Les autres usagers de la route : une cohabitation difficile

Si la route était réservée au seul usage des véhicules lourds, l’environnement resterait, certes, complexe mais l’activité des conducteurs routiers serait sans doute moins stressante. Ce n’est évidemment pas le cas, la route appartient à tous et les autres usagers, tous vulnérables au regard d’un camion, sont nombreux à partager cet espace. Cette cohabitation, du point de vue des conducteurs de camions est souvent délicate. En effet, les autres usagers de la route sont rarement conscients de la difficulté et des risques spécifiques que représente la maîtrise d’un poids lourd. Cette ignorance peut entraîner des comportements dangereux de la part des conducteurs de véhicules automobiles. C’est par exemple le cas du conducteur qui, après avoir dépassé un camion, se rabat brutalement devant celui-ci pour s’insérer dans la distance de sécurité qui sépare le camion du véhicule précédent. Quand la manœuvre est effectuée sans ralentissement de la part du conducteur automobile, elle pourrait encore être acceptable, cependant, cette manœuvre s’accompagne souvent d’un coup de frein qui entraîne un risque de collision et un stress supplémentaire pour le conducteur du camion qui craint toujours de percuter le véhicule trop proche 14 . Par ailleurs, en ville, la présence et les comportements à risque des usagers les plus vulnérables (piétons, cyclistes et cyclomotoristes) font de l’environnement routier urbain un environnement complexe à risques (Maincent, Brun, Martin, 2008). La problématique des comportements des usagers vulnérables sera plus largement développée comme sujet d’une action de recherche dans le cadre de cette thèse (Conscience du danger et prise de risque des piétons confrontés aux camions en milieu urbain, p. 255).

Du point de vue des autres usagers de la route, le camion et son conducteur ne bénéficient pas d’une image positive (Cholez, 2001 ; Revah, 2001). Quel que soit l’environnement routier, autoroutier ou urbain, les représentations négatives des camions sont légion. En ville, il n’est pas rare de se retrouver bloqué derrière un camion arrêté en plein milieu d’une rue étroite pour effectuer une livraison. L’automobiliste arrêté oublie alors qu’il utilise, à l’occasion, les places de stationnement réservées aux camions de livraison et insulte copieusement le livreur qui n’a pas trouvé d’autre place. Sur autoroute, le conducteur du camion qui en dépasse un autre à une vitesse « réduite » pour l’automobiliste qui le rattrape, est lui aussi considéré comme « dérangeant » : il fait forcément exprès de doubler à ce moment précis, pourquoi double-t-il alors qu’il ne va pas plus vite que l’autre… Nombreux sont donc les adjectifs et les critiques pour qualifier les conducteurs routiers qui adoptent ces comportements. Cette difficile cohabitation, dont sont particulièrement conscients les différents acteurs du Transport Routier de Marchandises, a donné lieu à une recommandation forte qui figure en encadré dans le mémento pour la Formation Initiale Minimale Obligatoire du conducteur routier :

Routiers… Vous êtes des professionnels de la route !
Les autres usagers n’ont pas toutes vos connaissances en matière de Sécurité Routière.
Soyez un exemple,
Respectez leur inexpérience et leurs différences.
ENSEMBLE SOYONS TOLERANTS 15

Enfin, le taux de mortalité des victimes d’accident dans lequel un véhicule lourd est impliqué est très élevé et les accidents sont souvent spectaculaires. Ils sont, de ce fait, particulièrement médiatisés ce qui a pour effet de renforcer l’image négative des camions dans les représentations des autres usagers de la route.

A fin d’étudier le contenu des représentations qu’ont les usagers vulnérables à propos des camions en ville, une action de recherche a été menée dans le cadre du projet VIVRE2. La méthode d’étude utilisée et les résultats obtenus sont présentés dans la quatrième partie de ce travail.

Notes
14.

Verbalisations recueillies auprès de conducteurs professionnels et situations observées lors de trajets effectués en tant que passagère d’un 38 tonnes

15.

AFPA, Profession Routier, mémento pour la Formation Initiale Minimale Obligatoire, p.129.