Un positionnement d’expert :

Face au déclin des institutions, garantes de l’équité entre les individus, et à la croissance du poids des logiques capitalistes dans la prise de décision institutionnelle, le secteur associatif cherche depuis près d’une vingtaine d’années à se positionner en tant qu’expert indépendant et crédible des problématiques auxquelles il s’attache. C’est le cas notamment d’organisations telles qu’Amnesty International, Greenpeace, …

A l’instar de ces autres organisations, les associations étudiantes tentent, dans leurs pratiques quotidiennes, de se positionner en tant qu’experts du monde étudiant. Les élus F.A.G.E. revendiquent être les représentants étudiants les plus assidus des conseils auxquels ils appartiennent. Ainsi, dès 1991, la F.A.G.E. met en place une charte des élus, dans laquelle « les étudiants soutenus par la F.A.G.E. lors d’élections universitaires s’engagent : à assister aux réunions des instances universitaires où ils ont été nommés ou à se faire représenter s’ils sont empêchés » ( 334 ). L’analyse des taux de présence des mandats C.N.E.S.E.R. valide la réalité de cette ambition. De fait, l’impact de cette présence est réel sur les autres partenaires, le réseau et le discours associatif étudiant de cette organisation se trouvant fortement crédibilisés.

Intégrée tout d’abord aux statuts de l’organisation, cette charte sera ensuite déconnectée de ces derniers, pour lui donner à la fois son autonomie propre et une plus grande visibilité aux yeux de tous. Encore présente dans le fonctionnement de la représentation étudiante au sein de la F.A.G.E., elle pose le principe d’un travail assidu, de fond et de longue haleine, des élus associatifs étudiants notamment nationaux, dans le but de positionner l’organisation et ses membres représentants comme experts des questions traitées.

Les exemples de pratiques relevant du domaine de l’expertise de la part des représentants associatifs étudiants dans les instances nationales sont nombreux. Ainsi, chaque année, le travail des élus nationaux au C.N.O.U.S. et au C.N.E.S.E.R. donne lieu à la rédaction d’un rapport d’activités détaillant chaque groupe de travail. Pour chaque réunion, on trouve l’ordre du jour, le P.V. de celle-ci fait par l’élu F.A.G.E., les différentes motions proposées, les résultats et explications de chaque vote, … Ce pavé, constitué d’une centaine de pages, est distribué lors du Congrès national à tous les membres de l’Assemblée Générale de la F.A.G.E. Il est un outil de communication tant en interne qu’en direction de l’extérieur, visant à affirmer le sérieux et le degré de maîtrise des questions traitées par les élus étudiants de l’organisation.

Le « Décisions Etudiantes », journal de diffusion de la F.A.G.E. sur l’ensemble de son réseau, s’en fait régulièrement l’écho, notamment pour interpeller les associations étudiantes sur des problématiques pointues touchant aux cursus des étudiants. A ce titre, le n°35 d’octobre 1997 met en exergue les problèmes d’application de l’arrêté du 9 avril 1997, et notamment de son article 24 prévoyant les modalités d’examens ( 335 ).

Dans son ensemble, le « Décisions Etudiantes » est emplit d’informations techniques pointues sur le devenir des filières, l’état des négociations avec le gouvernement au C.N.E.S.E.R. et au C.N.O.U.S. Lors des mouvements étudiants d’une filière particulière, de longues notes composées d’un état des lieux puis d’une analyse explicitent les positions des associations étudiantes, et celles défendues par la F.A.G.E. au Ministère. Le problème de la filière S.T.A.P.S. sera notamment traité en juin 1997 dans le n°33, la contestation touchant les I.U.T. en Novembre de la même année ( 336 ).

D’une manière plus générale, le « Décisions Etudiantes » comporte à partir de 1996 une rubrique « Ligne Directe » informant les responsables associatifs étudiants des réformes en cours et de l’état d’avancement des négociations. Ainsi, cette année-là sont abordées les réformes des D.E.U.G., Licences, Maîtrises, ...

A partir de 1999, cette rubrique devient « Informations Elus ». Elle s’intéresse désormais aussi aux C.R.O.U.S., universités, principalement sur des questionnements technico-juridiques. Le coût des études (ticket R.U.), des subventions mobilisables pour les associations (F.A.V.E., …), les nouveaux droits des étudiants (réformes des instances disciplinaires des E.P.S.C.P.), l’évolution des normes SAN REMO ( 337 ) sont quelques-uns des dossiers traités. Si les thèmes changent donc, la dimension technique et l’ambition de diffuser sur l’ensemble du réseau ce savoir restent les mêmes.

Pour sa part, le journal de P.D.E. « Acteurs Etudiants » se compose en quasi-totalité de sujets d’ordre technique. Il se concentre pour l’essentiel sur les négociations en cours au C.N.E.S.E.R. et au C.N.O.U.S., et ne comporte aucun support technique sur l’aide à la gestion d’associations, de projets. Nous sommes ici davantage dans l’ordre du compte-rendu des négociations et dans l’information sur les actualités associatives du moment. Cependant, dans ce cas aussi, s’exprime la volonté d’être un support explicatif technique pointu pour les responsables associatifs étudiants. L’expertise comme nouvelle constante de l’engagement collectif des individus dans le monde social s’impose donc peu à peu, les associations étudiantes se faisant actrices de ce processus.

Notes
334.

( ) Statuts de la F.A.G.E.M. Archives de la F.A.G.E.

335.

( ) Deux modalités de notation se trouvant être en application au même moment pour les étudiants d’universités, il s’ensuit la naissance d’un vide juridique pouvant entraîner l’annulation au tribunal administratif des examens terminaux pour cette population. Ayant informé le gouvernement de ce risque, la F.A.G.E., seule organisation étudiante à avoir relevé alors ce point d’achoppement, se heurtera cependant à une fin de non-recevoir de la part celui-ci, gelant la situation, en même temps qu’ouvrant la porte à des contestations.

336.

( ) Décisions Etudiantes » n°36, novembre 1997.

337.

( ) Décisions Etudiantes n°57, avril 2001.