Les similitudes/divergences avec les autres organisations du monde social :

Pour l’ensemble des organisations du monde social, secteur étudiant compris, on assiste à une montée en puissance des réseaux horizontaux tissés par les individus comme modalité de structuration et de solidification des organisations. Les individualités constituent l’ossature du collectif, processus en total renversement par rapport aux modes antérieurs de l’action collective.

A l’instar des autres secteurs du monde social, le secteur associatif étudiant se voit à partir du début des années quatre-vingt confronté à une forte croissance des engagements associatifs. Celle-ci s’exprime à la fois par une croissance du nombre des projets, des structures, et des actions réalisées. Au sein des réseaux constitués et des organisations nationales, ce développement structurel prend la forme de commissions thématiques, de nouveaux secteurs d’activités, générant même parfois l’émergence d’organisations parallèles plus spécialisées et complémentaires. Les études de l’I.N.S.E.E. montrent dans le même temps un déclin des engagements individuels dans des organisations d’intérêt général au profit d’organisations plus spécialisées et/ou plus locales. Visible dans le monde social, ce processus l’est aussi sur le monde étudiant, avec l’incitation à la création de nouvelles mono-disciplinaires par la F.A.G.E. par exemple, ou la multiplication des associations thématiques.

Dans le monde social, cette expansion conduit un certain nombre de réseaux à adopter une politique de standardisation des processus de fonctionnement interne. Celle-ci prend forme par le développement conjoint de trois modes de coordination : standardisation des procédés, planification du travail par le centre professionnel, mobilisation idéologique. Elle est une des conséquences de l’arrivée de professionnels dans les structures.

A l’inverse, elle génère dans le monde étudiant une croissance des différences de réalisation. Cependant, si cette croissance n’est pas un facteur de contingence sur le terrain, elle le devient bien pour les organisations nationales et les fédérations les plus importantes. On assiste dans ces cas à un accroissement de la bureaucratie, y compris sur le monde étudiant.

Pour faire face aux institutions, au marché, ainsi que pour générer des économies d’échelles, un certain nombre de réseaux associatifs du monde social créent, à partir du début des années quatre-vingt-dix, un échelon d’intervention supplémentaire au niveau supra-national. Ce dernier est aussi une des conséquences du développement d’organisations similaires dans des pays voisins. L’importance de ce dernier ira croissante au fil des années.

Le monde étudiant connaît pour sa part un fonctionnement à la fois similaire et différent. Une organisation supra-nationale, l’E.S.I.B., existe depuis 1982 à laquelle la F.A.G.E. adhère dès les premières années de son existence. Mais certaines associations, certaines mono-disciplinaires, développent elles aussi des accords et des relations internationales avec des organisations parallèles, démultipliant les réseaux de relations.

Sur le secteur étudiant, les relations au sein des réseaux s’établissent sur la base d’une forte autonomie des organisations entre les différents échelons. Les structures jouissent entre elles d’une réelle autonomie. L’appartenance à un réseau se fonde donc sur un acte volontaire des individus et des structures, et peu sur la base d’une tradition ou d’une appartenance antérieure. Ces modalités se retrouvent à l’identique dans les modes d’adhésion des individus aux structures : les bénévoles agissent au sein de celles-ci comme entités autonomes, sans être indépendantes. Ce mode de fonctionnement reste actuellement typique du monde étudiant. Il bouscule les pratiques habituelles et le consensus social. Compte-tenu de la croissance du process d’individuation, il est à penser qu’il s’étendra au fil du temps sur l’ensemble du monde social.

Cette forme d’adhésion s’appuie sur la nouvelle configuration des rapports entre structures locales et organisation nationale. Dans au moins deux cas sur trois (réseau F.A.G.E. et AnimaFac), le national assure de plus en plus d’activités liées directement à la réalisation des buts de mission et des buts de système. Ces activités de service aux associations se couplent à un fort partage de l’information en interne. Pour réaliser cet objectif, dans au moins un des cas (réseau F.A.G.E.), l’organisation nationale a créé, au début des années
quatre-vingt-dix, un poste de direction nouveau : vice-président chargé de la communication interne. Ce dernier a à charge de créer et développer des liens de reliance entre structures, à la fois de manière transversale et de manière horizontale.

Ces orientations nouvelles rejoignent celles prises par les O.N.G. et diverses organisations du monde social depuis ces dernières années. Nombres d’entre elles investissent dans le développement de la communication latérale, afin de favoriser les échanges entre les structures. Si certaines structures renforcent ces échelons intermédiaires par le placement de « pointures » bénévoles (cas d’Amnesty International notamment), rares sont celles qui ont à ce jour créé des postes de direction similaire. Il est pourtant permis de penser que ces derniers sont appelés à se développer, notamment pour générer du liant entre des individualités en expansion ( 317 ).

En outre, la formation des bénévoles tend désormais à devenir un élément clé dans les nouvelles organisations. L’apprentissage « sur le tas » s’estompe, pour être remplacé par de vraies formations. Pour les organisations du monde social, il s’agit d’une des conséquences de la professionnalisation des structures.

Dans le monde étudiant, l’impact de l’arrivée des professionnels est moindre : les formations restent pour l’essentiel réalisées par les équipes bénévoles. Cet outil est surtout utilisé pour renforcer l’identité commune du mouvement, et rompre l’isolement dans lequel se trouvent parfois certaines associations. Elles sont autant de lieux d’expression et d’échanges d’expériences individuelles. Les actions de formation ponctuelles se multiplient, et s’inscrivent dans la gamme de service que rend la fédération, l’organisation nationale aux structures qui lui sont rattachées.

Notes
317.

( ) Ainsi, longtemps resté un service peu étoffé et peu reconnu, la cellule « communication interne » au sein du réseau Max Havelaar France s’est agrandie début 2009, quadruplant rapidement son effectif salarié. Tous ont à charge de démultiplier la communication interne du réseau, à la fois entre associations et entre celles-ci et les instances nationales.