Les réseaux interpersonnels, bases de l’engagement :

La conjugaison des hommes et des événements est la condition nécessaire à l’émergence des structures. Kayser a montré qu’il existe une catégorisation des différents acteurs du développement : les acteurs locaux, les intellectuels, et les animateurs locaux (cf. graphique n°34) ( 305 ).

Graphique n°34 : Les liens entre individus, projet, ressources et développement
Graphique n°34 : Les liens entre individus, projet, ressources et développement

En décryptant le développement des associations et des fédérations étudiantes que j’ai présidées sur les I.U.T. de Lyon, les responsables des associations peuvent être entrevus comme animateurs locaux, les dirigeants charismatiques, porteurs des projets et des mythes fondateurs comme les intellectuels, et les acteurs locaux, incarnés par la présence et l'orientation en direction des associations, d’un directeur de l'I.U.T. de l'époque.

L'une des chances de l'I.U.T. B aura peut-être été, en effet, de pouvoir conjuguer, à un moment de son histoire, à la fois des dirigeants associatifs charismatiques, émergés des conflits institutionnels nationaux, et un directeur ouvert au développement des associations étudiantes. La conjonction des deux, alliée à une volonté partagée d’un travail partenarial entre personnes, fondé sur les identités de chacune d’entres elles, aura fait le reste.

En effet, le développement des organisations aurait pu aussi se faire uniquement sur la base d’une logique endogène. Comme le relève le rapport de l'O.C.D.E. de 1986 sur le développement local, « en faisant fond sur les forces intérieures, le développement […] est possible sans l'apport de capitaux, de modes d'organisations ou d'idées venant de l'extérieur » ( 306 ). Cette analyse, développée sur une approche des collectivités rurales, s’entend tout aussi bien pour le développement associatif étudiant local.

Toutefois, il s’avère nécessaire d’adjoindre à l’endogène des ressources exogènes lorsqu’il existe pour la structure et ses leaders une aspiration à :

  • Se faire reconnaître,
  • Faire admettre sa capacité,
  • Asseoir sa crédibilité,
  • Obtenir des moyens.

L’endogène et l’exogène concourent alors conjointement au développement de l’association, afin d’assurer et perpétuer son fonctionnement. Ce recours à l'institutionnel ou au privé s'exprime à la fois dans la rencontre de soutiens matériels et financiers, mais aussi dans l'insertion multiforme des associations dans les structures institutionnelles. La volonté d’accéder aux ressources exogènes génère la nécessité d’un travail avec autrui, ce dernier se fondant, dans les cas étudiés, sur la base de relations inter-personnelles. L’apprentissage de cette expérience transforme, par apport expérientiel ainsi que par effet de diffusion, les modalités à venir de l’engagement des individus dans le monde social.

La multiplication des associations étudiantes, notamment sur un site universitaire, s’effectue aussi par une logique de réseaux, de contacts interpersonnels, de relations. Ces réseaux permettent la transmission de savoir, tout autant que d'informations, comme l’a par ailleurs montré
Bernard Pecqueur ( 307 ). Ils naissent de la proximité culturelle et géographique qu'ont les différents interlocuteurs entre eux.

Les différents numéros du « Décisions Etudiantes » mettent fortement en avant cette logique de réseau. Ainsi, le n°70 (novembre 2002) propose notamment un dossier intitulé « Organiser et développer un réseau associatif ». Au travers de conseils de structuration autour de pratiques informelles (échanger un café, se faire un repas ensemble, …), c’est la structuration d’un tissu de relations où tous les éléments « pourront fonctionner de façon autonome, et communiquer avec d’autres, sans hiérarchie et indépendamment de tout élément dominant » ( 308 ). Les propos de Delphine, membre de l’équipe fondatrice de la F.E.D.E.L. explicitent le processus : « fin 90, un étudiant messin exilé temporairement à Lille découvre le fax et les fédérations d'associations étudiantes ! De retour à Metz il en parle à ses amis et c'est ainsi que le projet FEDEL commence à prendre forme ! » ( 309 ).

Sur une dynamique similaire, j’ai pu voir fleurir sous mes mandats successifs au sein des associations de l’I.U.T. B de nouvelles structures. Le bureau des élèves du département Maintenance industrielle que j’ai créé s’inspirait directement de la forte proximité que nous entretenions avec les B.D.E. des départements Génie Mécanique, Génie Electrique et Techniques de Commercialisation. J’ai aussi assisté à la naissance de plusieurs clubs et associations thématiques, le foisonnement associatif et la concentration des structures favorisant l’émergence d’associations nouvelles : club jonglage, club jeux de rôle, club photo, humanitaire international, ...

Les modalités de développement du secteur associatif étudiant se rapprochent au final fortement des formes actuelles de construction des réseaux professionnels locaux à l’échelle de petites et moyennes entreprises. Les formes à venir de l’engagement des individus ont toute chance de répercuter ces orientations.

Notes
305.

( ) KAYSER Bertrand, La renaissance rurale, Armand Colin, 1989.

306.

( ) KAYSER Bertrand, op. cité.

307.

( ) PECQUEUR Bernard, op. cité.

308.

( ) Décisions Etudiantes n° 70, novembre 2002, p 13.

309.

( ) http://www.fedel.net.