Connaissances déclaratives et connaissances procédurales

C’est notamment grâce à un article de Winograd en 1975 (cité par George, 1988), que la distinction entre connaissances déclaratives et connaissances procédurales a été popularisée dans le domaine de la psychologie. Cette distinction repose sur l’idée d’un clivage entre connaissance et action, ou bien que certaines modalités de connaissances concernent plus la conceptualisation alors que d’autres sont plus reliées à l’activité. Cette distinction est souvent assimilée à la distinction entre les savoirs et les savoir-faire. Dans le domaine de l’ergonomie cognitive, on retrouve des dichotomies similaires telles que la distinction entre représentation et traitement (Hoc, 1982), entre structures et procédures (Inhelder et al., 1976) ou entre image cognitive et image opérative (Ochanine, Quaas et Zaltzman, 1972).

D’un point de vue schématique, les différences entre les connaissances déclaratives et les connaissances procédurales peuvent être décrites selon leur mode de manifestation et selon leur contenu. Selon George (op. cité), la séparation claire entre modes de manifestation et contenu des connaissances permet de soulignerque si certaines connaissances n’ont qu’un seul mode de manifestation possible, c’est le cas par exemple de certaines connaissances épisodiques uniquement déclaratives, d’autres peuvent se manifester différemment selon les individus(différence expert/novice), ou chez un même individu (par exemple selon les étapes de son apprentissage). Ainsi, dans le cas de l’activité de conduite d’un véhicule, plus le conducteur est proche de son apprentissage et plus il est capable d’énoncer les règles et procédures de la conduite. Plus il devient expert et plus il lui sera difficile de les décrire dans le détail. De même dans le cadre de la consommation de carburant, un conducteur peut très bien avoir les connaissances déclaratives sur les procédures de la conduite rationnelle sans pour autant savoir énoncer les procédures sous-jacentes à son propre comportement de conduite.

Tableau 1 : Tableau comparatif des propriétés des connaissances déclaratives vs procédurales
MODES DE MANIFESTATION CONNAISSANCES DECLARATIVES CONNAISSANCES PROCEDURALES
S’extériorisent dans le langage naturel ou symbolique S’expriment dans l’activité finalisée, se manifestent dans les comportements
Existence indépendante de l’utilisation possible Intégrées dans une utilisation particulière
Autonomes et mobiles Incluses dans une conduite spécifique
Pas de dimension temporelle, pas d’effet d’ordre entre les éléments Existence d’une succession temporelle entre les éléments de l’activité/action
CONTENU CONNAISSANCES SUR LES FAITS CONNAISSANCES SUR LES PROCEDURES
Traduisent sous forme d’énoncés verbaux des faits, des propriétés des objets, et des règles d’action Intègrent les propriétés des objets sur lesquels s’exerce l’action
Peuvent concerner les actions Peuvent concerner les propriétés de l’environnement
Facilement accessibles à la verbalisation Difficilement accessibles voire impossibles à verbaliser

Nous avons comparé dans le tableau supra (Tableau 1) les différentes propriétés des connaissances déclaratives et des connaissances procédurales selon leur mode de manifestation et selon leur contenu.

La seconde approche qui semble intéressante est celle proposée par Richard (1998) pour l’étude des activités cognitives finalisées. Sous le terme de connaissances, l’auteur inclut les croyances, les représentations, les stéréotypes, normes et valeurs. De plus, il ne leur accorde aucun caractère de vérité, l’important étant que les connaissances aient l’adhésion du sujet et que, de ce fait, elles puissent devenir efficientes pour son action.

Une première distinction est faite entre les connaissances générales qui constituent la mémoire sémantique et les connaissances spécifiques qui constituent la mémoire épisodique. Pour l’auteur, les connaissances générales peuvent être relationnelles, elles correspondent alors aux connaissances déclaratives, ou procédurales. Les connaissances déclaratives sont des connaissances sur les objets qui précisent leurs composantes élémentaires et la nature des relations entre ces composantes. Elles sont conscientes et explicitables c’est à dire qu’elles peuvent être exprimées par le langage. Ce sont des concepts indépendants d’un contexte spatio-temporel. La connaissance du code de la route fait partie des connaissances déclaratives indispensables pour l’activité de conduite d’un véhicule.

Les connaissances procédurales concernent des séquences d’actions organisées dans un but donné et tenant compte des possibilités d’action sur les objets. Mettre un véhicule en mouvement fait partie des connaissances procédurales : tourner la clé de contact, débrayer, passer la marche avant, embrayer doucement en accélérant.

Enfin, pour Richard, les connaissances spécifiques sont des connaissances contextualisées qui concernent des objets, situations, événements ou séquences d’actions spécifiques qui ont fait l’objet d’une expérience singulière et personnelle. C’est par exemple pour un conducteur, la mémorisation d’un accident en effectuant une manœuvre spécifique avec son véhicule dans un contexte donné (marche arrière, renversement d’un piéton, en ville…). Les connaissances spécifiques sont des événements biographiques.

Compte tenu des spécificités de chaque type de connaissances, du point de vue de l’activité humaine, il semble difficile de dissocier les connaissances procédurales des connaissances déclaratives qui se rapportent à cette activité. Prenons l’exemple du démarrage à un feu tricolore au volant d’un véhicule : comme vu précédemment, la mise en mouvement du véhicule repose sur un certain nombre de connaissances procédurales, cependant, le conducteur doit faire appel à des connaissances déclaratives (code de la route) pour comprendre la signification de la couleur du feu 22  ; enfin, si le conducteur a vécu l’expérience d’un refus de priorité lors d’un franchissement de feu tricolore (connaissance épisodique spécifique), cette information sera activée pour la situation en cours. Ainsi, pour pouvoir construire une représentation fonctionnelle qui permettra une action efficiente, selon plusieurs auteurs dont Richard (1995, 1998) et Sébillotte (1988, 1993), les connaissances sont associées en mémoire à long terme sous forme de schémas d’action.

Notes
22.

Au Brésil par exemple, les feux sont bicolores, la paire rouge/vert tenant lieu de feu orange.