5.1 Premiers repères pour le genre : l’interactionnisme social.

Nous avons abordé la théorie de l’interactionnisme dans nos premiers chapitres dédiés à l’établissement d’un cadre conceptuel pour nos travaux. Nous avons donc traité de l’interaction en nous appuyant sur les propos de Goffman et sur ses nombreuses études d’interaction sociale279 ou encore d’arrangement des sexes280 et de présentation de soi281. Partant également des théories abordant le genre comme une classification culturellement et socialement imposée sous formes de normes établies, nous sommes amenées dans notre analyse à fonder nos premières hypothèses selon ces introductions théoriques. Nous entendons donc démontrer par le traitement de nos données que les représentations de la féminité dans les séries mode sont construites en fonction des représentations sociales dominantes du genre féminin. Les travaux d’Heinich282 283 ou encore de Kaufmann284 nous mettent sur la voie d’une première typologie à vérifier. Si pour Heinich les représentations fictionnelles du genre féminin dans la littérature s’articulent autour des concepts de femme liée et de femme non liée, pour Kaufmann285, la typologie n’est pas à appliquer aux types de femmes mais plus essentiellement à la nature des relations entre les regards d’homme et les corps de femmes. Tous deux cependant s’accordent sur une idée commune, les représentations de la féminité sont à considérer dans une relation homme-femme, dans la mesure où la sexuation sociale286 est une construction dans l’interaction, d’identités masculines et d’identités féminines. C’est donc des représentations de sexe social287 qui font l’objet de notre analyse. Nous retrouvons à travers cette typologie de Kaufmann quant à la nature du regard de l’homme sur la femme, la définition empruntée au genre de façon générale, qui confère aux études de genre, non plus la spécificité d’étudier le genre féminin par exemple, en tant qu’objet précis de l’étude, mais plutôt la spécificité d’étudier le genre en ce qu’il institue des relations d’une nature particulière entre les individus alors différenciés sexuellement. Présupposant la relation de genre comme prémisse à la différenciation sexuelle et non plus l’inverse, qui avançait que le sexe naturel instaurait le genre, nous basons donc nos analyses sur la mise en exergue de cette relation, sur la mise en exergue du genre féminin dans notre cas, en ce qu’il est construit dans une relation au social et à la société objectivement « masculine ». Ainsi, nous tâcherons de reconnaître et d’identifier au sein de notre corpus d’images, les postures codant pour une mise en scène des relations entre individus sexuellement différenciés, entre les hommes et les femmes. Ce corpus, composé d’images de mode représentant des femmes, devra donc permettre de restituer les traces du genre et des interactions « genrées » que nous supposons être présentes au sein des séries mode.

Les prochaines parties de notre présentation seront donc articulées de façon à proposer en premier lieu les résultats chiffrés de l’observation pour chaque titre du corpus, afin de proposer dans un deuxième temps une analyse structurale visant à montrer les similitudes et les distinctions isolées. Enfin, chaque partie se conclura sur une analyse interprétative, instituant les prémisses de notre conclusion générale sur l’ensemble de nos observations et l’ensemble de notre corpus.

Notes
279.

E. Goffman, Les rites d'interaction, op. cit.

280.

E. Goffman, L'arrangement entre les sexes, op. cit.

281.

E. Goffman, La mise en scène de la vie quotidienne. 1. La présentation de soi, op. cit.

282.

N. Heinich, Les ambivalences de l'émancipation féminine, op. cit.

283.

N. Heinich, États de femme. L'identité féminine dans la fiction occidentale, op. cit.

284.

J. Kaufmann, Corps de femmes, regards d'hommes : sociologie des seins nus (Paris : Nathan, 1995)

285.

Ibid.

286.

M. Mead, Mœurs et sexualité en Océanie (Paris : Plon, 1955)

287.

Ibid.