L’activité de conduite d’un véhicule industriel

Outre les caractéristiques et règles communes à toute activité de conduite d’un véhicule, le conducteur routier exerce une activité purement professionnelle qui, de ce fait, s’effectue dans un cadre réglementaire strict qui relève aussi bien du code du travail que de la réglementation routière, sans omettre certaines régulations vernaculaires propres à ce métier. De plus, la maîtrise d’un véhicule industriel nécessite un apprentissage complémentaire et l’obtention de différents permis en fonction de la taille et du poids du véhicule.

A ces caractéristiques, s’ajoutent de fortes contraintes spatio-temporelles propres à l’activité spécifique du Transport Routier de Marchandises. En effet, la dimension temporelle semble la plus importante dans la tâche de conduite et les conducteurs mettent en place des stratégies opératoires dont le but est de répondre à l’objectif principal de leur activité : le respect des délais de livraison. Car l’activité du conducteur routier engage sa responsabilité envers le système routier bien évidemment, mais aussi envers son entreprise et envers le client.

Afin de préciser et de comprendre les contraintes inhérentes à la conduite d’un camion en milieu urbain, nous avons effectué, dans le cadre du projet VIVRE2, une campagne d’analyses de l’activité de conducteurs de camions effectuant des livraisons dans le centre ville de Lyon. La démarche adoptée et les résultats obtenus sont exposés page 274 dans la quatrième partie de ce document (X. La place de la conduite dans l’activité de distribution).

Ainsi, tout comme le conducteur automobile, le conducteur routier s’avère être le régulateur d’un système aux dimensions multiples. La gestion de ces dimensions a, pour conséquence, la transformation progressive de la conduite. Cette activité est passée, d’un ensemble d’automatismes à une conduite beaucoup plus décisionnelle (Galinier, 1992), entraînant une augmentation de la charge mentale du conducteur. De surcroît, cette charge de travail, de nature multidimensionnelle, peut être majorée par la multiplication de systèmes embarqués, notamment lorsque leurs interfaces sont multiples et visuelles.

Après ces premiers constats, soulignons les spécificités de l’activité quotidienne du conducteur routier, tant en matière de conduite, que d’activité de travail ou de vie à bord :

Ces nombreuses dimensions de l’activité du conducteur engendrent la multiplication de systèmes embarqués ou d’assistances spécifiques qui sont, non seulement dédiés à la conduite du camion (aides aux manœuvres, assistances à la conduite rationnelle…) mais aussi à l’activité propre au conducteur routier (outils de gestion de flotte, gestion d’itinéraires, bureau mobile…). Enfin, certaines applications peuvent participer à son confort à bord en dehors des heures effectives de travail (Internet, multimédias) ainsi qu’à la sécurité des biens transportés (surveillance extérieure). Avant de nous intéresser de manière plus concrète aux dimensions humaines et techniques de la conduite assistée d’un véhicule, le chapitre suivant présente l’activité de conduite d’un véhicule d’un point de vue cognitif et ergonomique.

Le secteur du transport routier de marchandises se trouve dans une phase de profonde recomposition. Associé à ces changements, le conducteur routier évolue de même, avec la transformation, progressive certes, mais néanmoins observable du métier, tant au niveau de la conduite qu’à celui des « autres temps » de son activité : relation avec les clients, chargements, déchargements… Ainsi, la déconnexion grandissante du couple « homme-machine » semble annoncer un changement des représentations du camion, qui, deviendrait, pour le conducteur, un simple outil de travail auquel ne sont plus rattachées les valeurs affectives d’autrefois.

De plus, dans le cadre d’une démarche de recherche orientée « conception », il nous semble important de tenir compte de la particularité de l’activité du TRM qui fait que, contrairement au secteur de l’automobile, le client18 n’est généralement pas le conducteur. Ce dernier est donc rarement impliqué dans le choix du camion et de ses équipements. Enfin, dans leur démarche de conception, les ingénieurs concepteurs des systèmes se réfèrent généralement à la représentation d’un environnement supposé perçu de manière identique par eux-mêmes et par les utilisateurs (Pomian, Pradère, Gaillard, 1997). Or il s’avère que ces concepteurs n’ont que très rarement une expérience de la conduite d’un camion (alors que tous conduisent une automobile), et certainement aucune expérience du métier de conducteur routier.

Il nous semblait donc nécessaire de préciser le contenu des représentations qu’ont les conducteurs routiers professionnels à propos des objets associés à leur activité de conduite : le véhicule, le métier de conducteur routier, la conduite d’un camion, les assistances à la conduite. Toutefois, compte tenu de la diversité des dimensions de l’activité de conducteur routier (distribution vs long routier, environnement urbain vs extra-urbain, tracteur-remorque de ± de 38T vs porteur de ± 12T), nous avons différencié les travaux sur ce thème en fonction de la problématique de chaque projet. Ces actions de recherche spécifiques sont présentées dans les troisième et quatrième parties de ce mémoire.

Notes
18.

Nous entendons ici par « client », l’entité qui sera propriétaire du véhicule : ici, le transporteur