Avec des structures à l’extérieur du réseau associatif étudiant :

La seconde modernité a fait naître avec elle des luttes nouvelles, aux ambitions et réalisations inédites. L’homme, en tant qu’élément primordial de la société et de la sphère plus globale qu’est la Terre, se situe désormais au centre des nouvelles problématiques de l’action collective. Le projet sociétal n’est plus l’émergence d’une nouvelle société sur la base d’une utopie, mais la sauvegarde et la défense de la qualité des éléments qui constituent l’environnement de l’individu : arbres, Terre, peuples éloignés, …

Actrices de ces nouvelles dynamiques, les associations étudiantes relaient les luttes et les discours des mouvements sociaux émergents. La F.A.G.E. s’implique par exemple dans les actions de promotion des nouvelles modalités d’engagement des individus dans le monde social, en diffusant notamment
celles-ci via ses moyens de communications. La quatrième de couverture du « Décisions Etudiantes » n°57 (avril 2001) présente par exemple les actions réalisées par « Les amis de la Terre » depuis les années soixante-dix. Au travers d’une interview de Ben Le Fetey, président de cette organisation, elle pose notamment la question de l’implication possible des associations étudiantes dans les différents projets de cette O.N.G. Des pistes d’actions concrètes sont alors proposées, que les associations étudiantes peuvent reprendre : organisation de conférences, de débats autour de la réforme des institutions financières internationales ou dans les rapports Nord-Sud, exigence d’une nourriture garantie sans O.G.M. dans les C.R.O.U.S., expositions, pétitions, …

Cette question de l’environnement tend à prendre désormais une véritable place dans les orientations et les centres d’intérêts du mouvement associatif étudiant. En 2001, la F.A.G.E. estimait à plus de cinquante le nombre d’associations étudiantes qui, dans toute la France, s’occupent spécifiquement de la question environnementale. Créées le plus souvent en réaction à une catastrophe écologique (marée noire, tempête, …), elles poursuivent ensuite leurs activités, au-delà de phénomène ponctuel.

Ces organisations ont créé il y a peu une plate-forme commune : Etudiants & Développements. Réseau souple et démocratique, cette structure permet la mutualisation des expériences au travers d’un site internet, de fiches pratiques, … Source de stimulation des échanges entre les membres ainsi qu’avec l’extérieur, ce réseau ouvre à la réalisation de projets d’envergure : campagne d’action annuelle, édition de l’Ecolo-guide étudiant.

Certaines associations étudiantes s’impliquent plus intensément dans les nouveaux mouvements sociaux, en organisant elles-mêmes des manifestations alternatives. Ainsi, l’association GAIA du D.E.S.S. de Gestion de la Planète à Nice organise chaque année depuis 1997 une journée de l’environnement et du développement durable, dans le but de sensibiliser les nouveaux étudiants et le grand public aux problématiques de l’environnement.

Le site d’AnimaFac ( www.animafac.org ) présente nombres d’exemples d’associations étudiantes impliquées et actrices des nouveaux mouvements sociaux. Grâce à l’annuaire des associations étudiantes que cette organisation a développé et à sa mise en ligne, il est possible de trouver de larges listes de structures, classées par thèmes d’action : droits de l’homme, solidarité internationale, solidarité urbaine, environnement, … AnimaFac complète son action fédérative par l’édition de fiches pratiques sur ces mêmes thèmes : fiches droits de l’homme, discriminations (faire du testing en toute légalité), environnement (créer une A.M.A.P., promouvoir le tri sélectif, sensibiliser au changement climatique, …), Europe, prévention des risques (sida, toxicomanie, sécurité routière), solidarité internationale, solidarité urbaine, handicap, … Leur densité suffit, à elle seule, pour convaincre de l’importance de ces thématiques sur le monde étudiant.

De façon parallèle, la F.A.G.E. s’investit depuis de nombreuses années dans les problématiques du commerce équitable, en faisant notamment la promotion de Max Havelaar France à travers son réseau. A ce titre, elle informe les associations étudiantes des événements réguliers de cette organisation. Mais surtout, dès 1999, la F.A.G.E. intègre ces problématiques dans la construction de ses projets : elle est ainsi l’une des premières organisations représentatives à intégrer dans ses actions concrètes (formations, congrès, …) des stands où les étudiants peuvent se renseigner mais aussi acheter des produits commerce équitable.

Autre mode d’implication des associations étudiantes sur les thématiques des nouveaux mouvements sociaux, la sensibilisation du public et la recherche de financement dans le cadre d’un partenariat inter-associatif. Les étudiants en Maîtrise de Sciences de Gestion de l’I.U.P. de Metz récoltent par exemple les pièces jaunes depuis 1992, au bénéfice des enfants défavorisés de la ville de Metz. Pour sa part, l’association Human’ISC de Paris organise un Noël pour les enfants du Secours Populaire, du Secours Catholique, et d’associations de quartier depuis 1994, avec magicien, conteur, spectacle, goûter et distribution de cadeaux. Sur le même principe, l’association « Action humanitaire » de l’I.U.P. M.S.G. de Lille organise chaque année un marché de Noël, dont les bénéfices sont intégralement reversés à une association caritative de service aux personnes en difficultés. En 2000, les bénéfices ont été reversés à l’Institut des jeunes aveugles ; en 2001 ils le furent au profit de la Ligue contre le Cancer et de l’A.P.A.J.H. (Association Pour Adultes et Jeunes Handicapés). La Fédération des étudiants de Caen monte en 2001 une course à pied sous forme de défi, où participent les étudiants, les habitants, … Les bénéfices de cette action sont quant à eux reversés à l’association française contre les myopathies.

Actif sur le terrain, le mouvement associatif étudiant apporte dans le même temps sa pierre à la réflexion intellectuelle née avec les nouveaux mouvements sociaux. Ainsi, le thème du 12ème congrès de la F.A.G.E. en novembre 2001 s’inscrit de plain-pied dans ces thématiques de pensée : « Les étudiants français, acteurs ou victimes de la mondialisation ? ». Au travers d’ateliers tels que « Monter un projet lié à l’environnement », « Commerce équitable et solidarité : les actions possibles », les responsables associatifs étudiants choisissent cette année-là de réfléchir à ces dynamiques au cours des trois journées du Congrès National, confirmant l’implication du mouvement associatif étudiant dans l’émergence de formes nouvelles de citoyenneté et de relation à l’Autre ( 270 ).

Cette implication du secteur associatif étudiant dans ces nouvelles thématiques sociales participe de leur expansion sur l’ensemble du monde social. La participation du secteur associatif étudiant aux transformations des modes d’engagement collectif des individus ne se fait donc pas uniquement par la dimension préfigurative de certains de ses projets, mais aussi par sa capacité à développer la reconnaissance et l’institutionnalisation sur l’ensemble de la société des problématiques sociétales, et des réponses apportées par tous les acteurs du monde social.

Ces implications produisent par incidences des transformations au sein des structures. Ainsi, dès 2001, la F.A.G.E. crée un poste de vice-président solidarité au sein de son bureau. Ce dernier initie des liens avec l’ensemble des structures spécialistes de ces questions. Il agit à la fois au sein du réseau de la F.A.G.E., et à l’extérieur par la mise en œuvre de partenariats.

Enfin, du milieu étudiant émergent des projets novateurs, qui impactent l’ensemble du monde social. Les étudiants de l’université
de Paris 13 / Villetaneuse ont ainsi créé en 1995 l’association « Déclic, agitateur de solidarité », afin de sensibiliser et d’orienter le grand public vers des actions de solidarité. Cette association relaye les campagnes thématiques solidaires de type commerce équitable, défense des paysans du monde contre les O.G.M., …). Elle propose surtout des pistes et des relais pour toute personne souhaitant s’impliquer dans une action de solidarité. Dépassant le cadre de l’Université, elle offre ses services à l’ensemble de la société civile, participant de fait aux transformations des modes d’engagements des individus dans le monde social. Il en est de même pour l’Association I.S.F., qui fut à la fois à la création de Max Havelaar France et de la P.F.C.E. Les associations étudiantes ne répercutent donc pas uniquement les problématiques sociétales à l’œuvre, elles participent de leur résolution et inventent de nouveaux outils pour tenter d’y répondre.

Notes
270.

( ) A titre anecdotique, les auteurs de « l’altermondialisme en France » relèvent que lors des mouvements sociaux de 1995, prémisses de la construction institutionnalisée du mouvement altermondialiste en France, les premiers tracts abordant de façon explicite les dégâts de la mondialisation, du libéralisme et de l’ordre économique mondial furent diffusés lors de la manifestation étudiante du 21 novembre 1995. Cette dernière constitue l’ouverture du mouvement social de novembre-décembre 1995. S’il n’est pas possible de donner la préséance au mouvement associatif étudiant lors de cet épisode puisque ces tracts sont avant tout l’oeuvre de mouvements
d’extrêmes-gauches, il est remarquable que cette thématique, apparue tendanciellement avec plus de poids lors de cette manifestation étudiante, se soit ensuite imposée avec la force qu’on lui connaît sur l’ensemble de la société. AGRIKOLIANSKY Eric, FILLIEULE Olivier, MAYER Nonna, L’altermondialisme en France, la longue histoire d’une nouvelle cause, Flammarion, 2005.