Eléments de synthèse :

Dans le cadre de la société salariale, le monde étudiant aura pris peu à peu son essor, s’appuyant sur les évolutions sociétales dont il se fait au fil du temps un élément de plus en plus participatif. A la suite du mouvement ouvrier, les étudiants créent dès la fin du XIXème siècle leurs premières organisations associatives, les Associations Générales Etudiantes, regroupement local des étudiants sous une forme associative. Celles-ci sont à leur début davantage des clubs de bon ton, pour une population étudiante peu nombreuse et plutôt aisée. Elles s’inspirent dans leur fonctionnement des philosophies et utopies sociales de l’époque, se contentant le plus souvent d’en être un élément participatif. Les actions réalisées se concentrent principalement autour du folklore étudiant et la participation aux grands moments de la Nation. Si elles ne s’insèrent pas dans le rapport au travail, pas plus que sur le rapport au politique, les organisations étudiantes de l’époque reproduisent cependant peu ou prou les formes de l’agir collectif visible par ailleurs sur l’ensemble du monde social de son temps.

Néanmoins, cette époque est aussi celle de l’émergence de la figure de l’intellectuel engagé notamment dans la population étudiante, avec les premières manifestations d’étudiants en faveur de Dreyfus. Si le monde associatif étudiant ne dispose pas de la paternité d’une telle posture, son implication dans ce débat conduira à l’expansion de ce modèle. Les premières revendications étudiantes se font jour quelques années plus tard pour une gratuité des cours, et ouvrent les premières pistes de la démocratisation de l’Enseignement Supérieur.

A l’instar des autres organisations collectives représentatives de cette période, les A.G.E. se structurent rapidement nationalement, et donnent naissance en 1907 à une structure fédérative, l’Union Nationale des Etudiants de France (U.N.E.F.). Cette organisation se crée cependant sous un statut associatif, à l’écart du syndicalisme, en même temps qu’en retrait de toute perspective et discussion politique. Ce réseau adopte au cours de cette période une forme relativement similaire aux autres organisations intermédiaires de son temps, et épouse les formes pyramidales institutionnelles de l’Etat.

L’U.N.E.F. se présente comme une organisation aux liens assez lâches, qui s’organise autour d’une condition professionnelle particulière, dans le droit fil de la société salariale. Cependant, son positionnement à la fois chahuteur, sa logique solidariste et son refus de toute prise de position politique ainsi que religieuse la place dans un positionnement assez original pour une organisation qui se donne vocation de représenter une part de la population. Elle vit alors la phase folklorique de son existence.

La première guerre mondiale, avec son coût social important, fait rentrer de plain-pied les associations étudiantes dans l’action d’entraide sociale. L’U.N.E.F. démarre alors sa seconde période, la période corporatiste. Ses projets la rapprochent des organisations de secours mutuels de son époque. Les A.G.E. développent des restaurants universitaires, des bibliothèques, fondent l’O.T.U., … conduisant à une reconnaissance d’utilité publique de l’U.N.E.F. en 1929. Bousculant le consensus social à l’œuvre, l’ensemble de ces innovations sociales transforme la place du monde associatif étudiant dans la société, qui devient peu à peu vecteur d’initiatives préfiguratives des transformations des modes d’engagement des individus dans le monde social.

L’U.N.E.F. se renforce considérablement au cours de cette période, par la réalisation de projets d’ampleur pour les étudiants. Elle se bureaucratise afin d’adopter un fonctionnement plus institutionnel, et ouvre aux premières évolutions du droit en faveur des étudiants : œuvres sociales, médecine préventive universitaire, Office du Sport Universitaire. Ces évolutions seront le plus souvent en avance d’une dizaine d’années sur le fonctionnement de l’Etat et sur les projets développés par les organisations adultes du tiers-secteur. L’institutionnalisation des pratiques associatives étudiantes par l’Etat impactera par ricochet les formes de l’engagement collectif des individus dans le monde social. Le secteur associatif étudiant servira alors de source d’inspiration à d’autres groupes sociaux, donnant à voir dès cette époque la capacité transitive des modes d’agirs du secteur associatif étudiant.

Si le patriotisme et le paternalisme restent de mise, le mouvement associatif étudiant contribue cependant dans le même temps à l’affirmation des premières lignes du second individualisme. Accentuation de la place du corps, ouverture en direction d’une place nouvelle de la femme dans la société, recherche inattendue d’authenticité, le mouvement associatif étudiant se fait dès l’entre-deux-guerres à la source de l’innovation sociale. Les formes de l’engagement des individus dans le monde associatif étudiant reproduisent dans les grandes lignes celles en vigueur au sein des autres organisations syndicales de son époque. Elle les devance cependant dans un certain nombre de cas sur des réalisations concrètes.

La confrontation avec les premières difficultés d’insertion professionnelle des étudiants au cours de l’entre-deux-guerres conduit le mouvement associatif étudiant à s’interroger sur le rapport salarial. Les premières actions et mouvements étudiants de défense des intérêts étudiants se font jour, le réseau associatif étudiant s’émancipant peu à peu de la tutelle étatique. Des bureaux de placements voient le jour, sous l’égide des associations étudiantes. Ces difficultés contribuent alors à générer au sein du réseau associatif étudiant un ensemble d’interrogations sur la pertinence d’une transformation de son positionnement, en direction d’un modèle plus syndical, un syndicalisme d’action directe avant l’heure.

Les étudiants s’ouvrent ainsi à leur environnement extérieur, la politisation progressive de l’organisation conduisant cependant aux premières scissions de l’U.N.E.F. Si celles-ci ne perdurent pas et ne trouvent pas forme institutionnalisée, elles n’en retraduisent pas moins à la fois l’émergence d’une affirmation des divergences, en même temps que l’insertion progressive du mouvement associatif étudiant dans le champ du politique. La seconde guerre mondiale viendra donner un coup d’arrêt brutal à cette évolution de positionnement.

Insignifiante tout au long du conflit, l’U.N.E.F. se voit énergiquement reprise en main par quelques anciens étudiants résistants dès 1945. La transformation de l’organisation en un mouvement syndical revendicatif s’impose dans la foulée, avec comme ambition d’être à la fois le centre de la vie étudiante et un organisme de gestion et d’entraide au bénéfice des étudiants. Le modèle qui se dessine ne fait référence à aucune structure existante. Le mouvement associatif étudiant, avec à sa tête l’U.N.E.F. entre alors dans sa troisième période de vie, la phase syndicale.

La formalisation de cette transformation se concrétise notamment dans l’écriture de la Charte de Grenoble qui, s’inspirant de la Charte d’Amiens du mouvement ouvrier, pose la définition de l’étudiant, de son rôle et de sa place dans la société ainsi que celle de ses organisations représentatives. Sur les bases et les schèmes conceptuels de la société industrielle, un nouveau rapport se dessine entre étudiant, organisation intermédiaire et société, plus impliqué et plus impliquant. Cette nouvelle forme de syndicalisme inspirera ultérieurement les transformations de la C.F.T.C., ainsi que d’autres organisations du social, confirmant à la fois la capacité instituante de l’action associative étudiante et son aspect précurseur.

L’étudiant sort alors des murs de l’Université, pour être partie prenante et acteur du monde dans lequel il évolue. La charte de Grenoble fixe notamment à ce dernier des droits concrets en même temps que des devoirs moraux importants, fondant un individu responsable, conscient du monde et de l’altérité. En même temps, elle pose l’étudiant comme acteur des transformations sociales, « avant-garde de la jeunesse », dans une approche presque messianique. Se trouvent ici étonnamment conjugués une vision historiciste du Progrès, l’individualisme libéral, la laïcité républicaine et la perspective du catholicisme social.

Sur le terrain, le nombre d’étudiants reste encore relativement restreint. Cette situation perdurera jusque vers le milieu des années soixante. Cette rareté, ce privilège n’est pas sans nourrir le sentiment d’une certaine fierté d’être étudiant, renforçant la dimension messianique du rôle que ces derniers se donnent à charge de tenir. Dans cette perspective, le mouvement associatif étudiant apparaît dès lors comme une élite au sein de cette élite. Retraduction de ce phénomène, le mouvement associatif étudiant et l’U.N.E.F. se caractérisent par une très forte technicité des bureaux, en même temps que par une structuration atypique et novatrice à l’époque, conjuguant syndicalisme de masse, entraide sociale et activités de service de terrain.

La participation du mouvement associatif étudiant aux transformations des modes d’engagement collectif dans le monde social s’observe notamment par le rôle plus important dévolu à l’individu dans cette nouvelle schématique, ainsi qu’au travers des revendications qu’il expose dès 1947 : critique du mariage bourgeois conventionnel, droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Cette double inscription est alors en totale adéquation avec les attendus de la population étudiante : les associations étudiantes regroupent en moyenne entre 30 % et 60 % de la population tout au long des années cinquante, quand dans le même temps le syndicalisme ouvrier ne représente au mieux que 20 % des salariés, tous syndicats confondus. En avance sur son temps et bousculant les pratiques sociales de l’époque, l’U.N.E.F. fonde une large partie de son action sur l’intégration des particularismes locaux et une forte dominante de services aux personnes, quand les autres organisations collectives de la vie sociale pratiquent l’uniformité d’une pensée nationale.

En interne, le mouvement associatif étudiant se compose de deux groupes : la tendance « majo » (d’orientation associative et gestionnaire) et la tendance « mino » (regroupement des tendances plus visionnaires et politiques). Cette deuxième tendance se compose majoritairement de la J.E.C., et dans une moindre mesure de l’U.E.C. Pour ces deux organisations, l’U.N.E.F. et le mouvement associatif étudiant incarnent les lieux de la représentation étudiante, cette perspective étant alimentée par une forte vision unitaire du groupe, qui s’envisage dans les deux cas de manière conjointe avec une forte reconnaissance de l’altérité.

La guerre d’Algérie générera une transformation du rapport interne entre les deux tendances. Ainsi, à partir 1954, la J.E.C. renforce son influence à l’intérieur du réseau associatif étudiant, en se positionnant contre la guerre et pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Elle prône une plus large prise de conscience des grands débats de la société française par les étudiants, et place le mouvement associatif étudiant comme volontaire et fortement acteur des changements. Elle place en même temps les étudiants en avance sur leur temps, dans une dynamique de réappropriation du monde par l’individu, par le biais d’une problématique précise, dépassant leur simple vécu objectif.

L’U.N.E.F. et le mouvement associatif étudiant vont dès lors jouer un rôle avant-gardiste dans les transformations sociétales, notamment dans le rapport avec l’institution. Cette nouvelle posture n’est pas sans générer des tensions internes, qui s’expriment rapidement par des scissions. En 1957, les A.G.E. parmi les plus marquées à droite créent le M.E.F., tandis que restent au sein de l’U.N.E.F. l’essentiel des structures associatives ainsi que les étudiants de la J.E.C. et de l’U.E.C. Dans un contexte mondial où s’affirme la bipolarité, chaque étudiant se voit désormais peu ou prou sommé de choisir un camp.

Cette bipolarité se couple d’une volonté grandissante d’affirmation des identités, source de construction d’un nouvel agir associatif étudiant dans le cadre du second individualisme. Une nouvelle donne apparaît, qui multiplie les références, principalement autour de la Nation, de la communauté et du monde.

L’obligation du service militaire pour les étudiants dans cette période de conflit conduit à une remise en cause de l’Etat, les étudiants se plaçant dès lors comme moteur principal dans le réagencement des rapports individu / institution. L’affirmation des dimensions identitaires et culturelles renforce cette tension. Cette évolution impactera progressivement par diffusion l’ensemble des acteurs du monde social.

Tandis que les scissionnistes peinent à trouver une véritable audience auprès des étudiants et des autres A.G.E. locales, le bureau engagé de l’U.N.E.F. élargit son influence, devenant rapidement un acteur incontournable du discours syndical national. Dans sa politique de rapprochement avec les autres centrales syndicales, l’U.N.E.F. préfigure les tentatives d’élaboration d’une unité syndicale qui apparaîtra au cours des années soixante-dix. L’Etat interviendra alors au cours de l’année suivante pour faire réintégrer l’U.N.E.F. aux A.G.E. scissionnistes, afin de faire perdurer l’unité de l’organisation, dans la logique gaullienne des structures de représentation.

La question algérienne solidifie peu à peu l’ensemble des A.G.E. autour de valeurs humanistes chrétiennes et laïques. L’U.N.E.F. se prononce alors de manière très avant-gardiste pour l’objection de conscience en 1959, et pour l’autodétermination du peuple algérien dès 1960. La prise de position du mouvement associatif étudiant sert d’électrochoc pour l’ensemble de la population française, en même temps qu’elle institutionnalise cette perspective dans le paysage politique français. Elle sera cependant l’élément de trop pour le gouvernement comme pour les organisations catholiques de l’époque, qui toutes deux désavouent l’organisation et ses représentants.

Conséquence de ces rejets, il s’opère une nouvelle scission au sein de l’U.N.E.F. Les A.G.E. les plus marquées à droite fondent la F.N.E.F. en 1961, le gouvernement privilégiant alors cette dernière contre l’U.N.E.F. A partir de cette date, l’unité du syndicalisme étudiant est définitivement rompue. Cette séparation préfigure à plusieurs égards celle que connaîtra la C.F.T.C. quelques années plus tard.

Cette nouvelle organisation ne s’implante cependant que peu sur le milieu étudiant. Elle formalise davantage l’expression d’un habitus de classe, d’une idéologie fondée sur le respect des traditions et de l’ordre établi. Le devenir de cette organisation préfigure celui des structures de cette tendance. Ce qui reste de l’U.N.E.F. après cette scission et pour quelques années encore, inspirera pour sa part davantage les partis de gauche, qui viendront se nourrir des avancées proposées par cette organisation jusque dans les années quatre-vingt, notamment par le biais de recompositions d’investissements individuels et de trajectoires militantes. Les devenirs ultérieurs d’anciens cadres de l’U.N.E.F. montrent ainsi que la transitivité du message s’opère au travers de la construction des trajectoires individuelles.

Les accords d’Evian signent la réussite en même temps que le début de la fin pour l’U.N.E.F. L’organisation représente à cette époque un mouvement très important tant en terme de représentativité que de nombre d’adhérents. Cependant, les réticences de l’épiscopat ainsi que du gouvernement à son engagement ont généré un tarissement progressif de certains réseaux de militants. Ce rejet institutionnel entraîne un marquage à gauche de plus en plus important de l’organisation, source de retrait d’un nombre progressif de structures associatives plus neutres politiquement. Par effet boule de neige, l’U.E.C. et le P.S.U. autrefois totalement minoritaires dans l’organisation arrivent vers le milieu des années soixante en position de se disputer la direction de l’organisation.

L’U.N.E.F. entre alors dans sa quatrième phase, la période syndicale, politisée et partisane. Cette étape voit se séparer peu à peu l’Union Nationale et le mouvement associatif étudiant. L’Union se redéfinit comme syndicaliste marxiste, et cherche à se positionner en adéquation avec le mouvement ouvrier qui semble renaître. Plusieurs A.G.E. passent aux mains de l’U.E.C. ou du P.S.U., tandis que les associations et les corpos de tendance gestionnaire s’effacent du paysage institutionnel étudiant.

L’U.N.E.F. quitte alors l’affirmation du nouvel individualisme pour se concentrer sur la place du mouvement étudiant dans le rapport salarial. De fer de lance des transformations sociétales, l’U.N.E.F. tente de se redéfinir comme avant-garde contestataire. Les activités de service tombent en désuétude, les A.G.E. politisées et l’organisation nationale se concentrent sur le débat et l’émergence d’une conscience de classe sur une population étudiante en forte croissance.

Pour une large majorité des actions menées, le mouvement étudiant se réapproprie les luttes du syndicalisme ouvrier. L’U.N.E.F. et ses A.G.E. deviennent ainsi suivistes du mouvement syndical ouvrier.

Cependant, sur le rapport étudiant/université, elles restent relativement en avance sur leur temps. Dans une posture novatrice, les dirigeants étudiants de l’U.N.E.F. de l’époque s’interrogent notamment sur les conditions de travail dans l’Université, la place de l’étudiant dans celle-ci, la formation professionnelle. L’Université, en tant que lieu de formation des élites, est envisagée comme le principal théâtre d’émergence de la transformation sociale, ce qui deviendra en partie effectif quelques années plus tard lors des mouvements de 1968. Le mouvement étudiant s’ancre dans une critique de l’Université dualiste et technocratique, tandis que les autres syndicats en restent à une analyse en termes de moyen. En avance sur son temps, le mouvement étudiant retraduit à cette époque assez bien ce que mettront en exergue quelques années plus tard Marcuse et Touraine, à savoir le rôle de précurseur et d’initiateur du monde étudiant dans les transformations sociales.

Cette posture plus inscrite dans le politique, ajoutée à l’abandon des activités de service par les associations de terrain passées aux mains de dirigeants politisés va cependant rapidement créer un fossé entre étudiants et représentation étudiante. A partir de 1965, le nombre d’adhérents à l’U.N.E.F. chute de manière importante, en même temps qu’un nombre important de délégués quitte les rangs de l’organisation. Des A.G.E. locales s’émancipent peu à peu de l’organisation nationale, sur la base d’une autonomisation progressive des structures par rapport aux réseaux pyramidaux. Là encore, le mouvement étudiant se fait préfiguratif d’évolutions visibles plus tard sur l’ensemble de la société, précédant des dynamiques similaires dans l’ensemble du corps social de près d’une dizaine d’années.

Alimenté par le rejet du tout politique de la part des étudiants, un certain nombre d’A.G.E. politisées repassent aux mains des tendances associatives gestionnaires au cours de la seconde moitié des années soixante, pour représenter rapidement 1/5ème de l’U.N.E.F. Cette tendance pose comme programmatique une limitation des compétences et des champs d’action du syndicat, en plaçant le monde associatif étudiant comme précurseur théorique et impulseur des changements sociétaux, dans l’attente d’une réappropriation des propositions par les relais politiques. Cette posture, désormais visible aujourd’hui dans les nouveaux mouvements sociaux, place là encore le mouvement étudiant, et dans ce cas précis sa composante associative, comme précurseur des évolutions sociales. Cependant, malgré cette novation, la tendance associative n’arrive pas à proposer un projet et une perspective fédératrice pour l’ensemble du mouvement.

Sans cadre et sans réelle perspective, l’U.N.E.F. devient la proie des combats idéologiques entre tendances d’appareils différents. Le P.S.U. et l’U.E.C. s’opposent en interne pour le contrôle de la structure et du réseau, tout en n’hésitant pas à s’allier lors des Congrès pour invalider le poids de la tendance associative qui tend à redevenir prépondérante. Point d’orgue de cette mascarade, devant l’importance grandissante de la tendance associative, l’Assemblée Générale de l’U.N.E.F. exclue en avril 1968 les associations restées en son sein, afin de permettre aux deux tendances politisées de se maintenir à la tête de l’organisation.

Pourtant à cette date, l’U.N.E.F. n’est plus que l’ombre d’elle-même. Désertée par les étudiants du fait de la trop grande politisation de ses débats, elle n’arrive en outre pas à séduire les étudiants les plus dynamiques, qui préfèrent s’investir au sein de structures étudiantes nouvelles. La participation de l’U.N.E.F. aux mouvements étudiants de 68 est erratique, sans réelle consistance. L’organisation reste empêtrée dans une opposition interne entre positionnement avant-gardiste et révolutionnaire, et rôle d’acteur institutionnel. Elle n’incarnera ni l’un ni l’autre. Dans l’instant d’affirmation du second individualisme que retranscrivent ces évènements, l’U.N.E.F. politisée et partisane fait déjà partie du monde ancien.

En 1971, l’U.N.E.F. se disloque, et les deux tendances qui la compose se séparent sur un constat de non–entente. Une U.N.E.F.-U.S., proche du P.S.U. fait alors face à une U.N.E.F.-RE. d’obédience communiste. Pourtant, « en fait comme en droit, il n’y a plus d’U.N.E.F. ». Un modèle d’organisation meurt, face aux bousculements des transformations sociétales. L’unité de la société industrielle fait place à la diversité de la seconde modernité, le monde étudiant représentatif se faisant ici une vibrante retranscription de ce changement sociétal.