Les associations étudiantes comme vecteur d’affirmation du besoin de reconnaissance de l’individu face à l’institution :

Le monde associatif étudiant ne va pas se faire uniquement participatif et retranscripteur des transformations et du déclin de l’institution. Il convient, dans le même temps, d’observer la part de transformation sociale qu’occupent les associations étudiantes, et leurs rôles actifs dans les transformations de l’institution. Celles-ci impacteront par incidences les modalités futures de l’engagement collectif des individus dans le monde social.

Ce rôle se donne tout d’abord à voir au travers des nouvelles modalités de relations entre les institutions et les individus. Ainsi, les associations étudiantes vont faire s’exprimer de manière plus prégnante le besoin grandissant des individus en matière de reconnaissance, auquel les institutions ont désormais à charge de répondre de manière explicite. Dubet montre en effet dans « Le déclin de l’institution » qu’un rapport de force nouveau s’engage entre l’individu et l’institution, pour une reconnaissance formelle du premier. De fait, l’action de celle-ci se transforme pour répondre à ce besoin. Ainsi, dès 1996, les institutions de la ville de Lille organisent un colloque sur la place des étudiants dans la prise de décision sur la gestion des risques environnementaux et scientifiques dans l’Enseignement Supérieur ( 258 ).

Les associations jouent donc un rôle transformateur dans l’ouverture de l’institution à la reconnaissance de l’individu. Les associations étudiantes défendent par exemple à partir de 1997 la reconnaissance de l’expérience associative étudiante dans les études. Celle-ci sera rendue officielle en 2001 par la possibilité d’une validation des engagements associatifs étudiants dans les cursus. Par leur action, elles institutionnalisent la reconnaissance de l’individu par l’institution, transformant alors les formes de l’engagement collectif des individus dans le monde social.

La reconnaissance croissante des individus par l’institution se fait dans un certain nombre de cas par le biais de pratiques contestataires. Ainsi, la F.N.E.S.I. (Fédération Nationale des Etudiants en Soins Infirmiers) se mobilise en 2000 pour obtenir via un mouvement étudiant de masse ce que des années d’attentes n’ont pas apportées. Après six mois de mobilisations, les étudiants infirmiers décrochent une reconnaissance de leur formation au niveau bac +3, un statut et des bourses équivalents aux autres étudiants, le remboursement des frais d’études, ainsi qu’une augmentation des quotas d’étudiants dans la formation.

En s’inscrivant dans une dynamique de désobéissance civile, le mouvement associatif étudiant participe donc activement à la désacralisation de l’institution dans son rôle de dire le droit et ce qui est de l’intérêt général. Il s’affirme dans le même temps comme acteur de premier ordre dans ces thématiques. En se fondant sur la légitimité de l’action opposée à la légalité en place, le mouvement associatif étudiant fait, par l’action de contestation sociale, évoluer le droit en faveur des droits du citoyen, l’illégalité des moyens étant mis au service d’une fin légitime. Que ce soit par l’expérience du conflit institutionnel ou par l’utilisation de droits nouveaux par le biais de l’outil associatif, les modalités de l’engagement collectif des étudiants se transforment et par incidence, celles de l’engagement collectif à venir des individus dans le monde social aussi.

En effet, par ce type d’actions contestataires transparaît de manière éclatante la fin du monopole des syndicats et partis politiques dans la contestation sociale. Les associations sortent de leur enfermement précédent sur l’assistanciel pour venir investir le champ de la mobilisation sociale et de la contestation, auparavant domaine réservé des syndicats et partis politiques. Elles signent par là la fin d’un modèle institué des rapports sociaux, imposant une reconfiguration de ces derniers en faveur de plus amples capacités d’actions du secteur associatif. Outre une redéfinition des rapports entre organisations, cette reconfiguration dispose de fortes potentialités transitives, laissant fortement supposer sa réapparition sur le monde social d’ici peu.

De manière plus négociée, des revendications de diversification et de pluridisciplinarité des cursus ont été défendues avec succès par la F.A.G.E. lors de la mise en œuvre des E.C.T.S. Dans le cadre de ces derniers, la refonte du système d’enseignement a ainsi permis d’aboutir à une plus grande personnification des enseignements. Au sein de ce nouveau modèle, toutes les formations sont prises en compte, les stages comme les activités associatives, contribuant à renforcer l’identité particulière de chaque cursus. L’action associative étudiante se fait donc vecteur d’impulsion pour une plus grande reconnaissance des individus par l’institution, impactant de fait les formes à venir des engagements des individus dans le monde social.

Cette revendication s’accompagne d’une volonté de plus grande prise en compte des parcours sociaux individuels, et dont le mouvement associatif étudiant est aussi porteur. Ainsi, le projet d’allocation sociale d’études individualisée de la F.A.G.E. revendique la reconnaissance des spécificités de parcours et des situations de vie individuelles. Il s’agit alors de poser un vrai regard sur la situation de l’étudiant qui prenne en compte ses besoins et ses ressources, ainsi qu’en valorisant les jobs étudiants ou en intégrant l’aide reçue des parents. Comme le résume à ce titre la F.A.G.E., « l’allocation ainsi définie s’inscrit dans la logique de reconnaissance de l’étudiant puisqu’elle se construit autour de l’analyse de ses ressources et de ses besoins » ( 259 ). Si ce projet n’a pas encore abouti, cette organisation se bat néanmoins pour sa réalisation au sein des instances décisionnelles. Il est à ce titre raisonnable de penser qu’il se verra concrétisé d’ici quelques années, que ce soit sous une telle mouture ou agrémenté de quelques modifications. L’engagement dans le monde social ainsi que dans le monde universitaire des individus s’en trouvera de fait changé.

Notes
258.

( ) Décisions Etudiantes n°18, octobre 1996.

259.

( ) « Qu’est ce que la F.A.G.E. ? », p 104.