Si le vêtement et l’habillement constituent deux concepts dans l’ensemble des connaissances et des supports théoriques à l’étude de la mode vestimentaire, la mode représente en tant que notion un phénomène associable aux vêtements mais pour autant ne s’apparentant pas uniquement à leur étude sociologique précise.
En effet, connus aujourd’hui comme objets sociologiques, le vêtement et l’habillement et leurs pratiques sont à la source de nombreux questionnements quant à la société et son organisation. Leur étude permet alors, d’abord de retrouver les fondements de pratiques sociales distinctives reconnues constitutives d’une organisation sociale, ensuite de proposer à travers leurs représentations des ensembles de corpus nouveaux à interroger pour déterminer de nouvelles pratiques en termes d’habillement et de socialisation par le vêtement. Monneyron n'a de cesse dans l'ensemble de son discours de réaffirmer la nécessité d'intégrer la mode et le vêtement parmi les objets d'étude du social les plus performants :
‘« Les images de mode sont donc tout à fait déterminantes dans la formulation certes, mais aussi, on le voit, dans la (re)construction et la (re)définition des identités masculines et féminine. Leur rôle, toutefois, ne s’arrête pas là. Au-delà d’une construction identitaire, elles livrent aussi un tableau privilégié des relations d’une époque donnée à la sexualité, mieux peut-être, la voie d’accès par excellence à cette époque. »137 ’En outre, si le vêtement est aujourd’hui constitué en objet sociologique, son mode de diffusion propre n’en est pas moins un objet d’étude à part entière. C’est alors que nous pouvons identifier dans les discours traitant de ce sujet, le terme « mode ». Mode de diffusion, modernité, mode vestimentaire… la polysémie de ce terme, loin d’ajouter la confusion aux études, en démontre toutes les richesses pour la sociologie.
Ce que l’on a pour coutume de nommer « mode » dans les expressions notamment « magazine de mode », ou encore « créateur de mode », n’est en fait qu’une série d’exemples de ce qui constitue de façon générale la « mode ». La mode en tant que phénomène, est un appareillage complexe, qui semble reposer sur un ensemble de pratiques, dans divers domaines à considérer. La mode vestimentaire n’en est qu’un seul, mais cette mode vestimentaire est elle-même à considérer comme consubstantielle d’une mode de l’apparence plus vaste. (Ainsi le magazine de mode ne traitera pas que du vêtement, mais aussi du corps, de ses techniques, de la beauté, des postures, pourquoi pas même, des idées « à la mode »). Aussi, nous pourrions distinguer la mode vestimentaire d’autres modes, en ce qu’elle se constitue aujourd’hui sur un marché, et qu’elle présente une série de biens de consommation, dont le prix et les stratégies de distribution commerciales viennent influencer les phénomènes d’appropriation. Ainsi donc, la mode vestimentaire ne permettrait pas l’analyse de phénomènes de mode « purs », comme l’attribution des prénoms ou toute autre pratique « gratuite » le permettrait.
‘«En effet, s’agissant d’autres objets de consommation tels que le vêtement ou, plus encore, les produits de luxe, il est souvent très difficile de distinguer entre les valeurs de mode et les valeurs économiques qui leurs sont extérieures mais qui se confondent avec elles, ce qui complique le problème déjà mentionné de la spécification de la mode comme objet de recherche. »138 ’Toutefois, quand ces mêmes auteurs procèdent, considérant d’autres champs, tels que la diffusion des prénoms par exemple, à la définition de la mode, nous retrouvons dans leur proposition deux caractéristiques de la mode (vestimentaire ou autre cette fois), caractéristiques que nous emploierons nous-mêmes pour la suite de nos analyses :
-le caractère cyclique de la mode ;
-un mode de diffusion social vertical.
Il s’agit là des deux mouvements dans la mode, et donc entre autres, dans la mode vestimentaire que nous tâcherons d’identifier dans la partie suivante. Nous verrons pour cela dans un premier temps le mode de diffusion vertical et les possibles justifications d’un tel processus de diffusion dans une société de classes, enfin, nous mettrons en exergue le caractère cyclique de la mode, en interne cette fois, dans sa production. Ainsi, si nous avons déjà évoqué la notion de présentation de soi par le corps et celle de représentation par là même occasion, nous allons aborder ici la notion de représentation dans sa production par l'acteur, notamment au travers de sa concrétisation par les choix de vêtements.
F. Monneyron, La frivolité essentielle, op. cit. 93
P. Besnard & G. Desplanques, Un prénom pour toujours. La cote des prénoms hier, aujourd'hui et demain (Paris : Balland, 1986)