Vers la naissance d’un individu plus responsable socialement :

Outre ces aspects professionnels et civiques, l’individu nouveau que l’expérience associative contribue à construire se caractérise par une plus grande responsabilité sociale. Nous avons pu, lors des paragraphes précédents, nous intéresser à la naissance d’une conscience mondiale chez l’individu, phénomène retraducteur en même temps que couplé à l’apparition d’une plus grande responsabilité sociale de ce dernier.

Cette responsabilité sociale se retraduit de manière claire au travers des modalités d’action menées par les associations étudiantes. Ainsi, cette dynamique de responsabilisation se donne à voir sur des thématiques de santé publique, au premier rang desquelles la lutte contre le sida. Depuis de nombreuses années déjà, et plus visiblement depuis le début des années quatre-vingt-dix avec le développement de l’audience de la F.A.G.E., le mouvement associatif étudiant s’investit sur cette question de santé publique. Nous avons déjà pu observer, lors de lignes précédentes, comment le mouvement associatif prend peu à peu à sa charge des actions et des missions de service public, remplaçant progressivement l’Etat là où ce dernier disparaît.

L’implication des associations étudiantes dans la lutte contre le SIDA et les MST se retraduit tout d’abord au travers de nombreuses soirées organisées au profit des organisations associatives nationales luttant contre ces maladies. Ainsi la Fédé B, Fédération des Etudiants de Brest, organise chaque
Jeudi 4 décembre depuis sa création en 1993 une Opération intitulée « Jeudi non au S.I.D.A. », en association avec A.I.D.E.S. L’objectif de cette soirée est « de faire le maximum d’information et de prévention sur ce que sont les Infections Sexuellement Transmissibles » ( 361 ). Au cours de cette journée, des stands d’informations sont mis en place sur une large partie des campus de la ville. Puis, tout au long de la journée, des responsables associatifs étudiants préalablement formés par A.I.D.E.S. répondent aux questions des étudiants et installent le dialogue avec ces derniers, avec distribution de documents, de préservatifs, … La journée se termine par une visite des bars partenaires de l’opération, puis une soirée étudiante, dont les bénéfices sont reversés à A.I.D.E.S. Outre cette activité ponctuelle, la Fédé B gère aussi des distributeurs de préservatifs, contribuant à une plus grande responsabilisation des étudiants sur ces questions de santé publique.

Dans le même sens, les bénévoles de l’association corporative des étudiants de Médecine de Lille animent des actions de prévention sur ces questions, en direction des publics lycéens. Par le biais d’interventions en classes, construites sous la forme du dialogue et de l’échange, les bénévoles cherchent à faire prendre conscience aux plus jeunes qu’eux des risques liés à des pratiques sexuelles peu responsables et dangereuses. L’association Paramour de Toulon édite pour sa part un journal, « L’un dans l’autre », qui a pour but de sensibiliser les étudiants et les jeunes sur le Sida.

Enfin, depuis près de cinq ans, les associations étudiantes participent activement à la responsabilisation des étudiants en matière de sécurité routière, que résume notamment l’édito du « Décisions Etudiantes » n°61 : « l’insécurité routière est la première cause de mortalité chez les jeunes. L’accidentologie des jeunes est spécifique : les accidents ont souvent lieu la nuit, le week-end, notamment lors des retours de soirées. Les associations étudiantes qui organisent des soirées ont en quelque sorte une responsabilité morale vis-à-vis des étudiants qui y participent. … Chaque organisateur de soirées doit prendre en compte les facteurs de risques inhérents à la fin de soirée. … Les associations étudiantes doivent être volontaristes et responsables sur ce sujet ». Ce discours est couplé à un large panel d’initiatives en faveur de la sécurité routière : navettes de bus, distribution d’éthylotests, café-croissants et softs servis gratuitement en fin de soirée, stands de prévention, … sont autant d’exemples d’actions montées par les associations étudiantes sur cette thématique. Toutes ces réalisations visent à rendre plus responsables tant les bénévoles que les étudiants. L’action associative étudiante participe ici de la responsabilisation croissante des individus dans leurs engagements, et de l’émergence progressive du Sujet tourainien au sein de celle-ci.

La plus grande responsabilité sociale des étudiants engagés dans des actions bénévoles s’observe enfin au travers du fait que les lieux publics de la mobilisation étudiante sont moins immédiatement sensibles aux effets de mode. Cette dynamique tranche ici nettement avec ce qui se donne à voir sur l’ensemble de la société. Ainsi, certaines dynamiques sociales tombent dans le domaine de l’oubli sur l’ensemble de la société, du fait de changements d’éclairage nés du rythme de l’information. En effet, celle-ci commande désormais de faire de l’évènementiel plus que de l’information au citoyen. Sur le milieu étudiant, les problématiques d’engagement perdurent et continuent de trouver une audience soutenue.

Ainsi en est-il des questions liées à l’environnement qui tout au long des années quatre-vingt-dix ne bénéficiaient guère d’audience sur l’ensemble de la société, tout en mobilisant un nombre important d’associations étudiantes. Les actions menées par les associations étudiantes en direction du S.I.D.A. et des M.S.T. vivent une situation similaire. En effet, pour Anne Guaguère, membre de la branche Action Santé prévention de l’A.C.E.M.L. (Association Corporative des Etudiants de Médecine de Lille) dont le but est de faire de la prévention sur le S.I.D.A. et les M.S.T. dans les lycées : « Il existe moins de prévention contre le SIDA en général. On n’en parle plus. Il suffit de voir le pauvre constat du premier décembre. A part le reportage d’Arte, personne dans les médias n’a parlé de la journée mondiale contre le sida » ( 362 ). Pour amer qu’il soit, ce témoignage, ainsi que la somme des actions des associations étudiantes en direction de ces problématiques, indiquent clairement la prise de conscience effective de la population étudiante sur ces sujets. Il confirme l’émergence d’un fort degré de responsabilisation citoyen de la part des bénévoles associatifs étudiants, dynamique qui vient nourrir la construction d’un individu socialement responsable.

De fait, sur cette dynamique, le mouvement associatif étudiant se place là encore fortement actif dans la construction d’un nouvel individu, un sujet plus autonome et responsable, de lui-même, de ses choix, et de son environnement. Cette construction s’inscrit totalement dans l’idée du Sujet tourainien, démontrant le rôle moteur du mouvement associatif étudiant dans l’émergence de ce dernier et sa participation aux transformations des modes d’engagements collectifs des individus dans le monde social.

Notes
361.

( ) www.fedeb.org.

362.

( ) Décisions Etudiantes n°62, décembre 2001, p 7.