Les transformations des modes d’organisation interne :

L’impact du financier sur les associations étudiantes ne se limite pas à des transformations de leur environnement. L’organisation interne des structures évolue, à mesure que les projets s’étoffent : la dimension économique prend alors une importance croissante, obligeant à des réorganisations internes conséquentes (cf. graphique n°19).

Graphique n°19 : les modes de gestion de projets
Graphique n°19 : les modes de gestion de projets en fonction du budget de la structure.

Source : enquête. La dépendance est très significative. chi2 = 114,28, ddl = 8, 1-p = >99,99 %. Les cases encadrées en bleu (rose) sont celles pour lesquelles l'effectif réel est nettement supérieur (inférieur) à l'effectif théorique. Le chi2 est calculé sur le tableau des citations (effectifs marginaux égaux à la somme des effectifs lignes/colonnes). Les valeurs du tableau sont les pourcentages en ligne établis sur 1619 observations.

Sous la contrainte des administrations et du secteur privé, les associations souhaitant accéder aux ressources exogènes passent d’une approche de type adaptation-réaction à une logique de planification, selon la schématique de Calori et Tugrul (cf. graphique n°20). En effet, les demandes de subventions, la réalisation de projets d'ampleurs nécessitent une planification des tâches et des actions à mener.

Nous reprendrons, pour analyser les différents types de gestion de structures, le schéma proposé par Calori et Tugrul ( 235 ).

Graphique n°20 : les différentes formes d’organisations et de gestion de projets.
Graphique n°20 : les différentes formes d’organisations et de gestion de projets.

Pour les associations disposant d’un budget inférieur à 10 000 frs/an
(1 500 €), le fonctionnement interne s’entend le plus souvent selon un comportement communautaire, où tous sont les égaux de chacun. C’est ce que mettent en évidence à la fois le fort pourcentage de réponses « tout le monde s’occupe de tout », en même temps que le marquage d’une dépendance très significative relevé par Sphinx. Caractéristiques des associations récentes (moins de cinq ans d’existence comme nous l’avons déjà vu plus haut), les postes des membres du bureau sont alors plus anecdotiques, et retraduisent davantage une nécessité administrative qu’un fonctionnement interne. Ces organisations sont de type synchronique, dans lesquelles « les décisions et le contrôle sont très décentralisés, chacun à son mot à dire ». On assiste alors à une recherche récurrente d'un consensus, au moins apparent, et tous agissent pour ce qu'ils croient être le bien de l'association. Dans le même temps, il n'y a pas de recherche de planification ; celle-ci est vécue comme une contrainte bureaucratique (faiblesse des scores « un responsable qui rend régulièrement des comptes » notamment). L'adaptation-réaction aux problèmes et l'opportunisme règnent en maître sur ce type de structure. Conjuguant élaboration des décisions partagées et réactions d’adaptation aux évènements, ces structures se rapprochent fortement du modèle d’organisation synchronique.

A la suite de ces cinq premières années, certaines associations vont avoir acquis une taille plus importante, y compris sur le terrain économique. Il s’opère alors certains changements dans les modes d’organisation interne. Les associations dont le budget se situe entre 100 et 250 Kf (15 000 et 40 000 €), et dans une moindre mesure, les strates qui lui sont immédiatement voisines sur le graphique n°19, laissent en effet apparaître un glissement des pratiques internes vers une structuration en sous-commissions. La rationalité et la planification font une entrée remarquée dans les modes de gestion de projets, puisque Sphinx relève une forte dépendance entre cette strate et l’item « par une commission ou un sous-groupe qui se réunit régulièrement ». Une approche séquentielle des problématiques est privilégiée, tandis que la pratique communautaire reste encore présente (persistance de l’item « tout le monde s’occupe de tout » pour les strates avoisinantes notamment). Par la conciliation d’une culture associative décentralisée avec les obligations de planification des projets, ces organisations ressortent plutôt du modèle des organisations négo-planificatrices.

L’expansion d’un certain nombre des associations dépassant les dix ans d’âge les conduit à procéder à de nouvelles évolutions dans leurs modalités de gestion interne. En effet, comme le montre le graphique n°19, les structures dont le budget atteint et dépasse les 500 kf (80 000 €) se situent dans un troisième registre. Sous la contrainte exogène des administrations, elles ont été très rapidement obligées d'envisager la planification. En effet, les demandes de subventions, la réalisation de projets d'ampleur nécessitent une planification des tâches et des actions à mener. Mais il existe dans le même temps une dichotomie entre décideur/exécutant fortement mise en évidence par l’importance des réponses « par un responsable qui rend régulièrement des comptes au reste de l’association ». Le pointage par Sphinx d’une dépendance forte sur cette case renforce cette spécificité organisationnelle. Cette hiérarchie en cascade est caractéristique des modèles d’organisations centralisées. Au-delà d’un certain seuil que l’on pourra fixer aux alentours de 500 Kf (80 000 €), les associations étudiantes sont conduites à adopter un modèle d’organisation de type bureaucratique.

Notes
235.

( ) CALORI Roland & TUGRUL Atamer, L’action stratégique, Les éditions d’organisations, 1991.