Trois modèles d’organisations et de fonctionnements économiques :

  1. Les associations disposant en 1997 de moins de 10 000 frs de budget annuel (environ 1 500 €). Ce groupe représente plus de la moitié des associations étudiantes (54.2 % selon notre enquête). Comme le montre l’A.C.P. précédente (cf. graphique n°17), l’essentiel des ressources provient des cotisations. Le logiciel Sphinx relève pour ce croisement une dépendance significative (case bleue sur le tableau ci-dessus). Cet ensemble se compose aussi bien d’associations de filières que d’associations thématiques. Les activités sont essentiellement tournées vers l’information aux lycéens et la mise en place d’activités culturelles : exposition, théâtre, concert, … Créées pour plus de 50 % d’entres elles moins de trois ans avant l’enquête, leur nombre d’adhérents ne dépasse pas 50 dans plus de 60 % des cas (source : enquête). Il s’agit donc de structures jeunes, dont les comportements pourront renseigner sur les dynamiques émergentes du monde associatif étudiant. Dans le même temps, leurs modalités d’agirs et celles de leurs bénévoles pourront être comparées à celles d’organisations similaires du monde social.
  2. Les associations disposant d’un budget compris entre 10 000 frs et 100 Kf (entre 1 500 € et 15 000 €). Ce sous-groupe représente 30 % des associations étudiantes (source : enquête). Leur nombre d’adhérents est inférieur à 200 pour 75.8 % d’entre elles, compris entre 0 et 100 pour 50 % d’entre elles (source : enquête).

Comme le montre le tableau des moyennes sur le graphique n°17, la part la plus significative et importante de leurs ressources provient des subventions (environ ¼ des ressources). Celle des cotisations diminue fortement, processus qui s’accentue pour les associations disposant d’un budget encore supérieur. La proportion des recettes privées se développe, notamment celle du sponsoring. Un relatif équilibre économique s’opère sur cette strate d’associations, qui conjugue de façon équilibrée ressources privées et publiques.

Cette strate représente la strate de transition entre deux modèles économiques d’organisation, c’est-à-dire les organisations disposant de moins de 10 000 frs de budget (environ 1 500 €) et celles dont le budget varie entre
100 Kf et 250 Kf
(soit entre 15 000 € et 40 000 € environ).

Ces associations évoluent essentiellement sur le secteur de l'économie marchande, par la vente et l'organisation de prestations au niveau local. Elles organisent pour la plupart de petits événements culturels divers, pour un budget annuel ne dépassant pas 50 000 frs (environ 8 000 €).

Les activités économiques se résument souvent à l'organisation de manifestations culturelles (le plus généralement des soirées), la vente de vêtements (Tee-shirts, écharpes, ...), la gestion d’annales et de photocopies parfois. Par exemple, le chiffre d'affaires réalisé par les associations de départements que j’ai gérées et côtoyées dans les I.U.T. peut se décomposer comme suit :

  • Activités culturelles locales : de 40 % à 70 % du CA.
  • Ventes d'articles : 10 % maximum du CA.
  • Vente d'annales, journaux étudiants, ... : de 0 à 5 % du CA.
  • Nourritures, bar, distribution automatique, ... : de 10 % à 25 % du CA.

S’il est possible de relever quelques différences notables entre associations de filières et associations thématiques, il n’y a pas de modalités fortement discriminantes dans les types de ressources suivant le type de structure.

Certaines associations réalisent des opérations de plus grande ampleur, nécessitant un budget plus conséquent : voyages à l'étranger, forum entreprises, ou semaines de ski, ... Le budget moyen de ces opérations avoisine alors les
100 000 frs (environ 15 000 €). Ces projets requièrent un travail conséquent d'organisation, de planification et de gestion humaine et économique. Ils sont généralement développés sur une année, et menés en parallèle des autres activités de l'association.

Les associations disposant d’élus étudiants ou de représentants dans les institutions universitaires utilisent ces derniers afin de mobiliser des ressources publiques et exogènes. Elles complètent alors leur budget et ceux des opérations en cours par cette recette supplémentaire. Les institutions universitaires locales sont les premières contactées, la proximité des instances jouant comme facteur déterminant dans l'attribution des subventions de fonctionnement ou de développement. Dans une moindre mesure, quelques démarches sont initiées auprès des collectivités territoriales, des institutions d’Etat, voire européennes, mais celles-ci restent marginales.

D’une manière générale, ces associations travaillent en terme économique sur une population locale stable, aux besoins assez clairement identifiables, le plus souvent circonscrite à l’Université, le département de formation, ou l’école. Puisqu'il n'y a, sauf rares exceptions, qu'une seule association par filière de formation, la concurrence n'existe pas. Il peut quelquefois se produire une concurrence fortuite entre deux associations de deux filières différentes pour des événements économiques qui se dérouleraient le même jour. Toutefois, les fédérations locales tentent de plus en plus d'organiser une planification des événements associatifs (soirées, concerts, ...) afin de pallier à ces difficultés. L'environnement local est donc simple et prévisible pour les associations,
socio-économiquement stable.

Le monde de la nuit est le principal bénéficiaire des investissements réalisés. Ceci répond à la fois à un besoin exprimé par les étudiants et à une relative facilité organisationnelle, certaines discothèques prenant en charge la quasi-totalité de l'organisation. L'association n'a alors plus qu'à mobiliser la population étudiante par la distribution de tracts, le collage d'affiches, … D'un relatif confort pour les débuts d'une association, cette formule transforme cependant les associations en « agents de publicité », payées uniquement à la rentabilité. Cette formule profite surtout au monde de la nuit local, qui dispose ainsi d'un stock d'agents de publicité, non déclarés et non payés.

L'autre formule d'organisation consiste pour l'association à prendre tout en charge, de la conception des tracts jusqu'à l'animation, en sous-traitant éventuellement à des entreprises locales une partie de l'organisation. L'association reste alors maître d'oeuvre. Ce type d'opération demande cependant une assise économique et implique une prise de risque maximum pour la structure. En revanche, le retour sur investissement y est souvent des plus intéressants.

3) Les associations dont le budget dépasse 100 000 frs (environ 15 000 €), avec comme modèle archétypal les organisations dépassant les 500 kf de budget annuel (environ 75 000 €). Dans la quasi-totalité des cas, il s’agit de fédérations d’associations. La participation de chaque type de ressources tend alors à s’équilibrer avec les autres, aucune ne disposant d’une prépondérance particulière. Cette configuration relativement atypique sur le tiers-secteur français doit permettre à la structure d’acquérir peu à peu une stabilité financière. Le pourcentage des subventions dans le budget général diminue par rapport au groupe précédent, pour rester un peu inférieur à 25 %. Plus de 40 % des recettes proviennent du secteur privé, que ce soit sous forme de sponsoring ou sous forme de participations financières aux activités réalisées.

Par rapport aux groupes précédents, le fonctionnement économique des organisations de cette strate s’avère plus complexe, et le champ des actions économiques menées, plus élargi. Dans une majorité des cas, il s’agit de fédérations locales ou d’associations de filières anciennement implantées (antérieures à 1985 dans 68,8 % des cas pour les structures dont le budget dépasse 500 kf, soit environ 80 000 €). Le nombre d’adhérents dépasse 100 dans plus de 75 % des cas, est supérieur à 500 dans 52,8 % des cas pour celles excédant 500 Kf.

Pour les fédérations locales, le problème de l'environnement économique local se pose en termes complexes. Evoluant sur une aire de proximité sur laquelle sont aussi présentes d'autres associations étudiantes, l'environnement y est nettement concurrentiel. Ce dernier est parfois alimenté par des oppositions entre associations pro-F.A.G.E. et pro-P.D.E., générant une dimension conflictuelle supplémentaire. En outre, leurs projets d’animation du territoire local se retrouvent en concurrence avec ceux des autres acteurs du secteur associatif. Enfin, se plaçant sur le secteur marchand par la vente de prestations, les fédérations vivent sur ce créneau aussi un environnement économique local concurrentiel.

Il devient aussi de plus en plus imprévisible par l'apparition de nouveaux marchés auxquels il faut répondre vite. C’est ce que vivra par exemple notre fédération F.E.D.I.U.T. lors de l'opération Jeunes 2000 montée par le groupe Hachette - Lagardère, en avril 1997. Il nous fallut ainsi répondre en moins d'un mois à une commande d'organisation de forum et de publicité sur tous les sites universitaires de Lyon. La réactivité et la capacité à mobiliser des ressources endogènes de manière immédiate déterminent désormais les capacités de développement économique des organisations.

Les champs d'actions économiques des fédérations et de ces importantes associations se situent tout d’abord dans le registre de la production de biens et services en direction des associations fédérées. Ainsi, l’A.F.N.E.U.S. propose notamment des tarifs avantageux d’assurances en responsabilité civile, d’assurance des locaux à ses associations membres. Elle leur propose en outre d’héberger leur site Internet, et le salarié de cette organisation se déplace auprès des structures locales pour les aider dans leurs activités, leurs projets.

Cette dynamique de service est aussi une dimension importante du fonctionnement de la F.A.G.E. Le journal de cette organisation comporte ainsi nombre de propositions et d’offres de sociétés ou d’appels à concours divers. Le n°34 de Septembre / Octobre 1997 propose par exemple dans sa rubrique « En pratique, les bons plans … » une présentation des différents partenariats proposés par les organisations telles que Coca-Cola, Radiofrance, Kronembourg, Lagardère, Max Havelaar, Bayard presse, ... Son supplément « Génération Solidaire » comporte lui aussi des informations nombreuses sur des actions, des partenariats institutionnels que les associations peuvent ensuite mettre en œuvre. Enfin, le site Internet de l’organisation présente tout un panel de société partenaires de la F.A.G.E. pouvant et/ou souhaitant devenir les partenaires des associations locales ( 232 ).

On retrouve à l’identique cette dimension d’aide et de services aux associations au sein des fédérations locales. Ainsi, certaines d’entre elles se lancent dans la réalisation de centrales d’achats. L’aire d’influence locale des fédérations leur permet, comme l’A.V.E. de Valence, de négocier des tarifs pour l’ensemble de leurs associations fédérées avec une large partie des interlocuteurs économiques de ces dernières : boites de nuit, imprimeurs, concepteurs de Tee-shirts, … Dans ces cas, l’impact financier est réel pour l’ensemble des acteurs présents (associations, fédération, interlocuteurs marchands), qui sortent tous gagnants du processus.

Lorsque l’on compare le décryptage ci-dessus avec le fonctionnement général du monde social, il apparaît que dans son ensemble, ce dernier reste peu adepte de pratiques trop fortement tournées vers l’économique et le financier. Cette spécificité étudiante, institutionnalisée sur ce champ par une absence historique et prononcée de financements publics, risque cependant de s’étendre au cours des années à venir dans l’ensemble du monde social. En effet, le déclin prononcé des financements publics depuis le début des années 80 oblige les organisations de ce secteur à chercher de nouvelles sources de financements. L’expérience et le message associatif étudiant disposent donc de chances raisonnables de transiter vers le monde social, impactant de fait ce dernier.

Le deuxième pôle d’activités regroupe la réalisation de projets de dimension conséquente. Ces projets ont vocation à disposer d’une aire de rayonnement large, pouvant parfois s’étendre jusqu’au niveau national. Le Challenge de Valence, week-end de défilés et de compétitions sportives entre les étudiants de la ville, en est un des exemples. L’A.G.I.L. de Lyon réalisait pour sa part chaque année un tournoi sportif entre tous les I.U.T. de Lyon, tandis que la F.E.D.I.U.T. organisait une journée régionale annuelle de formation pour tous les nouveaux élus étudiants des B.D.E. d’I.U.T. de la région Rhône-Alpes. La Fédération des Etudiants Lyonnais organisait jusqu’à ces dernières années la « Nuit des
bac-winners », importante soirée étudiante se déroulant le soir des résultats du baccalauréat. Toutes ces manifestations ont comme objectif de créer un événement communicationnel à destination des étudiants et des différents interlocuteurs institutionnels de la structure. C’est à l’aune de ses réalisations qu’une association est aussi reconnue. Cette pratique communicationnelle liée à un évènementiel, fortement usitée sur le monde étudiant, se développe aussi depuis quelques dizaines d’années dans l’ensemble des organisations du monde social, comme nous le verrons lors de lignes ultérieures.

Pour les deux fédérations que j’ai présidées, les grandes lignes d’activités des budgets globalisés peuvent se répartir comme suit :

  • Centrale d'achat : 10 % du CA.
  • Edition : de 0 à 5 % du CA.
  • Soirées, animations culturelles, … : de 10 % à 30 % du CA dont,
    • Rencontres sportives (A.G.I.L.) : 20 %
    • Formations (F.E.D.I.U.T.) : 35 %
  • Ventes : de 0 à 5 % du CA.
  • Partenariat : de 5 % à 15 % du CA.
  • Prestations annuelles diverses : 10 % du CA.
  • Autres prestations ou activités ponctuelles : 10 % du CA.

Ne touchant que très peu de subventions par rapport à notre budget global, nous avons rapidement été obligés de diversifier, pour ces deux fédérations, nos activités, mais aussi de nous concentrer sur des secteurs rentables. Ainsi, la centrale d'achat F.E.D.I.U.T. a en priorité développé un partenariat sur la distribution automatique, assurant 25 000 frs annuels (soit environ 3 800 €), avant de s'orienter sur l'édition papier et textile et l'organisation de voyages, aux revenus plus aléatoires.

Cependant, il est apparu à l’usage que la centrale d'achat de notre fédération régionale, avec son volume d'affaire de 10 %, ne pouvait, dans les conditions structurelles de sa création, envisager un développement de son activité. Ce type d’activité nécessite en effet du personnel compétent, ayant de plus le temps d'aller à la recherche des marchés locaux, de négocier des contrats, de gérer des clients et des prestataires. Lors de sa dernière année de vie, malgré l'implication de trois bénévoles et d'un responsable dans cette activité, le constat du blocage s'est fait criant.

En outre, nous pouvons observer que 25 % à 35 % du chiffre d'affaires réalisé (partenariat, prestations annuelles, ponctuelles et ventes) sur l’exemple précité sont des activités purement commerciales. Elles se concrétisent idéalement par la mise en place de partenariats annuels, incluant toute une somme de prestations : logo, exclusivité du partenaire sur son domaine économique, publicité dans les journaux étudiants, ainsi qu’une présence dans toutes les manifestations de l’association. Les partenaires les plus courants sont les mutuelles étudiantes et les banques. Mais ces activités nécessitent du temps, des négociations et du savoir-faire.

Dès lors, le développement et la pérennisation des activités notamment commerciales commandent la professionnalisation de certaines fonctions. Les associations ayant atteint un certain seuil de développement et les fédérations oscillent alors entre deux logiques : la logique bénévole et la logique entrepreneuriale. Une logique bénévole dictée par les contraintes universitaires et les contraintes de sens de ces fédérations, et une logique d'entreprise dictée par les réalités économiques du secteur dans lequel elles évoluent. Par un biais différent, elles vivent donc des contraintes similaires aux organisations du monde social, elles aussi confrontées à la nécessité de la professionnalisation. Mais ces postes sont davantage liés au développement économique de la structure, et moins à la réalisation de ses missions, qui restent du ressort des bénévoles. Il s’agit en outre plus d’une recherche de développement et de pérennisation de ressources privées que de ressources publiques.

Notes
232.

( ) http://www.fage.asso.fr.