Troisième Partie
Conduite rationnelle d’un véhicule industriel : Assister le conducteur pour économiser du carburant

Le projet Conduite Economique Assistée (CEA)

Cette troisième partie présente la démarche de recherche adoptée en vue de la conception d’un système d’assistance à la conduite rationnelle d’un véhicule industriel. Les études présentées ci-après ont été réalisées dans le cadre du projet CEA (Conduite Economique Assistée, 2001-2006), piloté par Renault Trucks et subventionné pour partie71 par l’ADEME72. Nos travaux ont fait l’objet d’un contrat de recherche, financé par Renault Trucks et géré par AUXIRBAT Recherche pour le compte du constructeur.

La réduction de la consommation des véhicules industriels, en entraînant une réduction des émissions de gaz nocifs et de gaz à effet de serre, ainsi qu’une diminution de l’émission des particules, est devenue un objectif prioritaire pour les constructeurs. En matière de conduite rationnelle d’un camion, il existe des plages de rendement optimal du moteur. Cependant, si le conducteur ne les exploite pas, volontairement ou involontairement (défaut d’attention, absence de motivation, méconnaissances, fatigue, etc.), il en résulte une consommation excessive, non seulement de carburant, mais aussi des divers composants de la chaîne cinématique (freins, pneus, boîte de vitesse). De plus, comme dans toute situation de conduite de mobile, l'anticipation est un aspect fondamental du pilotage d’un véhicule. Ainsi, il peut être judicieux de sortir un temps de la plage où la chaîne cinématique a un rendement optimal afin d'anticiper un événement pour économiser globalement du carburant et minimiser l’usure du matériel (par ex. : prendre de l'élan avant un fort dénivelé ou lever le pied 100 m avant la rupture de pente plutôt que d'utiliser les freins). De fait, c’est la "stratégie" mise en œuvre par le conducteur qui semble, principalement, conditionner la consommation des véhicules actuels.

Alors que, lors du démarrage du projet, la plupart des travaux existants ou en cours portaient sur l'optimisation de la machine, le projet CEA a proposé d'aborder le problème sous un angle systémique, en intégrant le profil comportemental du conducteur et la prise en compte de l’environnement routier, dans la démarche de développement d’un système permettant de diminuer la consommation des véhicules. En amont de l'optimisation de la chaîne cinématique, l'objectif du projet était le développement d’un système d’assistance adaptative à la conduite économique afin d’aider le conducteur à piloter son véhicule suivant la meilleure stratégie. Le système conçu devait répondre à plusieurs contraintes :

  • Le calculateur embarqué devait jouer le rôle d’un copilote en s’appuyant non seulement sur des données issues de l’environnement et du véhicule, mais aussi sur la connaissance des comportements et des styles de conduite des conducteurs,
  • Seuls les comportements trop consommateurs devaient être corrigés,
  • Le système ne devait pas perturber la conduite des conducteurs dont les comportements sont en adéquation avec les critères d’une conduite rationnelle,
  • La précision des informations à présenter au conducteur ne devait pas augmenter la composante mentale de sa charge de travail,
  • L’Interface Homme-Machine proposée devait être innovante.

Les travaux de l’équipe, composée d’ingénieurs, de techniciens et de psychologues, ont été organisés selon deux axes de recherche, effectués en parallèle, mais comportant de nombreux points de rencontre permettant de fusionner les résultats de chaque discipline (Figure 18).

Figure 18 : Organisation générale du projet « Conduite Economique Assistée » (d’après Fornengo, 2004)
  1. Le premier axe de recherche, composé d’une étude technique et théorique a été pris en charge par les ingénieurs de Renault Trucks. Il avait pour objectif la proposition de stratégies pour piloter, de façon optimale au sens économique, un véhicule donné (stratégies d’accélération, de changement de rapports et de ralentissement).
  2. Le second axe de recherche avait pour objectif, en s’appuyant sur l’analyse de l’activité de conduite d’un camion en situation réelle, de définir un modèle du comportement du conducteur dans le cadre d’une conduite rationnelle. Ces travaux, dont nous avons eu la responsabilité, sont exposés dans les pages suivantes et représentent la première partie « expérimentale » de cette thèse.

La fusion des résultats des deux axes de recherche a abouti à la proposition d’une Interface Homme-Machine innovante permettant de présenter au conducteur les consignes du système d’assistance, sans augmenter sa charge mentale. Cette interface, principalement composée d’une pédale d’accélération « sensitive » à retour d’effort a été complétée par un affichage visuel informatif. L’ergonomie de l’ensemble et de chacun des composants de l’interface a été évaluée sur le simulateur dynamique de conduite de Renault Trucks.

Trois chapitres composent cette troisième partie consacrée à la dimension empirique de nos travaux appliqués à la conception d’une assistance à la conduite rationnelle d’un camion.

  1. Le chapitre VI est consacré à la problématique de l’optimisation de la consommation d’un camion en vue d’un développement durable.
  2. Le chapitre VII présente la démarche expérimentale que nous avons développée afin d’étudier les comportements des conducteurs en termes de conduite rationnelle. Les observations ont été effectuées à l’aide d’un véhicule d’expérimentation, en environnement naturel sur route ouverte, avec pour objectif la définition de modèles comportementaux exploitables par le calculateur du véhicule.
  3. Le chapitre VIII aborde la démarche expérimentale sur simulateur dynamique de conduite pour évaluer la pertinence de l’interface homme-machine, et en discute les résultats.
Notes
71.

Convention ADEME n° 03 66 027

72.

Agence pour la Défense de l’Environnement et la Maîtrise de l’Energie