II-C-2) L’affirmation de nouveaux droits pour l’individu.

Les évolutions juridiques :

Le monde associatif étudiant agit aussi fortement pour l’affirmation de nouveaux droits en faveur de l’individu, impactant de fait les formes à venir des modes d’engagement collectif des individus dans le monde social. Ces derniers se donnent tout d’abord à voir au travers de la mise en place d’une reconnaissance de l’engagement étudiant sur les campus dans le cadre de la scolarité.

Il y a encore une dizaine d’années, le soutien par le corps enseignant et le corps de direction d’un étudiant fortement investi dans la vie associative n’existait pas ou se limitait à des pratiques informelles. Il était parfois possible de solliciter auprès du chef d’établissement ou du responsable de la filière une lettre de recommandation pour appuyer une demande d’entrée dans une école d’ingénieur ou de commerce. A titre personnel, j’ai eu le privilège de bénéficier de courriers de recommandation de la part de mon directeur d’I.U.T. lors de mes candidatures pour mes poursuites d’études. Ces pratiques tenaient cependant pour beaucoup du bon vouloir et de la disposition du ou des responsables enseignants.

La reconnaissance officielle des activités associatives apparaît en 1997, par un débat et un vote au C.N.E.S.E.R. (séances du 7, 8 et 9 avril 1997), repris dans l’arrêté du 9/04/97, article 16 dans le cadre de la réforme des D.E.U.G., licences et maîtrises. Cet arrêté établit l’engagement associatif étudiant comme une spécificité du cursus, pouvant bénéficier d’un régime spécial d’études, à l’instar des engagements dans la vie active ou dans le sport de haut niveau. Elle sera conquise de haute lutte par les représentants des associations étudiantes, les élus étudiants des syndicats politisés s’opposant à cette avancée ( 348 ). Ayant personnellement présenté ce projet en 1996 au Conseil d’Administration de
Lyon I où je siégeai comme élu étudiant, celui-ci fut enterré par les représentants d’organisations étudiantes politisées et ne vit pas le jour.

Ce droit nouveau a été confirmé par la circulaire 29 août 2001, visant à une reconnaissance des engagements associatifs étudiants par la mise en place de modalités d’évaluations particulières ( 349 ). Si ces évaluations ouvrent à une reconnaissance officielle de la validité et de la pertinence de l’engagement associatif au cours des études, elles retraduisent dans le même temps une réelle transformation des habitudes et des pratiques, dans le sens d’une affirmation plus grande des droits des individus.

Là encore, le secteur associatif étudiant se fait promoteur en même temps qu’à l’initiative de changements sociétaux profonds. Ainsi, depuis la rentrée 2005-2006, les élèves des collèges ont vu leur système de notation évoluer. Ce dernier comporte désormais un nouvel item « Vie de classe ». Celui-ci permet d’évaluer et de noter la participation de l’élève à la vie de l’établissement, son investissement dans le collectif, et valoriser le cas échéant des engagements importants d’élèves en faveur des autres. Par son rôle d’impulsion et de préfigurateur dans les dynamiques sociales, le mouvement associatif étudiant a ainsi donné à voir des formes particulières de lien et de reconnaissance de l’engagement collectif des individus sur le monde social par l’institution, avec près d’une dizaine d’années d’avance.

Les développements de la citoyenneté étudiante, ainsi que les revendications menées par les représentants étudiants ont amené peu à peu les instances décisionnelles de l’Enseignement Supérieur à prendre acte de l’existence de ces derniers en tant qu’acteurs de l’Université. Pour Alexandre, vice-président étudiant de l’Université de Metz, « nous rentrons dans une ère où, l'étudiant ne veut plus être simple consommateur de cours ou revendicateur occasionnel, mais acteur permanent au sein de sa propre Université » ( 350 ). Cette implication et cette volonté étudiante amènent les universités à reconnaître et instituer l’existence d’un personnage nouveau, le vice-président étudiant, dès le milieu des années quatre-vingt-dix. Ce dernier dispose, à l’instar des autres vice-présidents des universités, d’un véritable pouvoir décisionnel, de gestion et de contrôle sur le fonctionnement de l’Université. Les C.R.O.U.S. créeront eux aussi un poste de vice-président étudiant au sein de leurs instances quelques années plus tard.

L’arrivée d’étudiants dans les organes centraux des institutions universitaires confère désormais à ces derniers un droit de regard et de critique plus important qu’auparavant sur le fonctionnement et les pratiques de ces organisations. En même temps, en tant qu’usagers, la place nouvelle prise par les étudiants signe pour l’individu la reconnaissance de droits nouveaux, dont notamment celui d’être véritablement un acteur politique responsable des institutions dans lesquelles il évolue.

Le cadre de la réforme des instances disciplinaires ouvre aussi de nouveaux droits pour les étudiants. Ainsi, les jugements des commissions disciplinaires statuant sur les étudiants sont désormais publics. C’est une grande nouveauté en France, même si la convention européenne des Droits de l’Homme reconnaît à tous le droit d’être jugé en public. En outre, cette nouvelle mouture des textes régissant les procédures disciplinaires voit l’apparition du sursis à exécution pour les décisions auparavant déclarées « exécutoires nonobstant appel », c’est-à-dire devant s’appliquer sans attendre le jugement de l’appel.

En effet, ce type de sanctions disciplinaires était parfois utilisé à l’encontre de responsables étudiants devenant trop gênants dans une université, afin d’obliger ce dernier à s’inscrire ailleurs. Désormais, le sursis à exécution permet à l’étudiant de poursuivre ses études dans son université, en attendant le jugement d’appel. Cette réduction de l’arbitraire dans les procédures disciplinaires ouvre à l’étudiant de meilleurs moyens de défense. Mises en œuvre sous l’impulsion des représentants étudiants dans les instances décisionnelles nationales, elle inscrit totalement le mouvement associatif étudiant comme acteur de la naissance de droits nouveaux pour les individus.

Dans la poursuite de ses revendications posées en 1996 lors des Etats Généraux de l’Université, la F.A.G.E. et le réseau associatif étudiant obtiendront en 1997 au C.N.E.S.E.R. l’évaluation par les étudiants des formations et des enseignements. Ce droit étudiant nouveau répond à un double objectif. Il permet à la fois une évolution plus efficiente des formations, par leur confrontation avec le regard des étudiants formés, en même temps qu’il conduit à un accroissement de la citoyenneté des étudiants, désormais partie prenante de leur lieu d’enseignement, et non plus seulement usager.

Notes
348.

( ) Ainsi, l’U.N.I. accusait-elle la F.A.G.E. de « vouloir constituer une caste d’élus et de responsables associatifs bénéficiant de privilèges par rapport aux autres étudiants et de vouloir appâter de nouvelles associations par ce biais ». L’U.N.E.F.-I.D. émettra quant à elle de nombreuses réserves envers tout mécanisme de validation dans les cursus. Décision étudiante n°30,
avril-mai 1997, p 3.

349.

( ) Celles-ci peuvent prendre la forme d’« unité d'enseignement optionnelle [qui] constitue sans aucun doute le meilleur moyen de validation de l'action étudiante dans le cadre de la formation. Mais cela peut aussi prendre la forme de stages, de rédaction d'un mémoire ou d'un rapport, de mention sur le diplôme voire de bonification ». Circulaire n°2001-159 du 29-08-2001, Bulletin officiel du Ministère de l’Education Nationale.

350.

( ) http://www.fedel.net.