Nous avons ici pour objectif de définir la nature de la relation entretenue entre le genre féminin et la mode, relation naturalisée dans le cadre de nos sociétés occidentales contemporaines qui tendent à accorder une place importante à la mode et à ses pratiques dans un univers « féminin », à l’instar du bricolage ou de la mécanique automobile dans un univers « masculin ». Veblen indique déjà une différence dans les deux types de costume et associe clairement celle-ci à une domination masculine et à une dénégation d'un statut de femme :
‘« Or, le costume de la femme, s’il sait mieux encore que celui de l’homme persuader qu’il ya exemption de travail, ajoute à cette démonstration une idée particulière et tout à fait étrangère en son essence aux modes masculines. Nous la trouvons dans la catégorie d’artifices dont l’exemple typique est le corset. En théorie économique le corset n’est autre chose qu’une mutilation, destiner à ôter de la vitalité au sujet, à le rendre en permanence et de toute évidence inapte au travail. [...] Pour dire les choses comme elles sont, la féminité de la toilette féminine et de ses ajustements particuliers se réduit essentiellement à l’efficacité des obstacles qu’elle oppose à tout effort utile. On se borne ici à indiquer cette différence caractéristique des tenues féminine et masculine, et l’on va essayer de comprendre pourquoi elle se produit. »162 ’Le premier des stéréotypes est celui qui ici nous intéresse, et nous tenterons de décrire, si ce n’est d’expliquer, cette liaison établie entre femmes et mode, qui dénote un rapprochement plus particulier entre le genre féminin et le souci de l’apparence. Nous allons donc pour cela emprunter les connaissances de l’histoire de la mode et du vêtement et y apporter les explications sociologiques nécessaires afin de saisir la portée du genre sur les faits de vêtements et réciproquement.
T. B. Veblen, L’habillement, expression de la culture pécuniaire. Dans Théorie de la classe de loisir (1899) (Paris : Gallimard, 1978) 113