Interactions Homme-Machine et assistance à la conduite rationnelle

Les études théoriques et contextuelles exposées dans les première et deuxième parties de cette thèse ont fait ressortir plusieurs points qui nous ont guidés dans la démarche d’élaboration des stratégies d’assistance et de l’interface homme-machine du projet CEA.

La charge de travail des conducteurs de poids lourds semble de plus en plus importante et les systèmes d'aide à la conduite actuels ne la réduisent pas sensiblement. De plus un excès d'informations risque de diminuer l'attention que les conducteurs portent à l’environnement routier ce qui peut se révéler préjudiciable à la sécurité.

Le canal visuel est le canal le plus sollicité pour faire passer de l'information du véhicule au conducteur mais il est aujourd'hui saturé par les nombreux systèmes en place. Ainsi, tout affichage visuel supplémentaire a pour résultat l’augmentation de la charge mentale et le partage des ressources attentionnelles du conducteur. Il paraît donc intéressant d’envisager un canal sensoriel différent pour donner des conseils ou des consignes de conduite au conducteur.

Le canal auditif est peu utilisé mais ne permet pas le passage d'informations précises telles que des consignes de décélération, freinage… Il est actuellement utilisé comme alarme ponctuelle sur certains véhicules afin d’orienter l’attention du conducteur (systèmes DMS et NENPIOH par exemple, cf. pp. 117-119), mais l’expérience a montré que les utilisateurs avaient tendance à désactiver les systèmes sonores jugés souvent trop « envahissants ». On pourrait imaginer, en revanche, créer une « ambiance » sonore particulière de manière à optimiser les performances du conducteur.

Enfin, la voie somesthésique semble actuellement la plus prometteuse. La C4 du groupe Peugeot-Citroën commercialisée en 2004 illustre particulièrement cet intérêt avec notamment le système d’Alerte au Franchissement Involontaire de Ligne (AFIL) par l’intermédiaire de vibrations émises dans le siège du conducteur. De plus, les travaux sur le retour d'effort dans les commandes, principalement au niveau de l’accélérateur, intéressent de plus en plus de constructeurs automobiles. La plupart des marques de véhicules automobiles proposent maintenant un limiteur de vitesse par l’intermédiaire de la pédale d’accélération. Bien que l’idée ne soit pas récente (Malaterre et Saad, 1984), les recherches en ce domaine sont de nouveau d’actualité, et leur application semble particulièrement adaptée au domaine du respect de la vitesse en milieu urbain et sub-urbain (Page, 2004 ; Varhelyi et al., 2002). De plus, sur les gammes Premium et Magnum de Renault Trucks, il existe déjà un « point dur » au niveau de la pédale d’accélération. Le « franchissement » de ce point dur permet au conducteur de basculer sur une cartographie-moteur plus performante quand le besoin s’en fait sentir. Cette fonction a fait l’objet d’une évaluation en termes d’intérêt, auprès des conducteurs à l’occasion des observations en environnement routier.

Compte tenu de ces constats, la voie kinesthésique et les retours de force dans les commandes nous ont semblé des axes de recherche à privilégier en matière d’IHM. Nous avons donc orienté nos travaux sur la mise au point d’une pédale à retour d’effort pour délivrer les consignes d’accélération ou de décélération au conducteur en vue d’une conduite rationnelle. Il semble, en effet, que ce soit par les commandes de frein et d'accélérateur que le conducteur personnalise son style de conduite et façonne ainsi sa propre consommation (Fornengo, 2004).