble, et ne spécifient pas clairement le rôle joué par les associations étudiantes, structures formalisées des engagements étudiants.
En outre, ces quarante dernières années ont été marquées par des changements sociétaux forts, aux conséquences parfois violentes. Elles ont vu la montée du libéralisme, comme outil de régulation national, en même temps que l'affirmation de la prédominance de ce modèle au niveau international. L'un des corollaires institutionnels fut notamment le recul progressif de l'Etat-Providence. Ces quarante dernières années ont aussi été marquées par l’affirmation du second individualisme au détriment du collectif et de l’institution, ainsi que la fin des grands idéaux. Enfin, cette période aura eu à vivre une révolution technologique avec la naissance des technologies de l'information. Ce bouleversement a ainsi remplacé dans l'ordre des priorités production matérielle par production intellectuelle, et mis au premier rang des besoins à satisfaire et des consommations, l'information, le savoir, l'image. Cette évolution se sera enfin accompagnée d'une déstabilisation de la valeur travail et de celle de savoir-faire.
Ces transformations n'auront pas été sans influence sur le monde universitaire, ni dans l’ensemble du monde social. Elles ont à ce titre impacté sans conteste les modalités d'engagements collectifs des étudiants.
Il s’avère donc nécessaire de réinterroger les analyses portées antérieurement afin d’observer la pertinence de leur actualité. Il s’avère en outre nécessaire de définir plus précisément le rôle joué tout au long de cette histoire et de notre actualité par le fait associatif étudiant.
C'est donc la participation du mouvement associatif étudiant aux transformations des modes d’engagements des individus dans le monde social que nous étudierons lors de cette recherche. Pour précis qu’il puisse peut être apparaître, ce point mérite selon nous d’être abordé, en ce sens qu’il découle de son traitement une ouverture sur la place du mouvement associatif étudiant dans les transformations sociales. Si ce sujet ne sera pas celui de cette recherche, il en ouvre en revanche la voie. A ce titre, nous nous intéresserons aux deux facettes de cette participation, c’est-à-dire à la dimension d’acteur élément des transformations des formes de l’engagement des individus dans le collectif, ainsi qu’à l’observation des situations d’innovation sociale en général, le secteur associatif étudiant se faisant préfiguratif d’évolutions et/ou de perspectives visibles ultérieurement dans l’ensemble du monde social.
Cette recherche nous permettra dans le même temps de réinterroger les divergences et les liens, les ponts qui relient et séparent les principaux acteurs de représentation du social que sont les associations, les syndicats et les partis politiques. Ces rapports ont évolué au cours des transformations de la société salariale, le rôle de moteur dans les transformations sociales se transmettant au fil des périodes. Ce travail abordera ce vaste thème dans le cadre du milieu étudiant.
Afin de pouvoir affirmer la véracité de notre hypothèse, il convient tout d’abord de la vérifier préalablement historiquement. En nous basant sur la période allant de 1907 à 1980, nous tenterons de faire émerger les évènements, faits qui permettent de penser à l’antériorité de ce rôle atypique et inexploré qu’incarne le mouvement associatif étudiant. Comment le monde associatif étudiant a-t-il participé aux évolutions des formes de l’engagement collectif au cours de cette période ? Comment a-t-il participé aux évolutions sociales ?
Au cours d’une première partie, nous nous intéresserons donc tant aux individus, aux associations de terrain qu’aux organisations nationales qui ont animé et/ou fédéré le monde associatif étudiant au cours de cette période, et plus particulièrement à l’U.N.E.F. Cette structure atypique, comme nous pourrons l’observer, répond de deux modèles organisationnels différents, le syndicat et l’association. Elle ne sera jamais ni totalement l’un, ni totalement l’autre, même lors de ses périodes les plus éclatantes. Elle emprunte aux deux modèles des postures, des façons d’agirs, créant en cela une structure et une forme d’engagement collectif originale. Afin d’apprécier ses aspects participatifs et éventuelles formes préfiguratives sur les modes d’implication des individus dans la société, nous comparerons donc son action avec celle de structures issues de ces deux modes différents d’engagement. L’objectif est bien moins de brouiller la compréhension que d’affirmer les caractères participatifs et innovants des organisations associatives étudiantes dans les transformations des modes d’engagement des individus dans le monde social.
Partie I – Le mouvement associatif étudiant, acteur et précurseur des modes d’implications des individus dans la société au cours de la « première modernité ».
Chapitre I-A) De l’unité à la dislocation.
Au cours de cette partie, j’observerai les raisons et les faits qui permettent de penser que le mouvement associatif étudiant, au cours d’une histoire allant de 1907 à 1965, a joué un rôle à la fois participatif et par moment préfiguratif des modes d’implication des individus dans le collectif. Existe-t-il au cours de cette période des modalités d’action collective du mouvement associatif étudiant qui participent du monde social à l’œuvre ? Existe-t-il surtout des formes d’agirs du monde associatif étudiant qui préfigurent de nouvelles façons de vivre l’engagement collectif ? Si oui, quelles sont-elles ? Quelles sont au cours de cette période les similitudes, différences qu’il est possible d’observer entre monde associatif étudiant et monde social ? Que veulent-elles dire ?
Chapitre I-B) La difficile transition de la première à la seconde modernité
Compte tenu des avancées obtenues lors du chapitre précédent, j’hypothèse que ce modèle de participation/précursion du monde associatif étudiant s’est poursuivi au cours de cette nouvelle période. Je tenterai alors d’en découvrir les formes réactualisées. Au cours de ce second chapitre, je m’intéresserai plus particulièrement à la période allant de 1965 à 1980. Cette période, très floue pour le monde associatif étudiant, se caractérise par la confrontation de deux modes d’agirs collectifs, chacun d’eux se rapprochant d’un modèle sociétal. Là encore, je compte montrer que le monde associatif étudiant se fait tantôt acteur, tantôt précurseur des formes d’engagement collectif des individus. Mais surtout, que signifie cette divergence dans les formes de l’action collective des engagements étudiants ? Peuvent-elles être mises en relation avec des agirs collectifs d’individus qui se donneraient à voir dans l’ensemble du monde social de cette époque ? Sous quelles conditions ? Quelles modalités prend alors la transitivité du message associatif étudiant ?
Chapitre I-C) La naissance d’une nouvelle forme de construction collective.
La validité des hypothèses étant faite sur la partie historique, il convient d’observer la réalité du phénomène sur notre actualité. Pour se faire, je m’intéresserai préalablement ici aux modalités de transformations du monde associatif étudiant au cours de la période allant de 1980 jusqu’à 1997, date de notre enquête. Au cours de cette période charnière, les formes d’engagement collectif se transforment en profondeur. J’observerai notamment la naissance de la F.A.G.E. ( 7 ), de P.D.E. ( 8 ) et d’AnimaFac, ainsi que l’affirmation d’une multitude d’associations étudiantes sur le local. Comment se construit aujourd’hui l’engagement associatif étudiant ? Quelles formes prennent les agirs collectifs dans ce milieu, notamment de manière globale ? Quelles relations se tisse-t-il entre associations locales et structures nationales ? Existe-t-il des similitudes/divergences avec les formes de l’engagement collectif des individus dans le monde social en général ? En quoi peut-on dire que le mouvement associatif étudiant d’aujourd’hui se fait participatif des formes de l’engagement collectif des individus sur le monde social ? En quoi peut-on éventuellement dire qu’il en est préfiguratif, qu’il existe une transitivité du message associatif étudiant ? Sur quels critères ? Quels domaines ?
Fort de la réponse à toutes ces questions, nous nous intéresserons alors dans une deuxième partie à l’actualité concrète du mouvement associatif étudiant. Par une analyse des modalités concrètes de l’action de terrain des associations étudiantes, par le biais de nos différentes enquêtes mais aussi par celui d’interviews, d’analyses de journaux étudiants, nous tenterons alors d’observer de manière plus précise l’actualité de notre question centrale, la participation du mouvement associatif étudiant aux transformations des formes d’engagement des individus dans le monde social, et d’explorer ainsi les transmissions possibles du message de l’agir associatif étudiant au cours des années à venir.
Partie II – La participation actuelle du mouvement associatif étudiant aux transformations des modes d’engagements des individus dans le monde social.
Au cours de cette partie, nous nous intéresserons plus particulièrement aux modes actuels de fonctionnement des associations étudiantes. Nous savons, compte tenu de ce que nous avons déjà démontré, que le monde associatif étudiant a été par le passé à la fois acteur et par instant précurseur des évolutions des modes d’implication des individus dans le social. Nous nous intéresserons au cours de cette partie à la validité de cette hypothèse dans notre actualité. Les ressources utilisées datent de la période 1996-1997. Elles sont donc datées et valables jusqu’à cette période.
Chapitre II-A) Les associations avec leur environnement.
Nous étudierons tout d’abord dans une première section (II-A-1) les transformations des modes de relations du secteur associatif étudiant avec leur environnement. Nous observerons ainsi les évolutions et les aspects préfiguratifs des relations des associations étudiantes avec leur environnement économique. Quels sont les modèles d’organisations économiques mis en œuvre par le mouvement associatif étudiant ? Comment ce dernier interagit-il avec les nouvelles attentes de ses partenaires privés et publics ? Quels sont les impacts de l’activité économique des associations étudiantes ? Quelles sont sur ces points les similitudes/divergences avec les autres organisations du monde social ?
Nous nous intéresserons dans un deuxième temps (II-A-2) aux formes nouvelles des rapports entre associations étudiantes et institutions. Quelle place prend aujourd’hui le secteur associatif étudiant dans ce rapport dialectique ? Comment participent les associations étudiantes aux transformations du rapport entre individus et institutions ? Quelles formes prennent désormais les services aux personnes que réalisent au quotidien ces associations ? Quelles sont les similitudes/divergences observables sur ces points entre secteur associatif étudiant et monde social ?
Nous nous intéresserons en outre aux formes de relation qu’entretiennent aujourd’hui les associations étudiantes avec les autres acteurs du monde social (II-A-3). Comment se construisent les relations à l’intérieur de ce réseau ? A l’extérieur ? Quelles sont les similitudes/divergences avec les autres types d’organisations du monde social ?
Enfin, nous observerons les manières dont le monde associatif étudiant établit sa communication interne comme externe (II-A-4). Quel rapport entretient-il avec les technologies de la communication ? Avec les médias ? Ses méthodes diffèrent-elles de celles mises en œuvre par les autres organisations du monde social ?
Chapitre II-B) Nouvelles configurations du réseau associatif étudiant
Au cours de ce deuxième chapitre de notre deuxième partie, nous nous concentrerons sur les transformations des modalités de fonctionnement interne de l’agir des associations étudiantes. Nous observerons notamment dans une première section comment se reconfigurent les rapports internes dans les associations (II-B-1). Les identités individuelles disposent-elles du même poids que lors de la première modernité ? Les formalismes sont-ils toujours aussi présents ? Quelle part prend désormais l’individu et la vie privée de ce dernier dans les modalités de l’engagement actuel de l’individu bénévole dans le monde associatif étudiant ? Observe-t-on des similitudes/divergences avec la place actuelle de l’individu dans les autres organisations du monde social ?
Dans un second temps, nous explorerons la nouvelle configuration du rapport entre le local et le national dans le secteur associatif étudiant (II-B-2). Quelle forme de structuration se donne ce dernier ? Quelle place l’individu prend-il dans celle-ci ? Existe-t-il ici aussi des similitudes ou des divergences avec les fonctionnements dans d’autres espaces du monde social ?
Nous nous interrogerons enfin sur la place du politique dans les nouvelles modélisations de l’agir associatif étudiant (II-B-3). Comment se construit aujourd’hui la participation politique des associations étudiantes ? De quelle place dispose la représentation dans celle-ci ? Quelle forme prend-elle ? Quelles sont les similitudes/divergences observables en regard des autres modèles d’organisations visibles dans le monde social ?
Chapitre II-C) La participation du mouvement associatif étudiant aux transformations du « sujet ».
Dans ce troisième chapitre de notre deuxième partie, nous nous intéresserons à la participation des associations étudiantes aux transformations du « sujet » au sens tourainien du terme. A ce titre, nous tenterons tout d’abord de comprendre comment se construit aujourd’hui au sein de ces dernières le rapport entre passion et raison (II-C-1). Comment se construit la relation entre engagement associatif et construction personnelle de l’individu ? Quelle place prend la dimension « plaisir » dans les nouveaux engagements étudiants ? Des similitudes/divergences sont-elles observables en regard des autres organisations du monde social ?
Nous interrogerons ensuite la participation du mouvement associatif étudiant à la construction de droits nouveaux pour l’individu (II-C-2). L’agir associatif participe-t-il à l’émergence de droits financiers nouveaux pour les étudiants et les individus ? De droits sociaux nouveaux ? Quels éléments de comparaison est-il possible de mettre en évidence sur ces points en regard des autres organisations du monde social ?
Enfin, nous tenterons d’explorer la participation du mouvement associatif étudiant à la construction du Sujet (II-C-3). Ces organisations permettent-elles de faire émerger un individu plus responsable professionnellement ? Socialement ? L’agir associatif étudiant dispose-t-il d’un impact sur la citoyenneté des bénévoles qui l’anime ? Comment s’agence l’action du monde associatif étudiant en regard des autres organisations du monde social ?
L’ensemble de ces questions, et les réponses que nous pourrons y apporter grâce aux matériaux de cette recherche nous permettra alors d’apporter réponse à la question de la participation du monde associatif étudiant aux transformations des formes d’engagement collectif des individus dans le monde social et à son caractère préfiguratif.
( ) On distingue, pour reprendre une dichotomie proposée par Marcel Gauchet, deux individualismes. Le premier, né avec la modernité, consacre la primauté des devoirs que va s’imposer chaque individu, ces derniers ressortant en dernière instance, des droits de l’individu. Il est aussi celui du déclin des obligations fixées par le groupe à l’individu. Le second individualisme ne prendra son essor qu’avec l’expansion de la société de consommation. GAUCHET Marcel, La démocratie contre elle-même, Gallimard, 2004.
( ) Marcuse montre notamment dans « L’homme unidimensionnel » comment la société de consommation a transformé la classe ouvrière, et de ce fait ses potentialités d’action et de transformation sociale. Par la montée de la publicité, du marketing, les ouvriers sont incités à s’individualiser les uns les autres ; ils perdent alors leur puissance revendicative et de ce fait leur faculté à transformer le monde en leur faveur. Il conclue sur l’émergence d’un nouveau fer de lance de la transformation sociale, constitué « des parias et des outsiders, les autres races, les autres couleurs, les classes exploitées, les chômeurs et ceux que l’on ne peut pas employer » et lance un appel à une rencontre entre « la conscience humaine la plus évoluée et la force humaine la plus exploitée » pour une réécriture de la société. MARCUSE Herber, l’Homme Unidimensionnel, Editions Point, 1970, p 311 et 312. Si le groupe étudiant n’est pas explicitement cité ici, il apparaît cependant en filigrane. Marcuse explicite du reste plus clairement son propos dans « Vers la Libération », en montrant que les travailleurs, attirés par le mirage de salaires toujours plus élevés, perdent leur potentialité d’être acteur du changement social. L’opposition dynamique se trouve alors être incarnée par d’autres acteurs, notamment les groupes ethniques et les étudiants. MARCUSE Herbert, Vers la libération, Editions de Minuit, 1969.
( ) Communauté Urbaine de Lyon.
( ) LICHET Thierry, Du mouvement associatif étudiant comme acteur du développement local, Mémoire de D.E.S.S. de S.A.D.L., Université Catholique d'Angers, 1997, et mémoire de D.E.A. de sociologie, Université de Nantes, 1998. IVème prix du concours 1998 de l’Observatoire de la Vie Etudiante.
( ) MARCUSE Herbert, Vers la libération, Editions de Minuit 1969, p 81.
( ) TOURAINE Alain, Le mouvement de mai ou le communisme utopique, 1972, p 276.
( ) Fédération des Associations Générales Etudiantes.
( ) Promotion et Défense des Etudiants.