Annexe n°4
Fédérations locales et taille de villes

Comme le montre le graphique n°52, les structures fédératives sont réparties très inégalement sur l’ensemble des typologies de villes. On note ainsi à la fois une prédominance des villes de 200 000 à 300 000 habitants, et une moindre mobilisation des villes de 50 000 à 100 000 habitants, et des villes de 300 000 à 500 000 habitants.

Graphique n°52: répartition des fédérations d’associations étudiantes
Graphique n°52: répartition des fédérations d’associations étudiantes selon la taille des villes.

Le graphique est construit sur la strate de population fédération, contenant 45 observations, définie par type = {fédération}.

Cependant, cette répartition doit être mise en regard du nombre de ville pour chaque typologie de villes, et de la vitalité associative au sein de ces mêmes typologies. C’est ce que nous allons tenter d’observer, à partir du tableau suivant. La partie de gauche sera composée de données d’origines différentes (I.N.S.E.E., Ministère de l’Education Nationale, enquête propre), tandis que celle de droite comporte divers résultats nécessaires à notre analyse (cf. graphique n°53).

Graphique n°53 : répartition des associations et des fédérations
Graphique n°53 : répartition des associations et des fédérations selon la taille des villes

Source : enquête propre

Aux vues du tableau ci-dessus, le nombre d’associations se trouve au premier abord être en relation directe avec le nombre d’étudiants présents dans les différentes villes, représenté ici par la part de population française par type
de ville ( 386 ). On notera à ce titre une gradation assez régulière de la proportion d’associations étudiantes, selon la taille des villes. Néanmoins, malgré une prééminence certaine des grandes villes, l’ensemble du territoire semble être maillé d’un réseau associatif étudiant relativement constant.

Toutefois, cette répartition régulière et continue qui s’observe en grande masse pour les associations étudiantes se fait tout à coup plus cahoteuse pour les fédérations d’associations. La répartition des fédérations ne semble plus répondre à la répartition de la population. Une telle déconnexion ne serait pas a priori illogique : puisque ces fédérations ont avant tout comme vocation de représenter une population étudiante locale, il ne serait pas anormal que le nombre de fédérations soit cette fois-ci corrélé au nombre de villes, et non plus à celui des étudiants présents dans cette ville. Or, puisqu’il existe moins de villes de plus de 100 000 habitants que de villes de moins de 100 000 habitants, il serait logique que nous ayons cette fois-ci la répartition des fédérations, fonction du nombre de villes présentes dans chaque tranche. Cependant, de toute évidence, ce n’est pas non plus ce cas de figure qui se présente. Plus de 75 % des fédérations sont en effet dans les villes de plus de 100 000 habitants, quand, dans le même temps, celles-ci ne représentent que 70 % de la population, mais surtout que 38,51 % du nombre de ville. Il va donc nous falloir trouver ailleurs les sous-tendus qui animent la création de fédérations locales avant de poursuivre plus avant notre analyse.

Pour ce faire, nous allons tout d’abord pondérer les résultats bruts obtenus, à la fois par le nombre de ville, et par la part de population que ces dernières représentent. Ces deux pondérations vont en effet nous permettre « d’effacer » en quelque sorte l’influence du nombre et de la quantité, pour faire ressortir des données plus révélatrices du dynamisme des différentes typologies de villes. Cela ne veut en effet pas dire la même chose que de représenter par exemple 28,7 % des associations sur 61,49 % du nombre de villes, et 34,40 % des associations sur un nombre moitié moindre de villes.

En ce sens, il convient tout d’abord de vérifier que les proportions importantes prises par certaines typologies de villes ne sont pas dues essentiellement à leur poids démographique ou à leur nombre plus important. Pour pouvoir comparer des dimensions comparables, il s’avère donc nécessaire de faire un tableau de pondération. La première série de calcul (colonne de gauche du tableau ci-dessous) élimine la dimension « nombre de ville », tandis que la deuxième série (colonne de droite) élimine la dimension « nombre d’étudiants » (cf. graphique n°54).

Graphique n°54 : tableau de pondération
Graphique n°54 : tableau de pondération

Calculs établis à partir des données de l’enquête personnelle.

Ainsi, pour 100 villes de moins de 100 000 habitants, nous aurons, par exemple, 47 associations étudiantes, tandis que pour 100 villes de plus de 300 000 habitants, nous aurions 341 associations. De la même manière, nous aurons 40 fédérations pour 100 villes de moins de 100 000 habitants, tandis que nous aurions 169 fédérations pour 100 villes de 100 000 à 300 000 habitants. Une telle série de données nous permet donc d’observer que nous avons une réelle relation entre la taille des villes, c’est-à-dire le nombre d’étudiants présents au sein de celles-ci, et le nombre d’associations qui y évoluent. Nous pouvons de même observer que le nombre d’étudiants aura une influence sur la création de fédérations, mais de façon moins prégnante que pour les associations. On observera notamment un réel dynamisme fédératif de la part des villes de 100 000 à 300 000 habitants, puisque, toute chose étant égale par ailleurs, elles auront alors tendance à créer plus de fédérations que d’associations.

L’influence du nombre d’étudiants se trouve être confirmée par la série de droite, puisque l’on observe rapidement que les écarts à la moyenne sont ici beaucoup plus faibles, quelle que soit la plage de données. Ainsi, par exemple, pour 1 000 étudiants, nous aurons 94 associations dans les villes de moins de 100 000 habitants, et 110 dans les villes de plus de 300 000 habitants. De même, nous aurions alors 80 fédérations dans les villes de moins de 100 000 habitants, et 129 dans les villes de 100 000 à 300 000 habitants. Si nous observons donc ici l’influence brute des effets de la concentration des étudiants sur le développement associatif et fédératif, et si nous pouvons remarquer une participation de cet élément sur ce même développement, force est toutefois de constater que ce facteur n’est pas l’élément principal du développement des associations étudiantes. En revanche, cette même influence se fait plus marquée pour les fédérations, notamment pour les villes de 100 000 à 300 000 habitants. En effet, l’écart à la moyenne dans le cas de la première série sera de 0,1
(1,69-1,59), tandis que sur la série 2, il sera de 0,3 (1,29-0,99).

De ces résultats, nous pouvons tout d’abord en conclure que le nombre d’associations étudiantes croît en fonction de la taille de la ville, c’est-à-dire en fonction du nombre d’étudiants présents dans cette même ville. Nous pouvons aussi en conclure que la part importante prise par les villes de 100 000 à 300 000 habitants n’est pas à relier avec leur part importante dans la répartition des villes universitaires française : ce phénomène d’expansion est extérieur à une simple notion numérique.

Le deuxième tableau nous montre dans le même temps que cette notion du nombre d’étudiants doit être distanciée de celle de la densité : celle-ci aura un effet négatif dans la création de fédération. Cet effet négatif se ressent à la fois dans le trop-plein comme dans le pas assez. Ainsi, la vitalité de création de fédérations selon les villes fait-elle se rejoindre de manière assez surprenante les villes de plus de 300 000 habitants, et celles de moins de 100 000 habitants. Ces deux typologies de villes, pour des raisons totalement contraires, ont un taux de création de structures fédératives relativement faible. A la différence, les villes de 100 000 à 300 000 habitants donneront aux structures fédératives des atouts puissants pour se constituer. La forte potentialité des villes de 100 000 à 300 000 habitants en matière de structures fédératives sera notamment rendue plus visible par le graphisme suivant (cf. graphique n°55).

Graphique n°55 : Variation des taux de vitalités par type d’association
Graphique n°55 : Variation des taux de vitalités par type d’association et par type de ville.

Source : enquête propre.

Les indices de dynamisme ont été calculés en multipliant entre eux les deux ratios issus du graphique n°54, ceci pour éliminer toute sur-pondération d’un facteur particulier. Le calcul a été fait pour les fédérations (série rose), puis pour les associations (série bleu). Par le biais de l’échelle logarithmique, si l’on observe bien la relative dépendance entre taille des villes et croissance du nombre d’associations, il est aussi tout à fait remarquable que les villes
de 100 000 à 300 000 habitants vont se caractériser de manière forte dans les constructions fédératives. En effet, l’écart entre les deux courbes pour les villes de moins de 100 000 habitants équivaut peu ou prou à celui des villes de plus de 300 000 habitants. En revanche, cet écart sera non seulement plus important, mais aussi et surtout inversé pour les villes de 100 000
à 300 000 habitants.

Ce que montre au final l’ensemble de ces courbes, c’est que la reconstruction d’une pensée et d’un agir fédéraliste sur le monde associatif étudiant sera essentiellement le fait des populations étudiantes vivant dans les villes de 100 000 à 300 000 habitants.

Nous avons en fait sur ces villes la jonction de deux phénomènes conjoints, qui s'additionnent pour appuyer le mouvement en cours. Le premier est exogène, et dépend au final de l’Etat, tandis que le second est endogène et dépend des modalités de participation des associations étudiantes aux transformations sociétales.

De manière synthétique, la démocratisation progressive et continue de l’enseignement supérieur au fil des années 70-90 a conduit sur les bancs des universités un nombre croissant d’étudiants. Cette croissance trouve ses origines tant dans le développement des classes moyennes au sein de la population française, que dans une demande croissante de qualification universitaire pour faire face aux risques de chômage, dont les étudiants prennent de plus en plus conscience. Cette demande accrue de qualifications supérieures trouve notamment sa réponse dans une expansion du nombre d'étudiants dans les sites universitaires, ainsi qu’une croissance conjointe du nombre de formations délivrées (cf. chapitre II).

D’une manière générale, les sites auparavant de second rang vont accéder peu à peu au statut de ville universitaire. L’institution d’enseignement supérieur devient un outil de développement local pour la ville, et rares sont désormais les villes qui n’ont pas désormais, qui son I.U.T., son antenne délocalisée, son école de commerce ou d’ingénieur. Or, dans l’ensemble du processus, les principaux bénéficiaires de ce rééquilibrage seront les villes de 100 000 à 300 000 habitants. Comme le précise à ce titre Fischer, suite au plan Université 2000, « la nouvelle géographie universitaire tient en deux points : le retour de l’université dans la ville et l’essaimage universitaire essentiellement dans les villes moyennes du nord et de l’Ouest de la France » ( 387 ).

Dans le même temps, une relation nouvelle va s’instaurer entre l’université et la ville. Envisagé sur la base d’une dynamique plus partenariale, ce changement de perspective va ainsi bénéficier aux étudiants et aux associations étudiantes. Les associations étudiantes se trouvent alors prises dans un contexte favorable de développement, les élus se faisant souvent partenaires du développement d’une vie culturelle et sociale étudiante importante, élément d’intégration tout autant qu’élément de rayonnement extérieur. Nombreuses seront ainsi les villes qui, de Valence à Blois, en passant par la Rochelle, mettront en œuvre une politique dynamique en faveur du public étudiant. Les contextes locaux de ces nouveaux sites universitaires se faisant favorables au développement de la vie associative on assiste alors, par voie de conséquence, à un développement de la vie fédérative. C’est en ce sens qu’il faut comprendre la part importante des associations et des fédérations nouvelles sur le champ associatif étudiant. En effet, lorsque l’on observe les années moyennes de création de fédérations, si l’on voit bien que le renouveau de la pensée fédéraliste locale date du début des années quatre-vingt, dans le même temps, les fédérations des villes de 100 000 à 300 000 habitants seront elles beaucoup plus postérieures, naissant en moyenne vers le milieu des années quatre-vingt-dix (cf. graphique n°56 et n°57).

Graphique n°56 :
Graphique n°56 : année moyenne de création des fédérations.
Graphique n°57 :
Graphique n°57 : année moyenne de création des fédérations selon la taille des villes.

Les valeurs des tableaux sont pour chaque critère et chaque modalité, le nombre d’observations hormis les non-réponses. Ces tableaux sont construits sur la strate de population « Fédération » contenant 45 observations, et définie selon le filtrage suivant : type = {fédération}.

On le voit donc, l’ouverture des collectivités locales en direction des étudiants, dont les villes de 100 000 à 300 000 habitants se font les plus caractéristiques, va favoriser la vie associative en même temps que fédérative.

De manière connexe, on observera que l’adhésion des associations locales aux fédérations de ville se fait plus importante sur ce créneau
(cf. graphique n°58).

Graphique n°58 : adhésion des associations à une fédération de ville
Graphique n°58 : adhésion des associations à une fédération de ville en fonction de la taille de la ville.

Les valeurs du tableau sont des pourcentages en ligne établis sur 1619 observations, non réponses exclues.

Comme le montre le graphique ci-dessus, les villes de 100 000 à
300 000 habitants sont celles où l’adhésion aux fédérations locales se fait la plus importante, dépassant à chaque fois les 50 %. La relation plus forte qui se joue pour ces villes entre collectivités locales et associations étudiantes impacte donc à la fois la vitalité du fédéralisme local, mais aussi sa capacité à remporter l’adhésion des structures qu’elle a à charge de représenter.

En moyenne, les fédérations sont composées de 16 associations
(cf. graphique n°59). Comme le montre le tableau ci-dessous, ce nombre ne semble guère impacté par la taille de la ville, le nombre d’associations fédérées suivant une progression relativement linéaire.

Graphique n°59 : nombre d’associations fédérées selon la taille de la ville.
Graphique n°59 : nombre d’associations fédérées selon la taille de la ville.

Source : enquête propre

Enfin, quelle que soit la taille de la ville, on observe une forte adhésion des structures fédératives locales à l’une ou l’autre des fédérations nationales (F.A.G.E. / P.D.E.). Comme le montre en effet le tableau ci-dessous, ces structures adhèrent à un regroupement national à 86 % (cf. graphique n°9). Cette force du localisme ne s’accompagne donc pas d’un rejet des réseaux nationaux.

Graphique n°60 : adhésion des fédérations locales à une fédération nationale.
Graphique n°60 : adhésion des fédérations locales à une fédération nationale.

Source : enquête propre. La différence avec la répartition de référence est très significative. chi2 = 22,35, ddl = 1, 1-p = >99,99%. Le chi2 est calculé avec des effectifs théoriques égaux pour chaque modalité. Le tableau est construit sur 45 observations. Les pourcentages sont calculés par rapport au nombre de citations. Ce tableau est construit sur la strate de population 'Fédération' contenant 45 observations et définie par le filtrage suivant : type = {fédération}

Comme le montre en effet le tableau ci-dessus, l’adhésion des fédérations locales à un réseau national remporte un vif succès, mis en outre en évidence par un chi 2 révélateur d’une forte corrélation.

Notes
386.

( ) Cette série de donnée a été choisie parce qu’il n’a pas été possible de trouver d’informations sur la répartition de la population étudiante selon la taille des villes. Pour ce type de données, nous nous sommes donc référé aux conclusions de la DATAR et du Ministère de l’Education Nationale, qui dans leur étude commune, écrivent que « la concentration de la population étudiante … constitue souvent le décalque renforcé de la répartition de la population totale sur le territoire de l’Académie. ». Atlas régional, Les effectifs d’étudiants en 1999-2000, Direction de la Programmation et du Développement.

387.

( ) FISCHER Didier, op. cité, p 484.