Faut-il opposer processus automatiques et processus contrôlés ?

S’il est vrai que les processus dits contrôlés sont souvent présentés en opposition par rapport aux processus automatiques (Posner et Snyder, 1975), selon Camus (1996), il est nécessaire de nuancer cette opposition qui s’exprime essentiellement au niveau de leurs propriétés et caractéristiques (Tableau 2).

Tableau 2 : Tableau comparatif des propriétés des processus automatiques vs contrôlés (d’après Schneider, Dumais et Shiffrin, 1984, cités par Camus, 1988,)
CARACTERISTIQUES PROCESSUS AUTOMATIQUE PROCESSUS CONTROLE
Capacité Centrale Non requise Requise
Contrôle Incomplet Complet
Indivisibilité Global Fragmenté
Pratique Conduit à des améliorations progressives Peu d’effet
Modification Difficile Facile
Dépendance
Sériel/Parallèle
Parallèle indépendant Sériel dépendant
Stockage en mémoire opérationnelle Pas ou peu Beaucoup
Niveau de performance Elevé Faible sauf si la tâche est facile
Vitesse Rapide sans perdre sa précision Lent, sinon détérioration de la précision
Conscience Faible Elevée
Attention / ressources attentionnelles Non requise mais peut être appelée Indispensable
Effort Peu, pour autant qu’il y en ait Enormément

D’un point de vue fonctionnel, d’une part, l’exécution d’une tâche nécessite bien souvent la mise en œuvre des deux types de processus (et dans ce cas il n’est pas toujours facile de les dissocier), d’autre part, les processus contrôlés jouent un rôle non négligeable dans la formation et la mobilisation des automatismes :

  • Un contrôle attentionnel peut contribuer à améliorer un processus automatisé : les informations traitées par un processus automatique sont précaires et leur stockage en mémoire opérationnelle est très court (quelques secondes). Si le processus automatique nécessite d’être prolongé, un processus contrôlé permet de maintenir activées, en mémoire opérationnelle, les informations nécessaires au processus automatique. Prenons le cas de la prise de repères (compter les feux tricolores avec un objectif déterminé) dans un environnement routier. L’information « franchissement d’un feu tricolore » est traitée automatiquement par le conducteur, elle fait partie d’un schème : si le feu est vert alors, je passe, si le feu est orange ou rouge alors je m’arrête. Le conducteur prendra la bonne décision, sans contrôle conscient, mais ne mémorisera pas pour autant le nombre de feux qu’il aura franchi au cours de son trajet. Si, en revanche, il doit poursuivre un itinéraire en fonction du nombre de feux « tourner à droite au quatrième feu », alors il devra engager un contrôle attentionnel pour mémoriser le nombre de feux franchis. La routine de franchissement des feux sera toujours sous traitement automatique, mais l’attention sera orientée et maintenue pour la mémorisation du nombre de feux franchis. Néanmoins, le processus contrôlé ne permet qu’un contrôle partiel du processus automatique qui demeure autonome et indépendant d’un contrôle volontaire. Cette caractéristiquepermet une réaffectation des ressources attentionnelles et améliore l’efficacité du contrôle attentionnel (Schneider, Dumais et Shiffrin, 1984).
  • Un processus automatique peut être préparé par un processus contrôlé. De nombreuses études (selon Perruchet, 1988) montrent que le déroulement d’un processus automatique dépend plus ou moins partiellement de l’attention accordée à la tâche qui le mobilise. En effet, il semble peu probable que les tâches qui composent une activité finalisée soient totalement automatisées, seules peuvent l’être certaines composantes. Ainsi, l’exécution d’une tâche ou d’un ensemble de tâches ne peuvent se dérouler sans que l’attention de l’individu ne soit orientée vers les stimuli pertinents pour l’activité, quel que soit le mode de traitement de ces stimuli. Pour reprendre l’exemple de la conduite d’un véhicule, pour le cas de l’itinéraire suivi par habitude, il est bien évident que la tâche de conduite nécessite un engagement de l’attention vers l’environnement routier pour bien d’autres raisons que le suivi de l’itinéraire.
  • Par ailleurs, de nombreux travaux ont montré que c’est l’orientation globale de l’attention de l’individu qui permet l’opérationnalisation des processus automatisés dans des conditions spécifiques. Ainsi, plus on monopolise l’attention du sujet et plus on a de risques de perturber les traitements, y compris les processus automatisés. Cette observation nous semble d’une importance capitale pour la conception des Interfaces Homme-Machine et des stratégies d’assistance à la conduite d’un véhicule.
  • Enfin, les composantes automatisées sont formées par la répétition d’un traitement qui s’opère à l’origine sous contrôle attentionnel (Perruchet, 1988a).