Caractéristiques et propriétés des habiletés

Une habileté est un savoir-faire qui met en œuvre un ensemble organisé de connaissances déclaratives et procédurales en vue de l’exécution d’une tâche, de la réalisation d’une action. Du fait de leur caractère finalisé, les habiletés cognitives diffèrent quelque peu des automatismes.

  • Les habiletés sont acquises par l’apprentissage et répondent à la loi universelle de la pratique, en ce sens que la pratique améliore l’habileté et renforce les automatismes. Elle explique ainsi la notion d’expertise, acquise par la pratique et l’expérience.
  • Les habiletés sont finalisées et constituées d’unités qui sont coordonnéesen vue de l’atteinte d’un objectif. Elles font partie des connaissances procédurales stockées en mémoire à long terme et à ce titre, il pourra parfois être difficile d’en séparer les composantes pourconstruire une autre habileté.
  • Les habiletés sont adaptatives : dans le domaine sensorimoteur, un mouvement habile est capable de s’adapter en fonction des buts et exigences de la tâche en cours ; dans le domaine cognitif, le caractère adaptatif se révèle et s’exprime notamment avec l’acquisition de l’expertise.

Ces différentes caractéristiques confèrent aux habiletés des propriétés proches de celles des automatismes :

  • La réalisation d’une tâche qui dépend d’une habileté voit sa vitesse d’exécution croître et son coût diminuer avec la pratique, la charge de travail engendrée par une habileté est, de ce fait, moindre. C'est-à-dire que, dans des conditions d’exécution similaires, l’habileté se traduit par une efficacité et une efficience26 augmentées,
  • La réduction de coût ou de la charge mentale (comme dans le cas des automatismes) permet l’exécution d’une tâche en parallèle, et, selon Leplat (1985), augmente la résistance de l’individu au stress,

Ces propriétés sont complétées :

  • par un accroissement de la stabilité de l’habileté : avec le temps et la pratique, le gain dû à l’apprentissage s’amenuiseet celle-ci peut s’exercer sur une très longue durée dans des conditions relativement stables,
  • par un accroissement de la disponibilité cognitive : une action correspondant à une habileté acquise (une expertise), peut être effectuée plus rapidement et avec moins d’hésitation qu’en période d’acquisition (d’apprentissage).

En contrepartie, la mise en œuvre d’une habileté peut avoir des effets négatifs :

  • C’est le cas lorsque les conditions d’exécution d’une tâche changent au cours de l’action, la vitesse engagée peut empêcher le désengagement de l’action à temps, on observe alors un « raté par capture ».
  • De plus, le coût moindre résultant d’une habileté peut rendre un individu plus sensible aux distractions, amoindrir sa vigilance et diminuer sa réactivité dans des situations d’urgence imprévues.
  • Enfin, les habiletés acquises de longue date peuvent faire obstacle à l’acquisition d’autres habiletés proches du point de vue de la procédure (résistance au changement). Selon Leplat (op. cité), « Une longue expérience continue dans un champ étroit peut entraîner une rigidité d’esprit qui rend difficile l’élimination non seulement des habitudes mais aussi des attitudes qui ont été acquises dans des travaux antérieurs ». Cette caractéristique explique la difficulté de modifier les « mauvaises habitudes ». Ainsi, dans le cadre de la conduite d’un véhicule, il sera difficile de faire changer les comportements des conducteurs qui reposent sur des habiletés acquises par une longue pratique. Cette particularité sera à prendre en considération lors de la conception de nouveaux systèmes d’assistance à la conduite, de même que lors de la mise en place de formations spécifiques, telles que les formations à la conduite rationnelle.

Toute activité humaine ne peut s’effectuer sans l’activation en mémoire des diverses représentations nécessaires à son exécution. Cette activation dépend de deux processus majeurs, les processus sous contrôle de l’attention dits « contrôlés » et les processus automatiques s’effectuant hors contrôle attentionnel.

Bien qu’ils aient des caractéristiques et des propriétés opposées, il est difficile d’établir une frontière claire entre ces deux processus. Parmi ces caractéristiques, la charge mentale revêt une importance particulière qui mérite notre intérêt.

Les processus automatiques sont décrits par Camus (1996) comme étant des modules cognitifs permettant d’activer des représentations perceptives, cognitives ou sensorimotrices. Dans bon nombre de situations stables, prévisibles et routinières, ces automatismes cognitifs permettent de libérer les ressources attentionnelles pour les consacrer à des opérations plus tactiques en organisant chaque module automatisé dans une habileté souple, capable de s’adapter aux modifications d’un environnement dynamique (Leplat, 1988). Dans certaines circonstances, ces automatismes peuvent être rendus opérationnels par un processus attentionnel, mais ils peuvent aussi être spontanément déclenchés lorsqu’ils apportent une solution compatible avec les exigences perçues de la situation en cours. Toutefois, face à un changement imprévu dans une situation routinière, le déroulement d’un automatisme est susceptible de contrarier l’activité cognitive impliquée, et ce, en dépit des orientations contrôlées de l’attention.

De plus, selon Camus (op. cité), la nature de la tâche(selon l’importance de ses composantes perceptives, cognitives et sensorimotrices),celle des stimulations sensorielles (visuelles ou auditives) ou des codes (verbaux ou spatiaux), le niveau d’expertise et donc d’automatisation des compétences et l’importance de la charge mentale, sont autant de facteurs qui interagissent avec des variables individuelles telles que le niveau de vigilance, la disponibilité des ressources attentionnelles, l’état physique et psychologique ou l’âge, de même qu’avec des variables contextuelles comme la durée de l’exercice ou le moment de la journée.

Enfin, la problématique du traitement de l’information qui sous-tend tout comportement humain ne peut être envisagée sans la prise en compte de l’objectif en vue duquel l’activité est déployée. A cet objectif seront associées des variables telles que l’intérêt, le plaisir et la motivation de l’individu pour l’activité.

Notes
26.

Une activité sera dite d’autant plus efficiente qu’elle permettra d’atteindre à moindre coût le même niveau d’efficacité