Du mode contrôlé au mode automatique

L’acquisition des automatismes qui composent l’activité de conduite d’un véhicule est soumise à un apprentissage préalable. Quels qu’ils soient, perceptifs, sensorimoteurs, cognitifs ou acquisition d’un conditionnement, tous ces apprentissages semblent s’appuyer sur des variables attentionnelles et s’expriment par une transformation de la compétence du conducteur (Camus, 1988). L’expertise émerge à la suite d’un processusde transformation des principales caractéristiques de la conduite (prise et encodage de l’information, traitement central de celle-ci, sélection, programmation, exécution et régulation de la réponse).C’est aussi au cours de ce processus de transformation que vont apparaître et se renforcer les mauvaises habitudes.

Le processus contrôlé représente un moyen permettant le développement, la construction des processus automatiques.En libérant le mode contrôlé, l’acquisition progressive de l’automatisme lui permettrait de jouer de plus en plus efficacement son rôle stratégique. Schneider et Fisk (1984) parlent de « briques d’automatismes » (stepping stones).

Schneider (1985) a proposé un modèle présentant 4 phases de transition entre le processus contrôlé et le processus automatique (Tableau 3).

Tableau 3 : Passage du mode contrôlé au mode automatique (d’après Schneider, 1985)
Phase 1 Mode contrôlé Le traitement de l’information est dirigé par l’attention
Phase 2 Phase de traitement à la fois contrôlé et automatique Les deux processus coexistent. Il existe encore des processus contrôlés, la performance se détériore en cas de surcharge liée à une double tâche,
Phase 3 Phase de traitement automatique avec assistance du processus contrôlé Le processus contrôlé assure un gain additionnel dans l’évocation des vecteurs afin de surmonter le bruit présent dans la communication
Phase 4 Traitement automatique Aucun gain additionnel n’est nécessaire. Le processus supporte facilement l’élimination des ressources contrôlées qui peuvent être investies dans d’autres tâches sans perturber le déroulement du processus automatique.

Selon l’auteur, un traitement automatique, même en phase 4 peut encore être amélioré par une attention contrôlée. En revanche, un excès d’assistance contrôlée à ce stade peut aussi gêner le déroulement de l’automatisme.

Il nous semble intéressant de tenir compte de cette caractéristique des traitements automatiques dans la conception des stratégies d’assistance à la conduite d’un véhicule, notamment lorsqu’il s’agit d’augmenter la qualité de la conduite du conducteur. Pour les véhicules industriels, cela concerne notamment la conduite rationnelle ou la prévention des renversements. En effet, si les automatismes acquis (l’expertise) d’un conducteur lui permettent de conduire selon les critères définis par le système d’assistance, alors toute information ou consigne additionnelle présentée par le système représentera un excès d’assistance contrôlée tel que le décrit Schneider (1985) ; elle risquera de perturber le déroulement automatique du traitement et donc de dégrader la conduite du sujet. En revanche, si un conducteur expert ne conduit pas de manière adéquate, on peut alors espérer qu’une assistance contrôlée, représentée par des informations ou des consignes données par le système, améliorera sa conduite. De plus, dans ce cas, le système pourra éventuellement servir de support d’apprentissage/remédiation en corrigeant petit à petit les « mauvaises habitudes ».