A l’instar de ce qu’il est possible d’observer sur l’ensemble du monde social, l’action du mouvement associatif étudiant ouvre de nouveaux droits pour les individus. Ces derniers s’observent à la fois sur le plan juridique, financier, ainsi que vers une plus grande reconnaissance de l’individu par l’institution. L’agir associatif étudiant devient un outil de conquête de nouveaux droits sociaux pour ceux-ci : droit à la mobilité internationale, accès aux bourses étudiantes, … L’association étudiante s’impose peu à peu comme un outil nouveau de lutte étudiante contre les débordements de l’administration universitaire et contre le monopole de violence symbolique dont elle dispose. Elle s’émancipe de fait de ses rôles précédents, davantage tournés sur l’animation des campus et la gestion administrative de ces derniers. En ce sens, l’association sort du rôle strictement assistanciel dans laquelle elle était auparavant cantonnée, pour s’affirmer progressivement comme outil de conquête et d’avancées sur le social. Cette évolution impacte d’autant les formes à venir des engagements collectifs des individus dans le monde social ( 353 ).
Les syndicats et partis politiques disposent d’une antériorité indéniable en matière de contestation sociale et de conquêtes de droits nouveaux. Ces postures constituent pour ces derniers des processus de renforcement du groupe bien rodés, participant à la reconstruction identitaire permanente des organisations. Des droits nouveaux peuvent se voir être réclamés par l’usage de la radicalité, frôlant parfois l’illégalité. Les syndicats et partis politiques disposent aussi d’une antériorité certaine dans la mise en exergue des conflits de droit et la mise en débat de ces derniers devant des tribunaux pour faire évoluer le droit. « Guérilla législative pour faire reconnaître ou conquérir de nouveaux droits », la mobilisation de l’expertise juridique pour faire évoluer le droit est une pratique ancienne chez les syndicats, pour qui « le droit n’est pas qu’une contrainte, il peut être une ressource pour l’action » ( 354 ).
Mais, sur le monde social, l’apparition des luttes des « sans » à partir des années quatre-vingt-dix, constitue une figure emblématique de la conquête de droits nouveaux en dehors des syndicats et partis politiques. Elle donne à voir une affirmation publique de groupes en difficultés qui s’adresse tant au pouvoir public qu’à la société toute entière. Le collectif devient un outil de déstigmatisation ou de revendication identitaire. A ce titre, l’association permet la formalisation du combat pour l’autonomie des personnes et contre leur stigmatisation, oeuvrant donc à la défense des droits sociaux fondamentaux de l’individu. Outil de solidification personnelle, l’association cherche à obtenir par le droit une autonomie des personnes, que le droit pourrait sécuriser. Elle devient maintenant une modalité de structuration pertinente dans le cadre de la contestation sociale et l’obtention de droits nouveaux pour les individus.
Les récentes avancées obtenues par le mouvement associatif étudiant en matière de reconnaissance de l’expérience associative dans les parcours universitaires renforcent cette dynamique. L’action associative s’est faite revendicatrice et a permis la conquête de nouveaux droits par le combat juridique. Son action institutionnalise la place de l’agir associatif comme modalité pertinente de l’engagement collectif en matière de conquêtes sociales. De fait, les modalités des engagements des individus dans le monde social s’en trouvent impactées.
En outre, cette obtention permet de faire avancer le droit sur ce point pour l’ensemble de la société, puisqu’elle ouvre à une légitimation de ces pratiques sur l’ensemble du parcours éducatif (actuellement en cours ou à l’œuvre depuis sur d’autres niveaux scolaires) ainsi que sur le secteur professionnel. Ainsi, malgré son « retard » sur ce point, certaines avancées en matière de droit des individus obtenues par le mouvement associatif étudiant diffusent ensuite sur l’ensemble de la société, conférant alors un rôle précurseur au mouvement associatif étudiant.
( ) Sur ce point, notre analyse diverge quelque peu de celle faite par Martine Barthélémy dans « Associations : vers un nouvel âge de la participation ? », pour qui l’association se cantonne désormais de plus en plus à la gestion de l’urgence (lutte contre les exclusions, pauvreté, SIDA, ...) et qui contribue, par sa recherche continue de solutions pragmatiques et immédiates, à éluder progressivement la dimension politique de l’agir associatif. Sans me prononcer sur les modalités associatives du monde social, il m’apparaît pour ma part que l’agir associatif étudiant contribue bien au contraire à amener les étudiants à l’action et la réflexion politique (oeuvrer bénévolement en faveur de la scolarisation des jeunes de banlieues ou pour le développement du commerce équitable amène nécessairement, par la confrontation des avis, à une réflexion politique des individus sur le sens de l’action qu’ils mènent). Le conflit avec l’institution constitue alors une modalité d’agir parmi d’autres pour ce faire. Comme le relève à ce titre le rapport 2009 de l’O.V.E., « ce sont les moyens plus que les thèmes qui ont changé, avec un engagement dit plus concret actuellement, mais qui peut aussi revêtir des formes plus contestataires. » … A rebours de l’analyse de Barthélémy, l’O.V.E. confirme que sur le monde étudiant au moins, « les frontières entre pragmatisme et idéologie sont poreuses ». COME Thierry & MORDER Robi, sous la direction de, op. cité, p 38-39. En sortant de ses précédents rôles assistanciels et d’animateurs, en s’essayant à une conflictualité conjuguée à une participation gestionnaire, par son plus fort détachement envers les sources de financement institutionnelles aussi, l’agir associatif étudiant offre un nouveau modèle attractif d’agir collectif pour la transformation du social, et de fait, des formes de l’engagement collectif des individus dans le monde social.
( ) ION Jacques, FRANKIADAKIS Spyros, VIOT Pascal, Militer aujourd’hui, p 105.